Rechercher
Rechercher

Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Le nom de l’analyste dans son rapport à l’institution psychanalytique

Nous avons vu la dernière fois l’importance du nom de l’analyste, tant pendant la cure que lorsqu’elle arrive à sa fin. Quand le nom de l’analyste fait partie d’une institution analytique et fait partie de la hiérarchie, il devient plus difficile pour le patient, l’analysant de s’en défaire. Si à la fin de l’analyse « le nom de l’analyste est réduit au rang du signifiant quelconque » (Lacan), ce qui veut dire qu’il ne représente plus rien pour l’ex-patient, comment l’analysant va-t-il faire pour désidéaliser son analyste si le nom de cet analyste est idéalisé dans la même institution ?

Pour parer à cela, les techniques d’évitement ou « contra phobiques » employées par certains courants et institutions ne changent rien à l’affaire. Par exemple, il est interdit à un ex-analysant devenu candidat/analyste de fréquenter, pendant un certain temps, l’institution que fréquente son analyste afin d’éviter toute rencontre, d’assister à un conflit théorique impliquant publiquement l’analyste, d’entendre des rumeurs ou médisances concernant sa vie privée, etc. Cette interdiction peut s’étaler de 1 à 5 ans. Ces mesures d’évitement, toutes bien intentionnées à l’égard de l’ex-analysant (candidat/analyste), ne sont pas des solutions. Elles ne font qu’infantiliser le candidat en le supposant incapable de différencier son transfert terminé avec son analyste et ce qui peut se dire à son propos dans l’institution. Or si l’analyse est bien terminée et que l’analyste n’est plus rien pour l’ex-analysant, pourquoi l’institution craint-elle une relance du transfert entre eux ?

« Si vous voulez que votre nom figure parmi les nôtres, il faut reconnaître que l’ennemi est en face. »
Cette phrase est adressée par Freud à Sabina Spielreïn pour la pousser, non seulement à quitter Jung, mais à le désigner comme un ennemi. On est en 1914, deux ans après la rupture entre Freud et Jung, rupture que Sabina Spielreïn, patiente, élève, puis maîtresse de Jung, a cherché vainement à raccommoder. Quatre années auparavant, Freud appelait Jung « esprit de mon esprit ». Comment cela est-il possible ?

Un autre exemple. En 1910, pour pousser Ferenczi au silence afin qu’il ne l’interroge plus sur Fliess, sa relation passée avec Freud et la fin du transfert de ce dernier, il lui écrit : « Tournez plutôt votre attention sur le présent et laissez-moi vous dire que votre nom manque sur la liste des membres viennois du n°1 du Korrespondenzblatt (revue psychanalytique de l’époque). »

Enfin, en octobre 1907, au tout début de sa relation avec Karl Abraham, Freud lui écrit : « Si mon crédit s’accroît en Allemagne, cela vous sera certainement fécond, et si je puis vous appeler directement mon élève et disciple – vous ne me semblez pas être homme à en avoir honte – alors je peux intervenir avec énergie en votre faveur. »

Les trois exemples (1907, 1910, 1914) montrent une constante chez Freud : il privilégie la mise en avant du nom propre par rapport à la fonction/analyste, et dans le cas de Ferenczi il privilégie le refoulement même : « Tournez plutôt votre attention sur le présent. » L’Association psychanalytique internationale (IPA) fondée par Freud en 1910 reprendra exactement la même politique de promotion du nom propre aux dépens de la fonction/analyste. Et Freud était tout à fait au clair avec cela, puisqu’il dira à Jones en 1912, au moment de la formation du lugubre Comité secret qu’il ne voulait pas diriger : « Je vous laisse la place du censeur pour laisser libre cours à mon imagination. »

Le tour de passe-passe que fera Jones sera fatal.  Il dirigera le Comité secret et l’IPA, se substituera à Freud lui-même et s’identifiera à l’institution. Ainsi, l’analyste qui critique Jones critique l’institution, se soulève contre Freud lui-même et n’est donc plus un analyste. La phrase la plus indigne de Freud (« Analyse finie, analyse infinie », 1937) devient le legs de Jones et de l’IPA : « L’homme ne veut pas se soumettre à un substitut du père, il ne veut se sentir obligé à aucune reconnaissance. » La prochaine fois, nous verrons comment Lacan cherchera à subvertir cette promotion du nom propre de l’analyste.



Dans la même rubrique

L’analyste est un « sujet supposé savoir », non pas un sujet qui sait (suite)

L’analyste est un « sujet supposé savoir », non pas un sujet qui sait

Le pouvoir arbitraire du psychanalyste : Face je gagne, pile tu perds

Le pouvoir arbitraire du psychanalyste : « Face je gagne, pile tu perds » (suite)

La technique psychanalytique : résistance de l’analyste à son désir de savoir

Le désir de savoir de l’analyste et ce qui y résiste : « Il n’y a de résistance que de l’analyste »

Nous avons vu la dernière fois l’importance du nom de l’analyste, tant pendant la cure que lorsqu’elle arrive à sa fin. Quand le nom de l’analyste fait partie d’une institution analytique et fait partie de la hiérarchie, il devient plus difficile pour le patient, l’analysant de s’en défaire. Si à la fin de l’analyse « le nom de l’analyste est réduit au rang du...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut