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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Le pouvoir arbitraire du psychanalyste : « Face je gagne, pile tu perds » (suite)

Ce chapitre que j’aborde avec vous depuis les trois dernières rubriques est le chapitre le plus controversé chez les analystes. Qu’ils soient freudiens orthodoxes, freudo-lacaniens, kleiniens, bioniens ou autre, dès qu’on touche à leurs règles ou à leurs techniques, ils se raidissent devant leurs patients et en arrivent à des guerres fratricides avec leurs collègues. Pour Paul Roazen (voir articles précédents), les « mesures techniques qui pour Freud avaient été temporaires ou ad hoc devinrent, entre les mains des disciples dévoués (et soumis), d’immuables rituels. Et le jargon technique qu’il avait inventé fut utilisé pour justifier n’importe quoi ».

Ce constat de Paul Roazen est sans appel. De même, la tendance des analystes à tout interpréter était dès le début critiquable. Freud est formel là-dessus. Face à une faute grave commise par un analyste, il affirme : « Ce n’est pas parce qu’elle a des fondements psychologiques qu’une faute professionnelle est moralement plus acceptable. » L’erreur est humaine et ce n’est pas parce qu’elle est commise par un analyste qu’elle cesse d’être une erreur. Il n’est pas acceptable qu’un analyste qui s’est trompé de rendez-vous fasse porter la responsabilité de son erreur à son patient. Bien au contraire, comme le préconisait Winnicott, la dimension humaine de l’analyste permet de ne pas l’idéaliser en permanence. Ce n’est pas parce que l’analyste interprète l’inconscient de son patient qu’il en devient infaillible. Il est vrai que l’interprétation de l’analyste, lorsqu’elle est juste, peut saisir le patient et le méduser. Mais la majeure partie du temps, l’analyste est à l’écoute et n’est pas en mesure d’interpréter.

Il est vrai que le déterminisme inconscient et son interprétation par l’analyste peuvent donner à ce dernier une illusion d’infaillibilité. Or, l’acte analytique, quand il a lieu, est un acte produit par l’analyste et l’analysant, dans l’espace potentiel qui les sépare et les unit en même temps. Il n’est pas l’œuvre de l’analyste seul et l’analyste n’a nulle fierté ou orgueil à en tirer. Freud le savait bien, lui qui a tiré les concepts psychanalytiques du discours de l’hystérique. En effet, sans l’hystérie, la psychanalyse n’aurait probablement pas vu le jour. On le voit clairement dans le film de John Huston, Freud, passions secrètes. Au moment où la jeune Cécilie fait un lapsus, Freud est étonné autant qu’elle. Les manifestations de l’inconscient sont autant de trouvailles qui font le bonheur de l’un et de l’autre. Pourquoi donc les analystes agissent comme si l’inconscient leur appartenait ? Au point donc qu’ils se croient infaillibles.
 
« L’analyste est un sujet supposé savoir », et non quelqu’un qui sait
Tout est devenu sujet à interprétation. En France, dans les années 60/70, dans les centres médico-psychologiques, une « interprétatite » régnait. Il suffisait d’une parole pour que le patient soit catalogué. Les collègues aussi. Un collègue oubliait son parapluie, un autre son stylo, et l’interprétation fusait. De même à l’université. Les professeurs, analystes par ailleurs, se permettent de faire des interprétations à leurs étudiants, provoquant arbitrairement des blessures inutiles et oubliant que l’interprétation analytique n’a de valeur que dans le temps et le lieu de la séance. Et, surtout, que le savoir de l’analyste n’est que supposé, l’analyste est un « sujet supposé savoir », comme le dit Lacan. Soit que s’il dispose d’un savoir, c’est parce que l’analysant le lui suppose. Cette supposition est fondamentale dans l’analyse. L’analyse se déroule grâce à cette supposition de la part du patient. Et elle se termine par la « désupposition » du savoir de l’analyste.
Autrement dit, l’analyste ne sait que parce que le patient lui suppose un savoir. Rappeler cela devrait donner aux analystes de l’humilité et de la modestie.


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