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Moyen Orient et Monde - Témoignages

« Pour Assad, nous, opposants, ne sommes même plus syriens »

Des civils se promènent devant un soldat du régime, dans la Ghouta orientale. AFP/Stringer

« Je ris, je pleure. Je ne sais pas, c’est confus, confiait Ahmad à L’Orient-Le Jour, le 13 décembre 2016, après avoir compris que l’évacuation d’Alep-Est était réelle. Je viens de brûler ma maison pour que personne ne puisse en profiter. » Il avait compris, alors, qu’il ne remettrait sans doute plus jamais les pieds dans l’appartement où il a grandi.
Le conflit qui a démarré en 2011 a permis au régime de s’accaparer illégalement des biens immobiliers, à mesure que la guerre se prolongeait. Cette mainmise devrait s’accentuer dans les semaines à venir avec la promulgation par le gouvernement de la loi numéro 10 stipulant que toute personne doit présenter son acte de propriété dans certaines zones qui devront être reconstruites. Problème : il est impossible pour la plupart de ces Syriens considérés comme des opposants au régime de réclamer leurs biens, et encore moins de revenir sur leur lieu d’habitation.
Mohammad Sebaï a été contraint de quitter Homs après l’accord d’évacuation trouvé en mai 2017 entre les rebelles et Moscou. « J’avais mon propre appartement, encore en chantier, dans le quartier d’al-Waer, et mes parents avaient le leur dans le vieux Homs. Le régime nous considère comme des dissidents, donc nous n’avons plus le droit, selon lui, d’être propriétaires de ces biens », confie le jeune activiste. Quand sa famille prend connaissance de la loi n° 10, elle tente d’envoyer un proche se renseigner auprès de fonctionnaires du régime de la marche à suivre. Celle-ci mentionne en effet que les propriétaires absents peuvent se faire représenter auprès de l’administration par un membre de leur famille proche. « Le bureau en question lui a dit que nous sommes considérés comme terroristes ; pire, que nous ne sommes même plus syriens à leurs yeux et que nous ne pouvons donc pas avoir de droits », raconte Mohammad Sebaï. « Aucun proche n’oserait insister davantage auprès de l’État pour pouvoir récupérer un bien de peur d’être envoyé au cachot », poursuit-il.


(Lire aussi : Comment le régime est en train de redessiner la carte de la Syrie)


« Al-Mleha est aujourd’hui presque entièrement chiite »
Abdallah al-Hafi, un déplacé de la Ghouta orientale récemment reconquise lors d’une offensive des forces de Bachar el-Assad et de ses alliés russe et iranien, perçoit cette nouvelle loi comme une énième manœuvre du régime dans le but de poursuivre le changement démographique en cours. « Comment pourrait-on aujourd’hui rentrer chez nous et réclamer notre bien, en sachant que nous sommes des millions à être recherchés par le régime ? » s’indigne-t-il.

En août 2017, le régime syrien avait déjà émis un arrêté dépossédant des « terroristes » de leurs biens. Assad Ashraf, originaire d’Alep, a découvert, stupéfait, qu’il faisait partie de cette liste, aux côtés de nombreux autres, pour la plupart de Lattaquié. « Je n’ai jamais porté les armes et me voilà qualifié de terroriste et dépossédé de tous mes biens. Je ne peux plus rien faire », dit-il. Le régime s’est emparé de son appartement situé près du quartier de Bab al-Hadid, ainsi que d’un terrain dans la zone industrielle d’Alep.
Certaines familles ont d’ores et déjà constaté, amères, que des inconnus avaient pris possession des lieux, le régime réattribuant des appartements à des familles restées loyales, des soldats de l’armée ou des miliciens. Ainsi, l’appartement d’Assad Ashraf est aujourd’hui habité par des chabihas. Quant à celui des parents de Mohammad Sebaï situé à Bab Sbaa, un quartier populaire où se trouve la citadelle de Homs, près du cœur historique, auparavant sunnite et chrétien, il est occupé depuis plusieurs mois par une famille libanaise chiite dont le fils combat aux côtés du Hezbollah. « Nous ne pouvons rien faire, nous sommes coincés. Imaginez-vous tenter d’expulser un combattant », déplore Mohammad Sebaï, qui affirme que beaucoup de non-Syriens résident désormais dans plusieurs quartiers de Homs.


(Pour mémoire : Les évacuations de rebelles à Damas ou la « nouvelle démographie confessionnelle » d’Assad)


À al-Mleha, ville de la Ghouta orientale reconquise par Damas en 2014, de nombreuses propriétés ont ainsi été saisies par l’État qui y a installé des familles de gradés de l’armée. Mais selon Batoul Amr, la ville, dont elle est originaire, a peu à peu été prise d’assaut par des familles libanaises chiites. « Al-Mleha est aujourd’hui presque entièrement chiite. En 2014, certains habitants ont pu vendre, pour une bouchée de pain, leur habitation à des combattants du Hezbollah, d’autres se sont vus dépossédés », confie la jeune femme.
« Je ne peux pas savoir ce qui se trame chez moi », confie de son côté Abdallah al-Hafi, également de la Ghouta. « Les soldats ont tout pillé, les meubles, les objets et même les fenêtres », dit-il. L’espoir de revenir un jour s’amenuise chaque jour pour la plupart des opposants syriens. « Je ne ressens pas uniquement de l’injustice, mais aussi une haine immense envers ce régime. Imaginez-vous vivre toute votre vie à Homs ou dans une autre ville, puis qu’on vous déracine et que des inconnus vivent tranquillement chez vous », lance Mohammad Sebaï. « J’aurais préféré que ma maison soit en ruine plutôt qu’elle profite à quelqu’un d’autre. J’espère qu’un jour on reviendra, même s’il nous faudra partir à zéro et tout reconstruire », ajoute-t-il. Abdallah al-Hafi met quant à lui en avant une situation parallèle de changements démographiques. Celle de certaines familles déplacées de la Ghouta qui vivent désormais à Afrine, ville dont ont été chassées les forces kurdes en mars dernier par la Turquie et ses alliés de l’Armée syrienne libre. « Si je m’offusque du fait que le régime s’approprie ma maison, je dois tout autant m’offusquer que l’ASL s’approprie les appartements de nos frères kurdes », conclut Abdallah al-Hafi.


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« Je ris, je pleure. Je ne sais pas, c’est confus, confiait Ahmad à L’Orient-Le Jour, le 13 décembre 2016, après avoir compris que l’évacuation d’Alep-Est était réelle. Je viens de brûler ma maison pour que personne ne puisse en profiter. » Il avait compris, alors, qu’il ne remettrait sans doute plus jamais les pieds dans l’appartement où il a grandi.Le conflit qui...

commentaires (3)

AU SECOND TOUR DU MATCH QUI ARRIVE A PAS DE GEANT LES PARTISANS DU CHIMIQUE VONT S,ASSEOIR ET DISCUTER AVEC LES OPPOSANTS SINON CA VA BARDER DE NOUVEAU A GRANDE ECHELLE !

LA LIBRE EXPRESSION

21 h 34, le 21 avril 2018

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Commentaires (3)

  • AU SECOND TOUR DU MATCH QUI ARRIVE A PAS DE GEANT LES PARTISANS DU CHIMIQUE VONT S,ASSEOIR ET DISCUTER AVEC LES OPPOSANTS SINON CA VA BARDER DE NOUVEAU A GRANDE ECHELLE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    21 h 34, le 21 avril 2018

  • Depuis toujours, toute dictature, qu'elle soit syrienne, turque, russe etc., n'a jamais accepté une quelconque opposition, même quand elle est strictement interne. Il suffit de se souvenir de l'histoire de notre monde. Irène Saïd

    Irene Said

    14 h 48, le 21 avril 2018

  • C'est peut être la seule vérité que peut dire cet " opposant" quand il parle du héros BASHAR des vrais syriens , ceux qui ont eu à souffrir de ces " opposants" à dénomination multiple juste pour cacher qu'ils ne sont que des bacteries wahabites ,envoyées par la bensaoudie, Allié des occidentaux aux ordres du sionisme MALFAISANT.

    FRIK-A-FRAK

    11 h 33, le 21 avril 2018

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