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Liban - Technologie

Comment les broyeurs de matières organiques peuvent s’intégrer à la gestion des déchets

Une récente étude de l’AUB examine l’intérêt d’introduire cette technique dans les domiciles des pays en développement, en vue de réduire le volume global des ordures.

Les matières organiques composent près de 60 % des déchets au Liban, selon les chiffres de la Banque mondiale. Photo Bigstock

Les récents échecs de la gestion des déchets au Liban montrent l’état d’égarement des autorités, qui passent d’un plan d’urgence à l’autre, sans solution durable. Même si des alternatives d’urgence sont trouvées, le problème ne sera pas résolu s’il n’est pas accompagné d’une vision plus complète. Sans revenir aux racines de cette crise très complexe, la croissance démographique et les projets de développement combinés aux ressources foncières limitées dans les zones urbaines ont mis les décideurs au défi de gérer des volumes toujours croissants de déchets ménagers solides.
Or ce qui caractérise les pays en développement en général, et le Liban en particulier, c’est la proportion importante de matière organique, qui représente plus de 60 pour cent du volume global des déchets, contre moins de 30 pour cent dans les pays développés (selon une étude de la Banque mondiale, publiée en 2012, et une autre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat de l’ONU, en 2006). Par conséquent, les politiques de gestion intégrée (complète) des déchets ménagers mettent l’accent sur cet aspect organique central, qui représente 60 % du problème et 60 % de la solution.


(Gestion des déchets ménagers au Liban : retour sur un terrible fiasco)
 
Le problème des sites de compostage
La principale raison de l’échec du plan de gestion des déchets d’urgence mis en place en 1997 au Liban (à la fermeture du dépotoir de Bourj Hammoud et de l’incinérateur de Amroussieh) est la défaillance des moyens mis à disposition pour le traitement des déchets organiques. Le site de compostage dans la zone de Coral (Beyrouth) devait accueillir 300 tonnes par jour. Or ce volume a augmenté quand de nouvelles municipalités ont été ajoutées au contrat (de l’État avec la société privée qui gérait les déchets) sans que l’usine ne soit agrandie, et le processus de transformation et de production de compost à usage agricole a échoué. Le nouveau plan d’urgence décidé en 2016, autant un échec que le précédent, propose d’élargir et de réhabiliter cette usine pour accueillir 700 tonnes au lieu de 300 !
Par conséquent, la question du traitement des déchets organiques est toujours au cœur du traitement des déchets ménagers solides, tant dans les plans d’urgence que dans les plans durables.


(Pour aller plus loin, découvrez le dossier du mois de février
du Commerce du Levant : Les nouveaux rois des déchets au Liban)

 
Que fait-on de par le monde ?
Au niveau mondial, de nombreuses solutions ont été trouvées pour résoudre ce problème, y compris l’adoption ou l’introduction d’un dispositif d’élimination des déchets organiques « Food Waste Disposer » (alimentaire dans son ensemble) au niveau de la maison (cuisine). C’est un dispositif pour découper les matières organiques et les transformer en flux d’eaux usées.
Cet appareil est conçu pour broyer les matières organiques biodégradables telles que les résidus de viande, les fruits et légumes, le café, les petits os, etc.
Cet appareil a été utilisé pour la première fois dans les années 1930 aux États-Unis, puis introduit dans plus de 80 % des nouveaux modèles de construction jusqu’à se trouver dans près de la moitié des ménages américains (jusqu’en 2000). Toutefois, cette utilisation a suscité beaucoup de prudence dans certaines grandes villes, en particulier à New York, où l’on a interdit l’utilisation de ces appareils en raison des craintes liées à un manque de connexion des anciennes infrastructures avec les eaux usées. Cette préoccupation a atteint son apogée en 1995, lorsque la ville a fermé sa décharge principale. Par conséquent, le plus important projet pilote visant à étudier l’impact de cette technique sur les réseaux d’eaux usées a été entrepris. Sur la base de cette étude modèle, l’interdiction de cette technologie a été levée et son utilisation dans les nouveaux bâtiments a été légiférée.
Aujourd’hui, cette technologie est vendue avec des restrictions limitées. Elle s’est propagée à plus de 50 pays dont l’Angleterre, l’Irlande, l’Italie, l’Espagne, le Japon, le Canada, le Mexique et l’Australie. Bien que l’interdiction fût en vigueur en France, elle a été levée en 1986, après une autre enquête approfondie menée par les autorités françaises.
En dépit de son efficacité sur la réduction des quantités de déchets solides municipaux, cette technique est controversée en raison d’une augmentation de la production de boues d’épuration devant être gérées et traitées, ainsi que de la consommation d’énergie et d’eau. Cela nécessite un examen plus approfondi de cette option, qui réduit la matière organique à la source ainsi que les quantités de déchets qui doivent être mis en décharge.
En outre, lorsque les déchets organiques passent du système de traitement des déchets solides au système de traitement des effluents, il en résulte une production accrue de DBO (demande biochimique en oxygène) dans les eaux usées, une augmentation des matières en suspension, et d’autres nutriments, ce qui contribue à l’augmentation de la consommation d’énergie et de la production de boues pour le traitement final, ainsi que l’augmentation des émissions lors de la gestion des eaux usées. En plus d’augmenter le coût de traitement des boues causées par le traitement des eaux usées.
 

(Incinération sauvage au Liban : les chiffres chocs de l'impact de la pollution sur notre santé)


Et les émissions ?
Des études antérieures à la nôtre ont abordé l’aspect technique et économique de cette option, mais pas celui des émissions et de l’empreinte carbone qui en résultent, de manière intégrée et précise. L’empreinte carbone, dans ce cas, consiste dans les émissions nettes provenant de la conversion des déchets alimentaires en systèmes de traitement des eaux usées et des boues.
Cette nouvelle étude menée à l’Université américaine de Beyrouth (AUB)** a été développée pour évaluer l’empreinte carbone de l’introduction de cette technique, à valeur ajoutée pour le traitement des déchets, dans le contexte des économies en développement où la proportion de déchets alimentaires dépasse 60 %. Les résultats ont ensuite été comparés aux zones économiques développées, avec une réduction de 30 % des déchets alimentaires. L’analyse a été réalisée en tenant compte du coût des facteurs environnementaux externes, en mettant l’accent sur la gestion des boues (résultant du traitement des eaux usées) et les émissions nettes pour le commerce potentiel du carbone.
 
Gains économiques
À cette fin, un modèle a été développé, qui adopte l’approche du « cycle de vie » des produits, en vue d’intégrer les processus de gestion des déchets solides et des eaux usées dans un cadre et des scénarios d’essai pour les déchets riches en aliments biologiques, typiques des économies en développement. Pour une telle structure de déchets, les résultats montrent que la politique du broyeur de déchets alimentaires peut réduire les émissions d’environ 42 % (par rapport aux méthodes de traitement actuelles). Le potentiel d’adoption dans la région peut atteindre 25 à 75 %, et la proportion du volume de déchets organiques pouvant être broyés à partir de déchets alimentaires, 75-95 %. Il peut ainsi s’intégrer dans les systèmes de gestion des déchets solides et des eaux usées, y compris la récupération d’énergie potentielle.
En termes de gains économiques, environ 28 % du coût actuel peut être assuré lorsque des facteurs environnementaux externes, y compris la gestion des boues et les émissions, sont pris en compte à l’avance. Bien qu’il y ait des variations considérables du coût du traitement des boues, la présente étude technique a tenté de concilier les prix du moins élevé au plus élevé, ce qui montre encore la faisabilité économique de cette politique, et la profitabilité de ce modèle dans le traitement des déchets solides municipaux.

 * Candidate au doctorat en génie de l’environnement et des ressources en eau à l’Université américaine de Beyrouth.
**Étude à l’Université américaine de Beyrouth (AUB), département de génie civil et environnemental, sous la supervision du Pr Mutasem el-Fadel et avec le soutien du Conseil national de la recherche scientifique (CNRS) et de l’AUB.


Les récents échecs de la gestion des déchets au Liban montrent l’état d’égarement des autorités, qui passent d’un plan d’urgence à l’autre, sans solution durable. Même si des alternatives d’urgence sont trouvées, le problème ne sera pas résolu s’il n’est pas accompagné d’une vision plus complète. Sans revenir aux racines de cette crise très complexe, la croissance...

commentaires (4)

Voilà que si la ville de New York a interdit l’utilisation de ces appareils il ne faut surtoût pas les introduire au Liban ! Pourquoi pas simplement trier manuellement les déchets organiques. L'utilisateur/consommateur devrait le faire lui même ou des travailleurs dans l'usine de tri je suppose.

Stes David

13 h 39, le 11 février 2018

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Commentaires (4)

  • Voilà que si la ville de New York a interdit l’utilisation de ces appareils il ne faut surtoût pas les introduire au Liban ! Pourquoi pas simplement trier manuellement les déchets organiques. L'utilisateur/consommateur devrait le faire lui même ou des travailleurs dans l'usine de tri je suppose.

    Stes David

    13 h 39, le 11 février 2018

  • pour l'amour du Ciel, de Dieu & de ses Anges : plus de solutions impossibles a appliquer , des solutions deja pratiquees puis delaissees par les pays evolues

    Gaby SIOUFI

    11 h 52, le 09 février 2018

  • LES BROYEURS BROIENT MAIS NE VOLATILISENT PAS ! ILS TRANSFORMENT LE DUR EN DIVERSES PATES NON POLLUANTES AVEC DES ADDITIFS... CES PATES SI TRAITEES PEUVENT ETRE UTILISEE DE PLUSIEURS MANIERES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 54, le 09 février 2018

  • Intéressant article. Cette technique est dangereuse pour le Liban. Les gens aviserons du système et mettront dedans matières organiques et plastiques. Dans le.monde développé des stations d'épuration à sont équipées pour retirer les matières plastiques et traiter la dbo mais au Liban ces station sont ou inexistantes ou ne fonctionnent pas. Tout se retrouve moulu et fin , difficile à intercepter et traiter, et rejeter directement en mer qui est déjà surchargée d'ordures et de pollution. Attention...

    Wlek Sanferlou

    01 h 42, le 09 février 2018

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