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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Comment concilier la parole du sujet analyste avec le discours collectif de l’institution ?

La première chose qu’apprend un sujet en analyse est la liberté de la parole. La règle fondamentale est basée là-dessus: « Dites ce qui vous passe par la tête. » Apprenant à ne pas se censurer, à dire ce qui lui vient à l’esprit, l’analysant se libère. Dans l’institution le candidat analyste apprend l’inverse. On ne peut pas parler librement, le discours collectif nous l’apprend à nos dépens. Le groupe dit « nous », le sujet dit « je ». Or, il n’y a pas de sujet du discours collectif car quand on dit « nous », on efface le sujet.
En fondant l’École freudienne de Paris (EFP), Lacan essaie de trouver le moyen de rendre possible la cohabitation entre le sujet et le groupe, en partant d’un principe jamais abandonné: « L’analyste ne s’autorise que de lui-même. » L’analyste ne peut être autorisé par quiconque, individu ou groupe. Ce principe fera scandale, jusqu’à aujourd’hui. Pourtant, cela est d’une limpidité absolue. Si l’analyse permet de libérer le futur candidat/analyste de toute sujétion à l’égard de l’Autre, comment ferait il s’il est autorisé par cet Autre ? À l’EFP, il nomme trois catégories d’analyste: les Analystes de l’école (AE), les Analystes membres de l’école (AME) et les Analystes praticiens (AP).
L’Analyste de l’école (AE) dont nous parlerons aujourd’hui, est celui qui appartient à l’école et en même temps celui qui peut analyser l’école. Car il peut déconstruire les « agencements collectifs des résistances » propres au groupe. L’AE témoigne des problèmes cruciaux de l’analyse, spécialement « parce qu’il est à la tâche ou sur le point de les résoudre » : il est dans le temps de la fin de l’analyse. Temps fondamental qui permet de se libérer de toute influence, surtout celles de son analyste et de ses superviseurs. « Il saura sans avoir eu de maître, grâce à de simples interrogations, ayant retrouvé de lui-même en lui-même sa science » dira Lacan en référence au Menon de Platon.
Pour témoigner de cela, le candidat doit le demander. Il s’y autorise. C’est la procédure de la « Passe » (le temps du passage du divan au fauteuil). En pratique, ce témoignage se fait en deux temps: le candidat, « le passant » est entendu par deux « passeurs » qui vont transmettre son témoignage à un « jury d’agrément ». Ce dernier nommera ou pas le candidat AE.
Dans sa première version de la « Proposition d’octobre 67 », Lacan bouleverse l’esprit hiérarchique de fond en comble. Comme le « passage à l’analyste » est une étape éminemment difficile et éprouvante (on a vu cela dans les rubriques précédentes), Lacan propose qu’en cas de nomination AE de l’analyste/candidat suite à la procédure de la « Passe », on nomme également AE son analyste. Cette nomination de l’analyste du candidat est subversive quant à l’institution analytique. Car non seulement l’analyste du candidat peut être un analyste inconnu, sans aucune renommée mais il peut également ne même pas être membre de l’école. Cette clause donne une importance majeure à la fin de l’analyse comme un temps capital dans la formation de l’analyste et, en même temps une voie ouverte à l’éclatement des « murs » de l’école. Si l’analyste peut amener aussi loin son analysant, à une fin aussi éprouvante pour les deux, il peut être nommé. En même temps, par cette clause Lacan renverse la dimension hiérarchique propre aux institutions de l’IPA. L’analyse ne s’évalue qu’après coup, jamais avant coup (en choisissant par exemple l’analyste didacticien sur une liste promue par l’institution). En nommant AE l’analyste du candidat lui-même nommé, il remet les choses en place. C’est l’expérience analytique qui détermine la valeur de l’analyse et non le nom de l’analyste, quelle que soit sa renommée.
Cette clause de la première version de la proposition d’octobre 67 est tellement subversive qu’elle est refusée par les « Barons » de l’EFP. Lacan a dû la modifier dans la version définitive. Nous verrons comment dans la prochaine rubrique.

La première chose qu’apprend un sujet en analyse est la liberté de la parole. La règle fondamentale est basée là-dessus: « Dites ce qui vous passe par la tête. » Apprenant à ne pas se censurer, à dire ce qui lui vient à l’esprit, l’analysant se libère. Dans l’institution le candidat analyste apprend l’inverse. On ne peut pas parler librement, le discours collectif...

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