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Le fruit de l’impunité

Il y a près d’un an, les forces navales américaines lançaient une soixantaine de missiles Tomahawk contre un aéroport militaire syrien en riposte à une attaque aux armes chimiques à Khan Cheikhoun. Ces tirs US n’avaient eu absolument aucun effet sur le régime syrien ou sur le cours de la guerre en Syrie. Bien au contraire, du fait de leur dimension purement symbolique et médiatique, ils avaient paradoxalement constitué un stimulus à Bachar el-Assad et à ses protecteurs russe et iranien.

Percevant la mollesse de la réaction occidentale face à leur jusqu’au-boutisme sauvage, les protagonistes de l’axe russo-irano-assadiste avaient eu une fois de plus la confirmation concrète qu’ils pouvaient impunément poursuivre sans relâche leur meurtrière politique de la terre brûlée : puisque la loi de la jungle prime, qu’elle est payante et qu’aucun garde-fou ne dicte l’ordre international, plus rien ne les empêchait désormais de lâcher sans freins contre la population civile leur aviation, leurs missiles ou leurs miliciens importés, de cibler les centres hospitaliers et médicaux, de réduire des quartiers entiers en amas de ruines, d’avoir recours à tous types d’armes (théoriquement) prohibées, d’écraser jour et nuit sous un déluge (aérien) de fer et de feu (et sans distinction) combattants, hommes, femmes, vieillards et enfants, de se livrer à des déplacements de population, d’opérer un tri démographique, de susciter un nettoyage ethnique et confessionnel…

Aussi bien le clan Assad (depuis le début des années 80 avec le funeste massacre de Hama, qui avait fait des dizaines de milliers de victimes), que Vladimir Poutine à Grozny ou les tenants de la ligne dure de la révolution islamique iranienne un peu partout au Moyen-Orient ont, chacun à sa manière, de sordides et abjects précédents en matière de barbarie. Sauf que ce déchaînement impuni en Syrie a des conséquences inqualifiables à différents niveaux. Il ouvre grand les portes de l’enfer. Un site pro-Assad postait ainsi durant le week-end un commentaire largement repris sur les réseaux sociaux et particulièrement révélateur des effets possibles de la passivité occidentale : « Nous ne comprenons pas cet empressement à nier que l’armée (syrienne) a bombardé les terroristes aux armes chimiques. Pourquoi cette peur de l’Occident ? C’est nous qui avons bombardé Douma aux armes chimiques et nous bombarderons toute région contrôlée par les terroristes en ayant recours à toute sorte d’armes disponibles (…) jusqu’à la libération du territoire syrien de tous les agents du Golfe et de l’Amérique. Nous avons à nos côtés la Russie, la Chine et l’Iran. N’oubliez pas de vous plaindre auprès de De Mistura. »

Il ne s’agit, certes, que d’un commentaire impulsif comme il y en a de très nombreux sur les réseaux sociaux. Mais il reflète un certain état d’esprit bien ancré dans la réalité qui risquerait fort bien de susciter, en réaction, des représailles terroristes dépassant largement le cadre du conflit syrien. Puisque tout est permis, sans garde-fous et sans limites, qui pourrait alors garantir que la loi de la jungle ne s’étendra pas à grande échelle dans la région ou même aux territoires de pays occidentaux, comme c’est d’ailleurs déjà le cas, mais d’une manière limitée et isolée ?

Face à la situation de barbarie dans laquelle a été entraînée la Syrie, les réactions ponctuelles semblables à celle qui a suivi il y a un an l’attaque de Khan Cheykhoun ne peuvent être que stériles, symboliques et même contre-productives. C’est aux racines du mal syrien, qui sévit depuis des décennies, qu’il faut s’en prendre en ayant recours à une opération chirurgicale bien ciblée ou, tout au moins, à des mesures réellement coercitives. On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs…

D’aucuns pourraient rétorquer que c’est la guerre, et que dans une situation de conflit armé, il ne saurait être question de morale ou de quelconques valeurs éthiques. Certes… Mais dans le cas spécifique du conflit qui a démembré la Syrie, les débordements ont dépassé tout entendement sous l’effet d’un comportement de type nazi, avec plus de la moitié de la population déplacée et l’utilisation du terrain syrien pour tester de nouveaux types d’armement prohibé ou pour donner libre cours à des ambitions hégémoniques régionales aux retombées incalculables.

Aujourd’hui, ce n’est pas simplement le devenir de la Syrie qui est en jeu, mais surtout la stabilité de la région et peut-être aussi de certains pays occidentaux, si rien n’est fait pour stopper la démence criminelle. Car ce qui se construit sur le mal ne saurait déboucher sur une stabilité pérenne et une paix civile permanente.

Il y a près d’un an, les forces navales américaines lançaient une soixantaine de missiles Tomahawk contre un aéroport militaire syrien en riposte à une attaque aux armes chimiques à Khan Cheikhoun. Ces tirs US n’avaient eu absolument aucun effet sur le régime syrien ou sur le cours de la guerre en Syrie. Bien au contraire, du fait de leur dimension purement symbolique et médiatique,...

commentaires (4)

bien parler Mr ... mais c'est Obama qui a tout detruit en tracant des lignes rouge et en n'agissant finalement pas .. il faut relever ici l'enorme cécité de la russie et de la chine qui défendent bachar bec et ongles par la force l'histoire nous apprend que rien ne peut etre définitif avec la force

Bery tus

15 h 15, le 10 avril 2018

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Commentaires (4)

  • bien parler Mr ... mais c'est Obama qui a tout detruit en tracant des lignes rouge et en n'agissant finalement pas .. il faut relever ici l'enorme cécité de la russie et de la chine qui défendent bachar bec et ongles par la force l'histoire nous apprend que rien ne peut etre définitif avec la force

    Bery tus

    15 h 15, le 10 avril 2018

  • Mr Touma , vous poussez le bouchon un peu trop loin concernant le "boucher - ophtalmo Assad . Attaques chimiques ou pas , personne n'a pu ou plutôt "voulu " le déloger .Neamoins ,la déclaration explicite de l'émir saoudien MBS à propos du président syrien Assad est en est une nouvelle preuve . Nous pouvons donc conclure que tout ce qui s'écrit et s'écrira désormais à ce sujet restera lettres mortes. Quoiqu'il en soit il faut bien alimenter les colonnes du journal pour les amoureux de la lecture .

    Hitti arlette

    10 h 07, le 10 avril 2018

  • SANS UNE INTERVENTION EN BONNE ET DUE FORME... QUI POURRAIT ENGENDRER EN CONFLIT REGIONAL GENERAL... LES BOUCHERS CONTINUERONT LEUR OEUVRE ET LA SITUATION DANS LA REGION EMPIRERA ET SERA PLUS DIFFICILE ET PLUS DANGEREUX AU FUTUR D,Y INTERVENIR ! LES DECISIONS DOIVENT ETRE PRISES AUJOURD,HUI AVANT DEMAIN... IL Y VA DU CREDIT ET DE LA REPUTATION DES OCCIDENTAUX ET DE LEURS INTERETS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 48, le 10 avril 2018

  • Assurément, Mr Touma vous dénoncez dans votre article cette catastrophe humanitaire en Syrie dont les conséquences à l’échelle locale et même mondiale pourraient être catastrophiques en effet! Sauf que, ce scénario se préparait depuis le début de cette guerre civile, avec le monde Occidental, soit-disant démocratique et champion des droits de l’homme voulait aider ce peuple, dénoncer et vouloir renverser le despote et criminel de guerre de Damas, mais de manière tellement lâche et stupide, qu’on a permis l’émergence d’un autre monstre, Daech, qui est venu confondre les cartes... Et, cerise sur le gâteau, le couard Obama, qui s’est laissé prendre au jeu subtil des russes, suite à l’usage des armes chimiques, alors qu’il avait l’occasion d’en finir avec Assad... Sans compter qu’on laisse Russes et Iraniens renforcer le criminel, soi-disant pour en finir avec Daech, et voilà où on se trouve aujourd’hui... Erreurs de calculs, lâcheté, faire des guerres par proxy, montée des despotes dans le monde, ainsi que les replis sur soi, emergence des extrémismes racistes de d’extrême droite etc... Oui, Mr Touma, c’est très dangereux ce qui se passe en Syrie à l’échelle globale si rien n’est fait car, je dirais même plus, en effet, qu’on ne peut faire une omelette sans casser des œufs!

    Saliba Nouhad

    04 h 02, le 10 avril 2018

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