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Moyen Orient et Monde - Conflit

Opération rameau d'olivier : les risques d'un embrasement

La prise d’Afrine par la Turquie semble « inéluctable », estiment les experts; Paris appelle à une réunion du Conseil de sécurité aujourd’hui.

Des blindés turcs ont traversé hier le poste frontalier de Bab al-Salamah entre la Syrie et la Turquie au nord de la province d’Alep. Nazeer al-Khatib/AFP

Une nouvelle phase a commencé à Afrine. Au deuxième jour de l’opération turque, baptisée « Rameau d’olivier », des supplétifs syriens encadrés de militaires turcs sont entrés dans le Nord syrien, après plus de vingt-quatre heures de pilonnage par l’aviation et l’artillerie d’Ankara. Selon l’armée turque, plusieurs dizaines de cibles importantes – comme des abris et des caches d’armes – ont été détruites. Depuis samedi, 18 personnes, pour la plupart des civils, auraient été tuées dans les bombardements turcs, mais Ankara dément avec véhémence avoir visé des civils, et affirme que les victimes sont toutes, sans exception, des « terroristes ». Les bombardements turcs ont été suivis de ripostes de la part des combattants kurdes, qui ont nié l’entrée de troupes turques en sol syrien, affirmant les avoir repoussées. Trois roquettes auraient ainsi été tirées en direction de Reyhanli, une localité turque située à la frontière, faisant un mort – un ressortissant syrien – et 40 blessés, selon le maire de la ville, mais ce bilan reste impossible à vérifier pour l’instant. 

L’opération a pris en quelques heures de grandes proportions. Quelque 25 000 combattants de l’Armée syrienne libre (ASL) y participeraient dans le but de faciliter la reprise de la ville arabe de Tel Rifaat et des localités alentour capturées par les Kurdes en février 2016, a déclaré hier à Reuters un officier de l’ASL, bien que ces chiffres aient été contestés par nombre d’observateurs, qui les jugent « exagérés ». Le commandant Yasser Abdelrahim, chef de Failak al-Cham, l’une des principales factions de l’ASL, a assuré que ses forces ne chercheraient pas à entrer dans Afrine, ville kurde, mais à l’assiéger afin de pousser les combattants à quitter la ville.

La région est contrôlée par les Unités de protection du peuple (YPG), branche armée du PYD, pendant syrien du PKK kurde (parti indépendantiste de Turquie, considéré par Ankara et la communauté internationale comme une organisation terroriste). Le Premier ministre turc Benali Yildirim a dans le même temps annoncé la création imminente d’une « zone de sécurité » d’une trentaine de kilomètres à l’intérieur du territoire syrien. « Nos avions ont décollé et commencé à bombarder. Et l’opération au sol est en cours. On voit les YPG fuir Afrine », a déclaré le président turc Recep Tayyip Erdogan. « Nous les pourchasserons. Si Dieu le veut, nous achèverons cette opération très rapidement », a ajouté le président turc, qui « cherche à gagner des points sur le plan domestique », alors que des élections législatives se profilent en 2019 et que sa position au niveau international va en « se détériorant », décrypte pour L’Orient-Le Jour Carl Drott, chercheur doctorant à Oxford et spécialiste des Kurdes syriens.


(Lire aussi : Dans Afrine bombardée, des enfants terrifiés et des rues désertes)


Supériorité militaire turque
Il est difficile pour l’instant de prédire le déroulement des opérations turques, mais nombre d’observateurs semblent sceptiques quant à leur brièveté. Cette seconde offensive turque dans le Nord syrien, après l’opération « Bouclier de l’Euphrate » lancée en août 2016 pour repousser l’EI et les combattants kurdes vers le sud, risque d’envenimer considérablement une situation déjà explosive. La prise d’Afrine par Ankara est « inéluctable », affirme M. Drott, lequel relève la supériorité militaire de l’armée turque, pourtant « affaiblie » par les purges qui ont décimé ses rangs après le coup d’État manqué de juillet 2016. « L’opération, bien que très coûteuse, s’étalera très probablement dans la durée. Les préparatifs militaires turcs sont importants et ont été entrepris il y a plusieurs mois, comme en témoigne l’installation de postes d’observation turcs au nord d’Idleb et à l’ouest d’Alep depuis octobre », explique pour sa part un analyste syrien ayant requis l’anonymat. Compte tenu du nombre d’acteurs en présence, Ankara a dû informer la Russie et les États-Unis de sa volonté de passer à l’offensive. Moscou, qui entretient de bonnes relations avec les Kurdes et qui avait des combattants à Afrine, et Washington, qui a fait de ces derniers ses principaux partenaires en Syrie, auraient tous les deux donné le feu orange à l’opération. Le ministre américain de la Défense Jim Mattis a révélé hier qu’Ankara avait prévenu Washington de l’imminence de l’opération. La Turquie « est le seul pays de l’OTAN avec une insurrection active à l’intérieur de ses frontières et les préoccupations sécuritaires de la Turquie sont légitimes », a assuré M. Mattis, comme pour approuver implicitement l’offensive d’Ankara.

Certains observateurs soulignent que les Kurdes d’Afrine, contrairement à ceux à l’est de l’Euphrate, ne sont pas et n’ont jamais été soutenus de manière conséquente par les États-Unis. L’opération d’Afrine est un moyen pour Erdogan de « compenser le fait qu’il ne peut pas toucher aux Kurdes à l’est de l’Euphrate, protégés par Washington », explique M. Drott. « Un certain feu vert est également venu de Russie, qui a retiré sa présence militaire » la veille du début de l’opération turque, confirme la même source syrienne. Les YPG pourraient donc s’estimer trahies par Moscou, dont le retrait a été très mal perçu, à quelques jours du « Congrès du dialogue national syrien » à Sotchi, et auquel devaient participer des factions kurdes. La France s’est montrée plus critique quant à l’opération et a demandé pour aujourd’hui la tenue d’une réunion urgente du Conseil de sécurité sur la situation en Syrie. La ministre des Armées, Florence Parly, a également appelé la Turquie à ne pas se détourner de la « lutte contre le terrorisme ».


(Lire aussi : Environ 25 000 rebelles de l'Armée syrienne libre mobilisés dans la bataille d'Afrine)


Idleb contre Afrine ?
L’opération turque survient deux mois après le début d’une offensive du régime syrien dans la province d’Idleb, au sud d’Afrine, et dernier fief important des insurgés islamistes et des rebelles. Damas a d’ailleurs annoncé hier avoir totalement repris la base aérienne stratégique Abou Douhour, à Idleb, aux mains du groupe jihadiste Hayat Tahrir al-Cham (dominé par l’ex-branche d’el-Qaëda en Syrie, le Front al-Nosra). Avec l’aide de ses alliés, russes entre autres, Damas cherche à sécuriser la route d’Alep à Damas. D’après certaines sources, le contexte actuel aurait poussé le régime syrien à passer comme un accord tacite avec Ankara. Malgré ses déclarations virulentes contre une incursion turque en territoire syrien il y a quelques jours, le régime de Bachar el-Assad aurait laissé faire les Turcs, en échange de quoi il « récupère » Afrine après la fin de l’opération Rameau d’olivier. Rien ne vient pour l’instant étayer cette thèse, mais il est difficile de croire qu’Ankara pourra s’implanter d’une manière ou d’une autre à Afrine après en avoir délogé les YPG, sous peine de devenir une force d’occupation.



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commentaires (5)

Erdogan le nouveau sultan fait ce qu'il veut dictature islamique en Turquie, privations des droits de l'homme attaque et occupation contre les kurdes en Syrie avec la bénédiction des américains, des russes et des européens leur protestation est vraiment faible

Talaat Dominique

18 h 13, le 22 janvier 2018

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Commentaires (5)

  • Erdogan le nouveau sultan fait ce qu'il veut dictature islamique en Turquie, privations des droits de l'homme attaque et occupation contre les kurdes en Syrie avec la bénédiction des américains, des russes et des européens leur protestation est vraiment faible

    Talaat Dominique

    18 h 13, le 22 janvier 2018

  • Opération rameau d'olivier... Erdogan veut donc se moquer du concept biblique de la paix?

    Wlek Sanferlou

    13 h 29, le 22 janvier 2018

  • BEN ALORS , MAIS IL EST OU LE PATRON DE L'OTAN ???????? FAUT PAS PERMETTRE QU'ON SE BATTE ENTRE ALLIE , NON , LOOOLLLL.... LA FRANCE POUSSE SA PETITE VOIX POUR EXISTER ...LOL...

    FRIK-A-FRAK

    12 h 53, le 22 janvier 2018

  • Ce papier est intéressant. C'est bien dommage qu'il ne soit pas illustré d'une carte qui montre la configuration géopolitique et les enjeux.

    Marionet

    08 h 57, le 22 janvier 2018

  • IL N,Y A PAS DE RISQUE POUR L,INSTANT... AMERICAINS ET RUSSES AYANT DONNE LEUR BENEDICTION POUR LE PRETENDU RAMEAU D,OLIVIER QUI S,OFFRE A COUPS DE CANON ET DE BOMBARDEMENTS D,AVION... MAIS SI ERDO LE MINI SULTAN DEROGE... EMPORTE PAR SES REVES ANTI KURDES... C,EST CHEZ LUI QUE LA CRISE ECLATERA ...

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 32, le 22 janvier 2018

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