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Moyen Orient et Monde - Syrie

Entre Washington et Ankara, c’est maintenant que les choses « sérieuses » commencent

La relation entre les États-Unis et la Turquie est de plus en plus fragile, alors que le président turc souhaite poursuivre l’offensive contre les Kurdes en Syrie.

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, donnant un discours devant les députés du parti au pouvoir, le Parti de la Justice et du Développement (AKP), hier à Ankara. Adem Altan/AFP

Ankara ne cesse de fustiger Washington depuis la prise de Afrine dimanche dernier par l’armée turque. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’est empressé de répondre hier aux propos de l’administration américaine qui s’est dit « préoccupée » lundi sur la question de l’avenir des civils dans la ville syrienne désormais sous contrôle turc. « Le porte-parole américain a fait part de ses préoccupations au sujet de Afrine. Où étiez-vous lorsque nous vous faisions part de nos préoccupations ? Où étiez-vous, quand nous vous avons suggéré d’éliminer les groupes terroristes là-bas », a lancé le dirigeant turc lors de la réunion hebdomadaire des députés du parti au pouvoir, le Parti de la Justice et du Développement (AKP). 

« D’un côté, vous dites à la Turquie “vous être notre allié stratégique”, de l’autre vous scellez une alliance avec une organisation terroriste. Voilà la réalité. Si nous sommes des alliés stratégiques, vous devez nous respecter et avancer avec nous », a-t-il martelé, rapporte l’agence de presse gouvernementale turque Anadolu. M. Erdogan fait ainsi référence à l’alliance formée par Washington et les forces kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) considérées comme terroristes par Ankara.

Une coopération grandissante depuis 2014 que la Turquie voit d’un mauvais œil tandis que le rapprochement entre Moscou, Damas et Ankara entamé à l’été 2016 a, inversement, froissé Washington. La situation est d’autant plus délicate que les États-Unis et la Turquie entretiennent des liens particuliers. Les deux pays sont alliés au sein de l’OTAN et font partie de la coalition internationale pour la lutte contre l’organisation État islamique. La mise en œuvre de l’opération turque baptisée « Rameau d’olivier » dans le Nord-Est syrien est donc un élément supplémentaire qui vient fragiliser un peu plus une relation déjà vacillante.

En dépit des avertissements américains, la Turquie veut continuer sur sa lancée au-delà de ses paroles. Elle a ainsi déjà fait savoir à plusieurs reprises son intention de poursuivre son offensive militaire. « Maintenant, après (Afrine), nous allons poursuivre ce processus jusqu’à la destruction totale de ce corridor constitué de Manbij, Aïn al-Arab (nom arabe de Kobané), Tal Abyad, Ras al-Aïn et Qamichli », a déclaré M. Erdogan lundi. La ville de Manbij est notamment un point stratégique où sont stationnées des forces américaines aux côtés de leurs alliés kurdes. Ce facteur ne devrait cependant pas arrêter les forces turques, estime Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie. Fort de sa victoire à Afrine, M. Erdogan « est allé trop loin dans son discours et ne peut pas s’arrêter là, alors qu’il a l’opinion publique turque derrière lui », observe-t-il pour L’Orient-Le Jour. Se diriger vers Manbij serait d’autant plus facile car seulement quelques soldats « patrouillent le long de la ligne de front au Nord-Ouest », souligne le géographe, présent à Manbij en janvier dernier. Selon lui, l’armée turque pourrait aussi lancer des offensives sur d’autres fronts que Manbij, afin de contourner les forces américaines sur place.


(Lire aussi : Erdogan promet d’élargir l’offensive à d’autres zones kurdes en Syrie)


« Aveu de faiblesse »
Dans ce contexte, appliquer la même stratégie de non-intervention à Manbij qu’à Afrine semble bien difficile pour les Américains. D’autant plus que « les États-Unis devraient considérer les propos de M. Erdogan comme menaçants » au regard des récents événements, observe M. Balanche. « Désormais, les négociations sérieuses débutent entre les États-Unis et la Turquie », explique à L’OLJ W. Robert Pearson, ancien ambassadeur américain en Turquie entre 2000 et 2003 et ancien directeur général du Service extérieur des États-Unis. « On ne sait pas à quel stade en sont les négociations à ce sujet » alors que bien peu d’informations filtrent cependant sur les intentions des États-Unis dans le Nord-Est syrien, précise-t-il. Washington se trouve obligé de compter sur son partenaire de l’OTAN et de ménager ses alliés kurdes qui se sont révélés précieux durant la lutte contre l’EI.

La situation s’est compliquée alors que le président américain Donald Trump a limogé son secrétaire d’État, Rex Tillerson, pour le remplacer par Mike Pompeo. Cette décision n’a pas été appréciée par Ankara alors que la presse turque a retrouvé un tweet de M. Pompeo où il qualifiait la Turquie de « dictature islamiste totalitaire » après le coup d’État raté en juillet 2016. Résultat : le voyage du chef de la diplomatie turque prévu lundi dernier à Washington a été annulé par Ankara alors qu’Américains et Turcs devaient en profiter pour négocier un accord sur le départ de miliciens kurdes de Manbij.

M. Tillerson, qui s’était rendu à Ankara à la mi-février, alimentait par ailleurs les tractations sur le dossier syrien pour rassurer les Turcs, et un groupe de travail américano-turc a été mis en place pour traiter le dossier de Manbij « en priorité ». Mais malgré les changements au sein de l’administration américaine, « les États-Unis veulent continuer à traiter la Turquie en tant qu’un allié de l’OTAN et ne veulent pas d’une confrontation », note M. Pearson.

Les États-Unis doivent cependant faire face à la Turquie « qui montre une vraie détermination à aller jusqu’au bout » tandis que « céder Manbij serait un aveu de faiblesse » pour Washington, précise à L’OLJ Bayram Balçi, chercheur à l’Institut français d’études anatoliennes d’Istanbul. Mais selon l’expert, « les Turcs veulent surtout voir les Occidentaux faire des efforts pour assurer leur sécurité à la frontière ».



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commentaires (6)

Après les Kurdes ce sont les Chypriotes et après les grecques

Eleni Caridopoulou

20 h 51, le 21 mars 2018

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Commentaires (6)

  • Après les Kurdes ce sont les Chypriotes et après les grecques

    Eleni Caridopoulou

    20 h 51, le 21 mars 2018

  • Eh oui, n'est pas poltron qui veut... le Golan laissé généreusement comme apéritif aux poltrons de l'autre côté de la frontière du Sud , maintenant Afrine et Manbij...comme mets principal au Big Boss (mais pas poltron du tout) d'Ankara... En quoi consistera le dessert offert par le poltron-en chef ? Irène Saïd

    Irene Said

    12 h 53, le 21 mars 2018

  • La partie est loin d'être terminée entre allié de l'otan, je ne comprends pas la jubilation anticipée de certains brailleurs , quand un pays est agressé de la sorte par une coalition malfaisante mondiale , je trouve que le HÉROS BASHAR S'EN SORT TRÈS BIEN .Je ne suis pas sûr que d'autres pays en aurait fait autant . Ceci dit la Turquie du hypocrite erdo joue bien sa carte , faut l'admettre, il ne se laisse pas embobiner par ces experts en complots et décide de prendre les choses en main , fort de sa nouvelle alliance avec le génial Poutine. Bonne nuit les enfants .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 09, le 21 mars 2018

  • EN FAIT C,EST MAINTENANT QUE LES AMERICAINS PASSERONT L,EXAMEN ULTIME S,ILS OBTEMPERONT A L,ULTIMATUM DU MINI APPRENTI SULTAN OU S,ILS RESPECTERONT LEURS ENGAGEMENTS ET LE DEFIERONT ! LA RIGOLADE C,EST QUE CE CONFLIT DE DEUX MEMBRES DE L,OTAN SE PASSE EN TERRE SYRIENNE OU LE DESPOTE SE BALLADE EN ROGER MOORE AVEC LUNETTE ET -ZAMOUR-...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 12, le 21 mars 2018

  • Washington et Ankara discutant de l'avenir de villes situées en...territoire Syrien ??? Mais où est donc le "Héros Bachar"...qui se promène en lunettes de soleil dans la Ghouta "libérée" dont le sol est arrosé du sang de civils massacrés par ses forces ? Afrine et Manbij ne sont donc plus syriens ? Quel vaillant "Héros", qui sacrifie sans hésitations par milliers les femmes et enfants, ses propres citoyens, pour éliminer des opposants à son régime, mais baisse la tête devant plus fort que lui. Tout comme son père Hafez el Assad a massacré les habitants de Hama...pour les mêmes raisons. C'est qu'en Syrie, comme chez nous au Liban, il y a toujours des troupeaux de moutons-suiveurs-bêleurs dociles pour acclamer ce "Héros" de pacotille. Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 41, le 21 mars 2018

  • Je vais surprendre en disant une fois n'est pas coutume, que je suis d'accord avec Etdoghan. L'Europe et l'Amérique ne lui tiennent jamais un langage claire et surtout "compréhensible" par cet individu. On lui dit vous aller adhérer à l'Europe ...et on lui verse des milliards chaque année pour améliorer ses infrastructures, son économie...et surtout sa "démocratie" .... Ils lui font de croire qu'avec un âne ils peuvent faire un cheval de course. Ce n'est juste de se moquer ainsi d'autrui! l'Amérique et l'Europe une fois encore sous la pression de la Turquie, ils inscrivent les kurdes sur la liste des organisations dites terroristes, alors qu'ils savent pertinemment que les terroristes se trouvent plutôt en Turquie ...et les kurdes sont des combattants de la liberté. Dans ces conditions... Le tartuffe du Bosphore est en droit ...de "gémir de colère et de douleur" chaque matin ...d'où son envie de massacrer des kurdes ....et tous ses ennemis ....(le monde entier sauf les frères musulmans) Occident réveille toi!

    Sarkis Serge Tateossian

    01 h 30, le 21 mars 2018

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