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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

L’analyste est un « sujet supposé savoir », non pas un sujet qui sait

Comme tous les traitements qui impliquent une relation humaine de type médical ou paramédical, le facteur de confiance et de suggestion joue un rôle important. Quel que soit le degré de maturité du patient, il ne peut pas ne pas être sous l’influence du médecin ou du soignant. Quoique nécessaire pour le bon déroulement du traitement, la différence est patente entre l’influence du médecin et celle du psychanalyste. Le pouvoir du médecin tient au savoir qu’il a acquis, et par ses études de médecine et par son expérience. Comme on l’a vu la dernière fois, le savoir du psychanalyste est un « supposé savoir ». Le patient lui suppose un savoir, ce qui est le moteur de la cure. La relation entre l’analyste et l’analysant ressemble à la définition que donne André Breton de l’amour: « L’amour est la rencontre avec quelqu’un qui vous donne de vos nouvelles ». Et c’est ce que fait un analyste, donner de ses nouvelles au patient, ce qui déclenche chez ce dernier ce qu’on appelle « l’amour de transfert ».

Là où le médecin pose le diagnostic d’une maladie, l’analyste repère les mots, les « signifiants » sur lesquels se fonde l’identité subjective du patient. C’est à dire les signifiants qui lui ont permis d’échapper à la toute-puissance originelle de la mère, de sa dépendance totale à son égard, et de sortir enfin de son désemparement infantile et de sa détresse devant la vie. Un exemple très connu des psychanalystes illustre bien cette étape.

Le jeu de la bobine : le Fort/Da (partie/voilà) ou la séquence absence/présence de la mère
Freud observe chez son petit-fils, d’un an et demi environ, un jeu étrange. Il balançait sous un meuble une bobine attachée à une ficelle, la ramenait de manière répétitive en bafouillant : « Fort/Da » en allemand (Partie/Voilà en français). L’enfant souffrait à la disparition de la bobine et jubilait quand elle réapparaissait. Mais l’ensemble du mouvement est teint d’une certaine souffrance. Et pourtant, l’enfant répétait l’expérience. Freud en tire l’enseignement suivant: commençant par maîtriser les débuts du langage et du jeu, l’enfant symbolisait ainsi la séquence présence/absence de la mère. En faisant disparaître et réapparaître la bobine et en scandant Fort/Da, l’enfant cherchait à maîtriser cette séquence. Subie passivement dans la réalité, il n’a aucun pouvoir sur l’absence/présence de la mère. Avec ce jeu de la bobine, l’enfant devient le maître de la situation. À travers l’aller/retour de la bobine et les premiers signifiants qu’il scande, c’est lui qui décide à présent de cette présence/absence.

Chaque être humain crée à sa manière les deux premières syllabes qui lui permettent de symboliser l’absence/présence de la mère. Et ces premiers signifiants lui permettent de se séparer d’elle et d’opérer le premier refoulement, le premier oubli de ce que la fusion originelle avec la mère avait de jouissif et en même temps de terrifiant, ces deux états extrêmes étant liés aux tabous de l’inceste et du parricide. Or ce sont ces deux signifiants originels que l’analyste va repérer dès les premiers entretiens avec le patient. Prenons un exemple.

Lors d’un premier entretien, le patient parle du premier anniversaire de la mort de son père et glisse rapidement vers un détail sans importance lié à son travail. L’analyste le ramène à l’anniversaire de la mort de son père. À cet instant précis, le patient qui connaît l’importance de la mort de son père mais qui ne veut pas s’en rendre compte reconnaît que l’analyste a raison. C’est là qu’il va supposer que l’analyste possède un savoir le concernant et qu’il lui donne donc de ses nouvelles. En fait, l’analyste ne possède pas de savoir au sens médical du terme. Il sait reconnaître la différence entre « une parole pleine et une parole vide », ici la différence entre la mort du père et un détail professionnel sans importance. Mais cela est suffisant pour que le patient lui suppose un savoir le concernant. L’analyste est un « sujet supposé savoir » et non un sujet qui sait et cela devrait lui donner plus de modestie et d’humilité.


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