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À La Une - Contestation

Grèves en France: le fantasme d'une "convergence des luttes"

"En 68 c'est l'idée d'une cible politique commune à tous (le général de Gaulle) qui a unifié. Aujourd'hui, la notion de service public pourrait présenter cette dimension d'intérêt général", affirme une experte.

Cheminots de la SNCF, fonctionnaires, étudiants, salariés d'Air France et des supermarchés Carrefour, éboueurs... la contestation sociale se déroule sur plusieurs fronts qui menacent l'agenda réformiste d'Emmanuel Macron. Photo AFP / Ludovic MARIN

Alors que les grèves se multiplient en France, des syndicalistes et politiques de gauche appellent à une "convergence des luttes" face à la politique du président Macron. Mais ce rêve apparaît encore comme un voeu pieux aux yeux d'historiens et spécialistes des mouvements sociaux.

Cheminots de la SNCF, fonctionnaires, étudiants, salariés d'Air France et des supermarchés Carrefour, éboueurs... la contestation sociale se déroule sur plusieurs fronts qui menacent l'agenda réformiste d'Emmanuel Macron.
Pour l'instant, chacun de ses mouvements porte ses propres revendications. Mais certains appellent aujourd'hui à une grande alliance et se prennent à rêver d'un nouveau mai 68, modèle absolu en la matière, afin d'exercer le maximum de pression sur l'exécutif et in fine le faire plier.
A la pointe de ce combat, on retrouve Philippe Martinez, le numéro un de la CGT, premier syndicat de France, qui cherche depuis des semaines à faire converger le mécontentement.
Il a été rejoint par des figures de la gauche radicale comme le député de La France insoumise, François Ruffin qui a proposé l'organisation d'"une grande manifestation nationale commune" le samedi 5 mai, lors d'une "assemblée générale" devant des cheminots, étudiants et personnel médical en grève.

Des étudiants, qui protestent contre une nouvelle loi sur l'accès à l'université, ont par ailleurs manifesté aux côtés des cheminots mardi, comme aux plus belles heures de mai 68, le plus grand mouvement social du XXe siècle en France.
Mais les experts de la question ne croient pas vraiment à un bégaiement de l'histoire.
"D'abord, il faudrait un objectif politique commun comme faire tomber le gouvernement. Or, personne dans les syndicats n'a cette vision", souligne le politologue Philippe Braud. Ensuite, selon lui, il n'y a pas de "figure charismatique" qui incarne la mobilisation. Enfin, il rappelle la désunion syndicale.
Auprès des syndicats, le thème de la convergence des luttes ne fait effectivement vibrer que la CGT.
"Ce n'est pas un terme FO", a expliqué cette semaine Jean-Claude Mailly, le patron de Force ouvrière.
"Je ne crois pas à la convergence des luttes", a tranché Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT. "Je ne suis pas dans une approche politique. Je crois à des résultats secteur par secteur", a-t-il martelé.


(Lire aussi : Le gouvernement français "déterminé" face à la fronde sociale)


"Alignement des planètes"
Selon l'historienne Danièle Tartakowsky, "la convergence" des luttes est ainsi "avant tout un slogan pour cristalliser des espoirs et le symptôme de l'absence de stratégie unifiante".
De son côté, le politologue Jean-Marie Pernot se montre "moins catégorique" sur l'impossibilité d'une "convergence" des luttes, une "stratégie syndicale qui a du sens". Il rappelle qu'en 1995 aussi, personne ne croyait à l'émergence d'un "grand mouvement" contre une réformes des retraites qui avait à l'époque fait reculer le gouvernement de droite.
"Or, les rancoeurs sociales aujourd'hui sont très grandes et il y a une vie propre à ces mouvements de mobilisation que les syndicats ne maîtrisent pas", explique-t-il.
En outre, il voit dans la notion de "service public", un moyen d'"agréger les différents mouvements". Une idée que vient appuyer Mme Tartakowsky: "En 68 c'est l'idée d'une cible politique commune à tous (le général de Gaulle) qui a unifié. Aujourd'hui, la notion de service public pourrait présenter cette dimension d'intérêt général".


(Pour mémoire : Les réformes Macron à l'épreuve des manifestations)


Quant à créer un éventuel mouvement d'entraînement, c'est celui des cheminots qui est considéré comme "stratégique" par les trois spécialistes.
"Les cheminots sont sur le devant de la scène. Il faudrait vraiment qu'ils gagnent pour que les autres fronts prennent de l'ampleur", affirme Philippe Braud.
Toutefois, il se montre pessimiste sur ce scénario, pointant un "alignement des planètes en faveur de l'acceptation des réformes" par le grand public. "Le taux de soutien aux grévistes est faible alors qu'en France d'habitude, les gens soutiennent majoritairement les mouvements sociaux", dit-il.


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