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Campus - COMMÉMORATION

Au Lycée Abdel Kader, comprendre la guerre civile libanaise pour promouvoir la paix

Le Lycée Abdel Kader a célébré, pour la troisième année consécutive, la commémoration du 13 avril 1975, en optant pour une approche basée sur le pardon et l’espoir.

La fresque réalisée par les élèves du Lycée Abdel Kader.

En ce vendredi 13 avril 2018, la commémoration du début de la guerre libanaise avait un goût de paix et de continuité au Lycée Abdel-Kader.

À leur façon, les élèves du secondaire ont exprimé cette paix sous forme artistique, en mots et en couleurs. La cérémonie a donné l’occasion aux élèves de seconde de présenter la fresque murale qu’ils ont peinte au lycée, « des silhouettes dont les corps tournés vers le haut aspirent à un monde et un avenir meilleurs, des couleurs qui sont celles de la vie qu’ils chérissent tant, et les mots qui sont ceux de leurs cœurs qui battent très fort », explique, à l’audience attentive et silencieuse, la représentante des étudiants ayant pris part au projet.

Les élèves de première, quant à eux, ont raconté leur « projet de paix » qu’ils ont présenté au président de la municipalité de Beyrouth. Ils lui ont adressé une lettre, lui demandant de faire de « Beit Beyrouth », l’ancienne maison jaune, un lieu de fraternité, de pardon et de réconciliation.

« En ouvrant en permanence cette bâtisse jaune qui porte en elle tous les stigmates de la guerre, en faisant de ce bâtiment un lieu d’expression où les “souffrants” de la guerre auraient la chance de cicatriser leurs blessures, en ouvrant surtout cet espace, un lieu de sensibilisation où l’histoire de la guerre serait enseignée d’une façon objective par des historiens dans une perspective de construction de paix, vous nous donnerez la chance, à nous, cette nouvelle génération qui n’a pas vécu la guerre, de comprendre cette période douloureuse de notre histoire de manière harmonieuse et objective, et à ceux qui l’ont vécue, d’extérioriser l’horreur et la haine, pour bâtir ce pardon sans lequel nous ne pouvons pas construire la paix dans notre pays », estime un étudiant.

Les élèves ont également créé un film à partir de tous les témoignages entendus, dans le but de les transformer en outil pédagogique qui servirait un jour à enseigner aux générations futures le pan de cette histoire qu’on leur a tu. Et c’est sur le poignant récit d’un professeur qui a connu cette guerre au Chouf, vécu la mort de ses proches, mais qui a su pardonner et oublier, qu’a pris fin cette cérémonie empreinte d’une note d’espoir, avec le lancement au lycée du club de la « Mémoire de la guerre », un travail essentiel pour construire la paix, à travers la pacification de la mémoire.


(Lire aussi : La grève de l’usine Ghandour était-elle un signe précurseur de la guerre civile ?)


« Je ne savais pas qu’il y avait eu une guerre civile au Liban »
C’est il y a trois ans déjà que les responsables et les professeurs du Lycée Abdel Kader ont lancé le premier projet sur la « Mémoire de la guerre » basé sur des témoignages de combattants et de civils, ayant vécu et raconté aux étudiants cette douloureuse période. « Pour la première fois, la guerre n’était plus un sujet tabou pour ces étudiants, avoue Lamia Hitti, responsable de ce projet. On la leur racontait dans toute son horreur, mais également dans ses petits moments de bonheur que l’on vivait malgré tout. Ces jeunes avaient compris que cette guerre n’avait mené qu’à la haine et la destruction. Mais ils avaient besoin d’en savoir plus, de connaître les erreurs du passé, pour éviter de les vivre à nouveau et de mieux construire l’avenir et la paix. » 

« Je ne savais pas qu’il y avait eu une guerre civile au Liban », déclare ainsi Yara, 17 ans, élève en classe de terminale. « Je subissais l’angoisse et la peur de mon père sans comprendre son comportement stricte et sévère. Jusqu’au jour où il m’a avoué qu’il avait porté les armes et combattu en 1975. Pour la première fois, j’entendais parler de cette guerre. Il n’a jamais voulu m’en raconter plus par la suite, comme s’il ne voulait pas revivre cette période douloureuse de sa vie. Et pour nous cette guerre n’est pas finie, puisque nos parents n’en ont pas encore fait le deuil. » Nadine, 17 ans, admet également que ce n’est qu’en classe de seconde qu’elle a appris l’existence de ces 15 années de guerre. « Nous devions parler de la guerre civile dans le cadre de notre programme de littérature et société. Or, à l’école, nous apprenons l’histoire de la France, de l’Allemagne et de l’Europe. Mais l’histoire de notre pays, nous ne la connaissons pas. Elle s’est arrêtée en 1943. Depuis, c’est le flou total pour nous. C’est inadmissible. Personne ne veut en parler. Et nous, nous subissons l’angoisse, la peur de nos parents, cette haine intercommunautaire, sans comprendre réellement ce qui s’est passé durant ces 15 années. C’est notre droit de savoir », revendique-t-elle.

Mohammad, élève en classe de seconde, accuse les responsables et l’État de ne pas vouloir raconter l’intégralité de l’histoire de son pays. « C’est leur mission de l’inclure dans notre cursus scolaire. Il est inadmissible de ne pas connaître ce passé qui a laissé tant de séquelles. Malheureusement, l’État n’en est pas conscient et personne ne se sent concerné ! » Un cri de révolte que les responsables et les professeurs du Lycée Abdel Kader ont entendu.

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