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Nabot perfide, voyou, chien, eunuque... : cinquante ans d'insultes sur la scène politique au Liban

Retour sur cinquante ans d'échanges fleuris.

Les unes du quotidien libanais An-Nahar des 13 et 14 mars 1972 reprenant les échanges d'insultes entre Kamal Joumblatt et Saëb Salam. Montage photo LBCI

Le Liban assiste, depuis le début de la semaine, à un envenimement de la situation entre les blocs du président du Parlement, Nabih Berry, et du président de la République, Michel Aoun.

Le Courant patriotique libre (fondé par M. Aoun) et M. Berry s'opposent sur de nombreuses questions politiques, notamment le décret d'avancement de la promotion militaire de 1994. Cette polémique envenime les relations entre le chef de l’État et le président du Parlement depuis des mois. Et depuis quelques jours, une nouvelle crise oppose les deux formations autour du congrès de la "Lebanese Diaspora Energy" organisé par le ministère des Affaires étrangères et prévu les 2 et 3 février prochain. Selon plusieurs sources concordantes, une grande majorité des participants chiites vont probablement boycotter ce rassemblement, "sur directives" de M. Berry.

Toutefois, ce qui au départ n’était qu’un nouvel épisode dans l’animosité entre MM. Berry et Aoun,a pris une nouvelle ampleur après la fuite d'une vidéo dans laquelle le ministre des Affaires étrangères et chef du CPL, Gebran Bassil, qualifie de "voyou" (baltaji en arabe), le président du parlement. Suite à cette fuite, des partisans d'Amal sont descendus dans les rues exprimer leur colère, alors que se multiplient les appels au calme.

Cet épisode malheureux n’est malheureusement pas le premier du genre sur la scène politique libanaise, dont les acteurs se laissent parfois aller à ce genre d’échange d’insultes, en public ou dans des cercles plus réduits. Retour sur cinquante ans d'échanges fleuris. 


Derrière des portes closes
Grâce aux réseaux sociaux et aux téléphones qui peuvent désormais se transformer en "armes de diffusion massive", les échanges de noms d’oiseaux entre politiciens peuvent maintenant être connus de tous. En deux clics, il est possible d’enregistrer ou de filmer les dérapages des hommes politiques et de les diffuser dans le monde entier. C’est de ce phénomène dont M. Bassil a fait les frais.  

En avril 2009, c’est le leader druze, Walid Joumblatt qui avait été victime d’une telle fuite. Dans une vidéo filmée probablement à son insu lors d’une rencontre entre des dignitaires religieux druzes et diffusée par la chaîne de télévision al-Jadeed, M. Joumblatt s’en était violemment pris à ses alliés chrétiens et sunnites. Il avait notamment accusé les partis chrétiens d’isolationnisme, les qualifiant de "mauvaise graine". "Je ne peux plus former une liste au Chouf car les tendances de l’isolationnisme sont revenues. Une mauvaise graine restera mauvaise", avait-il lancé.


 Il y a quelques années, en 2011, c'est un autre genre de fuites qui avaient donné un aperçu de ce qui se passe dans les coulisses du pouvoir et de la diplomatie : les révélations du site Wikileaks. On apprenait entre autres via la plateforme que l'ancien Premier ministre Nagib Mikati avait déclaré en 2007 à l’ex-ambassadeur des Etats-Unis à Beyrouth Jeffrey Feltman (lorsque ce dernier était encore en poste à Beyrouth) que le député Michel Aoun avait "très peu de chances" d’être élu président, en précisant que "personne ne le prend au sérieux", que Aoun "est une blague", selon un câble diplomatique datant du 30 juillet 2007.

De son côté, le président de la Chambre, Nabih Berry, s’adressant également à l’ambassadeur Feltman, avait qualifié M. Aoun "d’eunuque", demandant au diplomate "ce qu’il fallait faire pour se débarrasser des ambitions présidentielles" du fondateur du CPL.


Au vu et au su de tous
Mais les politiciens libanais n’attendent pas toujours d’être en petit comité pour s’insulter les uns les autres. Plusieurs coups d’éclat ont ainsi eu lieu au cours des dernières décennies, sous l’œil des médias, à l’occasion de séances parlementaires, réunions de commission ou au sein-même du Conseil des ministres.  

Ainsi, en juillet 2015, le Premier ministre Tammam Salam et Gebran Bassil s'étaient violemment opposés en Conseil des ministres sur fond de divergences sur l'exercice par le gouvernement des prérogatives présidentielles. Le chef de l’Exécutif avait alors reproché au ministre Bassil ses "caprices". "Baisse ta voix. Pour qui tu te prends ? (…). Cela fait un an et demi que je te supporte toi et ton bloc et que je supporte vos caprices", avait lancé à M. Bassil un Tammam Salam excédé. "J’ai le droit de dire ce que je veux, quand je veux. A cette table, je suis le président de la République, en l'absence d'un président", avait précédemment martelé le ministre des AE.

Quatre ans auparavant, c’est le conflit syrien, encore à ses débuts, qui avait jeté de l’huile sur le feu entre le député Khaled Daher (Jamaa el-Islamiya) et son collègue du parti Baas pro-syrien Assem Kanso. Au sein de l’hémicycle, M. Kanso avait lancé : "C’est qui ce chien qui est en train de parler ?" critiquant le discours de Khaled Daher. A la fin de son intervention, ce dernier avait rétorqué : "C'est lui le chien, pas moi".




En août 2008, également lors d'un débat parlementaire, un discours du député Élias Atallah (Gauche démocratique) avait provoqué l’ire d’Ali Ammar (Hezbollah) qui lui avait demandé de "parfumer sa gueule avant de parler de la Résistance", le traitant ensuite "valet".



C’est un vocabulaire tout aussi fleuri et imagé qu’avait utilisé, le 14 février 2007, Walid Joumblatt, attaquant le président syrien Bachar el-Assad lors d’un discours prononcé dans le cadre de la commémoration de l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri. "Nous sommes venus à la place de la Liberté pour te dire à toi, l’oppresseur de Damas, à toi le singe méconnu de la Nature, à toi le serpent que fuient tous les serpents, à toi la baleine rejetée par la mer, à toi le monstre parmi les monstres de la nature, à toi qui es la moitié d’un demi homme (…)".


Depuis plus de 40 ans…
Ce type d'"éloquence" jalonne en fait la vie politique libanaise depuis des décennies comme le montre un bref passage dans les archives journalistiques du pays. Le 12 mars 1972, Kamal Joumblatt avait ainsi attaqué de front le Premier ministre d'alors, Saëb Salam, dans un discours prononcé au congrès de la gauche, le traitant de "nabot malade clientéliste et perfide". (voir photo en tête d'article)

Le chef de l'Exécutif avait répliqué quelques jours plus tard, traitant M. Joumblatt de "faux-socialiste et d'imposteur", de "schizophrène et de clown". "Le socialisme falsifié" de Kamal Joumblatt est "une tentative permanente de destruction, une tentative permanente de division des Libanais sur le triple plan confessionnel, arabe et palestinien", est-il rapporté dans L'Orient-Le Jour du 14 mars 1972.  

Réagissant également au discours du leader du PSP, le président Camille Chamoun avait rétorqué que "cet homme devient fatigant à force de déraisonner. On ferait mieux de le laisser parler sans se soucier de ce qu’il dit". 


Pour mémoire

Lorsque le débat politique tourne au pugilat : quelques précédents au Liban...





Le Liban assiste, depuis le début de la semaine, à un envenimement de la situation entre les blocs du président du Parlement, Nabih Berry, et du président de la République, Michel Aoun.Le Courant patriotique libre (fondé par M. Aoun) et M. Berry s'opposent sur de nombreuses questions politiques, notamment le décret d'avancement de la promotion militaire de 1994. Cette polémique envenime...

commentaires (6)

C'est toujours bien de connaitre son passé pour comprendre et améliorer son présent et son avenir. Yalla kel wahad byerjha3 3a jighlou ... Et désormais plus d'invectives les respectables politiciens.

Sarkis Serge Tateossian

21 h 03, le 31 janvier 2018

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Commentaires (6)

  • C'est toujours bien de connaitre son passé pour comprendre et améliorer son présent et son avenir. Yalla kel wahad byerjha3 3a jighlou ... Et désormais plus d'invectives les respectables politiciens.

    Sarkis Serge Tateossian

    21 h 03, le 31 janvier 2018

  • EN L,ETAT ACTUEL DES CHOSES CE QUI ETAIT PRESQUE NORMAL HIER NE L,EST PLUS AUJOURD,HUI ! ON PREND SES RESPONSABILITES ET ON DEMISSIONNE...

    LA LIBRE EXPRESSION, CENSUREE PARTI PRIS/ INTERET

    18 h 47, le 31 janvier 2018

  • Intéressant article qui prouve bien que l'on ne doit pas condamner un quelconque citoyen pour une insulte ou un regard méprisant pour un homme politique national ou étranger. La démocratie (!) doit exister et perdurer au Liban. La censure ne devrait pas exister et la liberté d'expression, vis-à-vis de qui que ce soit par quelque citoyen que ce soit devrait être la règle.

    TrucMuche

    18 h 06, le 31 janvier 2018

  • Alors de quoi plaignez-vous chers responsables? .Les insultes entre politiciens sont dans nos coutumes . Alors amusez-vous !

    Antoine Sabbagha

    17 h 48, le 31 janvier 2018

  • Hahahahahaha... Bon, pt'etre qu'il faudra organiser un feu de camp hénorme à tout les sympatisants de ces illustres politico/poètes et, en initiative politico/environne/comique , substituer les pneus traditionnels par les ordures aujourd'hui devenues mondialement fameuses. Ceci pourra se répéter tout les six mois ou un an et le Liban sera le teneur du procédé environnemental le plus efficace qui soit. En plus ce sera aussi une thérapie à la pointe des thérapies pour calmer nos nerfs, s'il nous en reste. Allah...yesseiidna

    Wlek Sanferlou

    17 h 27, le 31 janvier 2018

  • Un vrais exemple de democratie....Bravo, faut surtout continuer car y a pas d'autres problemes a traiter.

    IMB a SPO

    17 h 23, le 31 janvier 2018

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