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Économie - Focus

Ersal tente de faire revivre ses cerisiers

Les agriculteurs de la ville assuraient 20 % de la production nationale de cerises avant de ne plus pouvoir accéder à leurs vergers pendant plusieurs années.

Certains vergers sont situés entre Ersal et la frontière avec la Syrie. Photo P.H.B.

Enclavée dans les collines de l’Anti-Liban, à plus de 1 400 mètres d’altitude et à 15 km de la frontière avec la Syrie, la ville de Ersal, dans le nord de la Békaa, a vécu ces dernières années au rythme du conflit qui déchire la région depuis 2011. Les évènements ont pris un tournant décisif en 2017, avec la libération des jurds de Ersal, de Ras-Baalbeck et du Qaa des combattants jihadistes, permettant à la ville à majorité sunnite, dont les accès sont toujours minutieusement contrôlés par l’armée libanaise, de tenter de relancer son économie.

« Je possède un verger de 20 dounoums (2 hectares) derrière les collines, entre la ville et la frontière. Comme beaucoup, cela fait cinq ans que je n’ai pas pu y accéder à cause des événements », raconte à L’Orient-Le Jour Hassan H. el-Atrash, un agriculteur résidant à Ersal. « Beaucoup d’entre nous tiraient la quasi-totalité de leurs revenus de leur production, principalement constituée de cerises et d’abricots. Mais nos vergers sont aujourd’hui desséchés, quand ils n’ont pas été tout simplement détruits », ajoute-t-il. Quand on lui demande comment il a fait pour subvenir à ses besoins ces dernières années, M. Atrash répond, le regard souriant : « Quand les temps sont durs, celui qui vit avec 10 apprend à se débrouiller avec 1. »

Semi-aride
M. Atrash est l’un des 200 agriculteurs de Ersal qui exploitent des vergers de plusieurs hectares, selon les autorités de la ville, dans laquelle quelques milliers de locaux côtoient pour peu ou prou autant de réfugiés syriens répartis dans plusieurs camps. « Avec l’exploitation des carrières, l’agriculture est l’activité principale dans la région. En dehors des propriétaires de grands vergers, presque tout le monde possède un petit terrain sur lequel poussent quelques arbres fruitiers », précise le chef de la municipalité de Ersal, Bassel Houjeiri.
Si les terres agricoles distribuées sur les collines autour de la ville sont vastes, la topographie et les conditions climatiques – la région est semi-aride, au mieux – limitent les options viables en matière de cultures.

Particulièrement adaptés à ces conditions, les cerisiers se développent bien en altitude – les cerisaies de Ersal culminent parfois à près de 2 000 mètres – et n’ont pas besoin de beaucoup d’eau. Outre les cerisiers et les abricotiers, qui représentent respectivement 55 % et 25 % des deux millions d’arbres fruitiers recensés par la ville, les habitants font également pousser des pommiers, des amandiers, des pruniers ou encore des oliviers.
Mais si une partie de ces arbres a survécu à la guerre, la plupart des arbres n’ont pas été entretenus pendant des années et pourront difficilement recommencer à produire des fruits. « Déjà difficile depuis 2011, l’accès aux vergers est devenu impossible à partir de 2014 (NDLR : année durant laquelle le groupe État islamique a multiplié les offensives) », soutient M. Houjeiri.

Payer leurs dettes
Le chef de la municipalité ajoute que les 10 milliards de livres libanaises (6,6 millions de dollars) accordés en 2016 par le Conseil des ministres aux producteurs de cerises de Ersal n’ont servi qu’à compenser les pertes sur une saison. « Les bénéficiaires ont utilisé cet argent pour payer leurs dettes, sans pouvoir conserver de fonds pour se relancer », assure-t-il. « Avant, 2011, Ersal assurait 20 % de la production de cerises du Liban, soit 6 000 tonnes par an, qui étaient principalement écoulées sur le marché local. Aujourd’hui, on peut dire qu’elle est quasiment inexistante », expose pour sa part l’ingénieur agronome Charbel Tawk. Avec le responsable de chaîne de valeur Joseph Hatem et la consultante Sandra Fahd, M. Tawk a animé en mars des ateliers de formation à destination des producteurs de cerises de Ersal dans les locaux de leur municipalité. L’initiative s’inscrit dans le cadre du programme Lebanon Industry Value Chain Development (LIVCD) de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USaid).

« L’objectif est de permettre à ces producteurs de relancer leurs exploitations dans les meilleures conditions. Le programme (NDLR : qui s’est étalé sur trois sessions journalières réparties sur autant de semaines) a accordé une importance particulière au choix des variétés les plus adaptées ainsi qu’aux aménagements à réaliser en fonction du rendement visé », explique Mme Fahd. Selon l’USaid, il faut par exemple investir 9 000 dollars pour une cerisaie de 5 dounoums standard, avec 250 arbres, qui sera capable de générer 11 000 dollars de bénéfices nets à partir de la 9e année. Le capital de départ est en revanche d’environ 20 000 dollars pour un verger de même superficie capable d’accueillir 1 000 cerisiers et plus de 15 000 dollars de profits nets annuels, à la même échéance. Dans les deux cas, le montant des investissements ne tient pas compte du prix du terrain et part du principe que les ressources en eau sont accessibles. Un verger a enfin une durée de vie de trente ans.
Des conditions qui ne semblent pas effrayer les agriculteurs de Ersal, nombreux à participer aux sessions organisée par l’USaid. Mais pour Mme Fahd, il faudra impérativement que cet effort s’inscrive dans une stratégie globale, pilotée avec l’aide de l’État, et qui tient compte de la répartition géographique des jardins.


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