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Culture - Entretien

Omar Mazhar : « Mon motto dans l’art ? La vérité et la beauté »

L’ex-homme d’affaires libanais devenu curateur d’art vient d’organiser la frappante et audacieuse exposition Geometrica* en collaboration avec la galerie Tristan Hoare londonienne.

Omar Mazhar. Photo Margaret Mann

Quel a été votre premier contact avec l’art ?
Dès l’enfance, j’étais le seul parmi mes frères à vouloir accompagner ma mère dans des musées ou à feuilleter les livres d’art qui traînaient à la maison. J’étais aimanté par le beau et je me souviens avoir été bouleversé à l’âge de 12 ans par le travail de Mark Rothko. L’art tribal et l’art pakistanais vers lesquels ma mère était portée à cette période m’avaient beaucoup ému aussi. Je me nourrissais sans cesse de toutes ces choses qui étaient à portée de main à Londres où nous avions déménagé pour fuir la guerre civile au Liban.

Pourtant, vous vous êtes écarté de ce monde au moment de vos études…
À l’époque, j’étais si fasciné par les espaces que je voulais absolument devenir architecte. Mais ma volonté de faire plaisir à mon père, qui était dans les transports en Afrique, en a décidé autrement. Comme j’étais bon en maths, j’ai choisi d’entreprendre des études d’économétrie à la University College de Londres.

Comment avez-vous vécu la période qui a suivi, dans le monde des affaires et de la finance ?
À la sortie de UCL, je me suis installé quelques mois à Paris pour des cours de civilisation et langue françaises que ma mère avaient suivis dans les années 60. Ensuite, j’ai dû rejoindre mon père en Algérie pour une étude nationale sur les transports. De fil en aiguille, j’ai été pris dans cet engrenage qui m’a fait passer de banque en banque, en grimpant très rapidement les échelons et gagnant ma vie confortablement. Sauf que je ne me sentais vraiment pas à ma place, j’étais très malheureux.

Vous vous sentiez loin de l’art à cette période ?
Je me suis mis à collectionner de l’art dès lors que j’ai pu me le permettre. Sans doute en écho à mon état d’esprit du moment, les premières œuvres que j’ai acquises se plaçaient toutes dans une esthétique assez sombre, elles portaient souvent sur la guerre du Liban dont les quelques souvenirs d’enfance m’avaient bouleversé. C’était ma manière de conserver un lien, d’une part avec mon pays et, d’autre part, avec l’art, avant de laisser tomber ma carrière et m’y lancer.

Quel a donc été le déclic pour opérer ce virage de carrière ?
Plusieurs choses m’ont conduites à prendre cette décision. D’un côté, la maladie de mon père qui m’avait encouragé, avant de partir, à suivre une voie qui me rendrait heureux, m’a permis de remettre les choses en perspective. Et de l’autre, il y a eu une rencontre, essentielle, avec la curatrice et galeriste Rose Issa dont j’étais l’un des clients à travers Rose Issa Projects.

Parlez-nous de cette rencontre avec Rose Issa avec qui vous avez collaboré pendant quatre ans...
Rose a été le fer de lance du rayonnement de l’art moyen-oriental dans le monde. Personnellement, elle a été une personne-clef qui a contribué à mon virage dans l’art et mon épanouissement. Souvent, lorsque je la croisais et qu’elle palpait mon enthousiasme et mon amour pour le domaine, elle me proposait de venir l’aider en me répétant que j’avais toutes les capacités pour. Puis un jour, je me suis lancé, et cette expérience, à ses côtés, m’a tout appris en fait, surtout au niveau de l’accrochage d’un ensemble. Nous avons travaillé sur la curation de plusieurs expositions dont deux à Beyrouth, Arabicity et Zendegi (avec douze artistes contemporains iraniens) au Beirut Exhibition Center. Je garde de cette collaboration un souvenir fort et marquant.

Ensuite, vous avez décidé de vous lancer en solo…
Au bout de quatre ans d’expérience chez Rose Issa, j’ai construit une certaine confiance en mon œil et j’ai développé mon goût qui ne se limite pas à l’art moyen-oriental dans lequel la galerie de Rose se spécialisait. J’avais besoin de me retrouver dans quelque chose de plus global qui me ressemble mieux : à la croisée du Liban et de l’Europe, dans de l’art plus visuel que conceptuel. Il est indispensable pour moi de sentir illico l’énergie des pièces que je côtoie, sans avoir à lire de longs textes explicatifs.

Vous avez beaucoup voyagé avant de monter votre première exposition en tant que curateur ?
Cette période a été primordiale à mon parcours personnel. Aujourd’hui, je me sens plus ancré, avec une volonté de créer des ensembles qui me ressemblent, sous-tendus par mon motto : la vérité et la beauté. C’est que j’ai été très vite désillusionné par le monde de l’art qui manque souvent d’authenticité. Quant à la beauté, je parle de celle au sens plus profond, quand elle se charge d’âme et d’énergie.

Quel a été le déclenchement de l’exposition Geometrica que vous avez organisée en collaboration avec la galerie Tristan Hoare londonienne ?
J’ai toujours été attiré par les chiffres et captivé par l’art qui se construit autour de lignes et de formes, dont l’art islamique aux formes essentiellement géométriques. Partout où je vais, je me mets à compter les lignes qui m’entourent. L’idée de monter une exposition autour de ce thème m’est donc venue naturellement.

Comment décrivez-vous cette exposition ?
Geometrica comporte 130 pièces (de 33 artistes internationaux) allant du IIe au XXIe siècle, sous-tendues par ou construites autour de la géométrie. Certaines ont été conçues pour l’événement et d’autres ont été rassemblées car elles seyaient bien au thème. Au niveau de l’accrochage, j’ai été inspiré par l’exposition Simple Forms au Mori Art Museum de Tokyo ainsi que par les installations de l’architecte Axel Vervoodt à la biennale de Venise qui, dans les deux cas, s’octroyaient cette liberté de faire cohabiter dans un même espace un caillou et une pièce de maître. Dans l’espace de la galerie Tristan Hoare, on retrouve par exemple la fabuleuse artiste japonaise Ritsue Mishima qui travaille le verre aux côtés d’une œuvre d’Olafur Eliasson, du diadème de la Libanaise Ranya Sarakbi, dont j’estime infiniment le travail ,ou encore d’un lingam khmer du XIIe siècle. C’est cette manière d’installer libre, décomplexée, presque irrévérencieuse, à laquelle j’aspire.

* « Geometrica » de Omar Mazhar et Tristan Hoare à la galerie Tristan Hoare, 6 Fitzroy Square, W1T 5HJ, Londres, jusqu’au 28 mars.

Quel a été votre premier contact avec l’art ?Dès l’enfance, j’étais le seul parmi mes frères à vouloir accompagner ma mère dans des musées ou à feuilleter les livres d’art qui traînaient à la maison. J’étais aimanté par le beau et je me souviens avoir été bouleversé à l’âge de 12 ans par le travail de Mark Rothko. L’art tribal et l’art pakistanais vers lesquels...

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DE QUEL ART IL EN EST QUESTION ?

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 34, le 28 mars 2018

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  • DE QUEL ART IL EN EST QUESTION ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 34, le 28 mars 2018

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