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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

L’analyste est un « sujet supposé savoir », non pas un sujet qui sait (suite)

Nous avons vu la dernière fois l’importance de ce rapport au savoir qui distingue le médecin du psychanalyste. Chacun des deux induit un transfert, d’amour. Si avec le médecin le transfert n’opère plus à la fin de la consultation médicale, en attendant une autre, avec l’analyste le transfert continue entre les séances. Pourquoi ? Parce que le patient attend du médecin un diagnostic, la nomination de sa maladie, un traitement efficace et un pronostic rassurant. Quant à l’analyste, il ne diagnostique rien, malgré l’attente du patient, surtout hystérique. Le médecin nomme une maladie derrière les symptômes, l’analyste un sujet qui souffre. Il ne nomme que ce qui est « parole pleine » et laisse filer ce qui est « parole vide ». Le patient va rester donc dans l’attente, tout le long de l’analyse de l’émergence du sujet qui parle en lui. Jusqu’à la fin de l’analyse. Comme nous l’avons vu la dernière fois, si les deux syllabes (Fort/Da, Parti/Voilà), grâce à l’accès au langage de l’enfant en bas âge (1 an ½), permettent le premier refoulement, le retour du refoulé de ces syllabes originelles constitue la fin de l’analyse et la fin du transfert. Plus rien n’obture cette ouverture sur l’inconscient, plus aucune syllabe, plus aucun signifiant. Cela produit une détresse absolue, une sorte de « subjectivation de la mort », une « seconde mort », comme les appelle Lacan, contre lesquelles l’analyste ne peut rien, ni personne d’ailleurs. Le transfert qui a mis en route l’analyse est fini, le savoir de l’analyste est « désupposé ».
   
 De la « supposition » à la « désupposition du savoir » de l’analyste
Ce chemin qui peut durer plusieurs années est une démonstration que l’analyse est une pratique scientifique qui guérit (une psychothérapie), mais aussi une pratique d’investigation subjective (une psychanalyse) qui peut rendre la liberté à un sujet, prisonnier auparavant d’une certaine « servitude volontaire », selon l’expression d’Étienne de la Boétie. De la « supposition du savoir » de l’analyste, au départ, à la « désupposition de ce savoir », à l’arrivée, il y a tout un chemin qui permet au sujet d’approcher sa vérité, tout en se libérant de l’assujettissement à l’Autre. La fonction de l’analyste est de libérer le patient de cet assujettissement. Cette libération est aussi difficile pour l’analysant qu’elle l’est pour l’analyste. Surtout à la fin, quand l’analyste va réaliser qu’il n’est plus rien pour son patient. Les fameuses « résistances » de l’analyste, comme on l’a vu précédemment, celles dénoncées par Ferenczi et reprises par Lacan dans sa phrase-choc : « Il n’y a de résistance que de l’analyste », « ces résistances s’opposent à l’affranchissement de l’analysant ». Et rien ne garantit l’absence de sujétion de la part de l’analyste : ni le silence absolu, ni l’excès d’interventionnisme, ni la technique, ni le cadre.

Ce qui fait résistance chez l’analyste, c’est son nom propre. Pour le comprendre, reportons-nous à l’une des définitions que donne Lacan de la fin de l’analyse : « L’analyste doit accepter que son nom propre soit réduit au rang du signifiant quelconque. » C’est bien pour cela qu’il n’y a pas d’« identité analytique ». Il y a « de l’analyste », non pas un analyste. Il y a de l’analyste en chaque analyste, mais l’analyste n’est pas analyste en sa personne. « L’analyste est une fonction. » Lorsqu’il est l’objet d’un transfert, ce n’est pas comme on le pense par déplacement de la figure paternelle ou maternelle sur la personne de l’analyste. Lorsque l’analyste est l’objet d’un transfert, c’est le savoir que lui suppose le patient qui est le support de ce transfert. Un peu comme Socrate. Si l’analyste se laisse aller à croire, de façon consciente ou inconsciente, que c’est sa personne qui est l’analyste qui écoute son patient, sans le savoir, ni le vouloir, il lui oppose alors une grande résistance.

À l’opposé, en médecine, le médecin n’a nul besoin de ce savoir supposé. Il sait.



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