Les autorités libanaises ont interdit la diffusion de deux films, The Post du célèbre réalisateur américain Steven Spielberg, qui devait sortir en salle jeudi, et la production australienne Jungle, conformément au boycottage arabe d'Israël respecté par Beyrouth.
Une source autorisée au sein de la Sûreté générale, interrogée lundi par L'Orient-Le Jour, a expliqué que la commission chargée de la censure des films cinématographiques diffusables (qui ne dépend pas de la SG), a émis un avis dans lequel elle propose l'interdiction du film de Spielberg.
"The Post ne peut dans ce cadre pas être diffusé avant la décision du ministre de l'Intérieur, Nohad Machnouk, qui a le dernier mot à ce sujet", a expliqué cette source. "La décision d'interdire la diffusion du film au Liban ne relève donc pas de la SG", a-t-elle tenu à préciser.
La Sûreté générale doit elle aussi émettre son avis sur la diffusion du film et le transmettre au ministre. Ce service de sécurité se prononce également sur les livres et le pièces de théâtre.
M. Spielberg figure sur la liste noire du Bureau central de boycottage de la Ligue arabe, pour avoir donné un million de dollars à Israël pendant la guerre de 2006 entre l'Etat hébreu et le Hezbollah au Liban, a rappelé la source au sein de la SG. The Post a été interdit en raison de cette liste "que le Liban respecte", a-t-elle précisé.
Le Liban est officiellement toujours en guerre avec Israël. La guerre de 2006 avait fait près de 1.400 morts dont 1.200 côté libanais. En 1982, Israël avait envahi une partie du Liban qui était alors plongé dans une guerre civile meurtrière (1975-1990).
The Post réunit à l'affiche Meryl Streep et Tom Hanks. Il revient sur la publication inédite en 1971 par le Washington Post de documents confidentiels du Pentagone, exposant les mensonges des Etats-Unis en lien avec la guerre du Vietnam.
"Des protestations"
Un autre film, la production australienne Jungle, qui raconte la descente aux enfers d'un voyageur israélien incarné par Daniel Radcliffe, a vu sa licence retirée après plusieurs jours de diffusion dans les salles au Liban, a par ailleurs indiqué le responsable de la SG. Jungle retrace le périple tragique de l'aventurier israélien Yossi Ghinsberg, égaré dans la forêt amazonienne en Bolivie en 1981.
Le film avait été critiqué il y a quelques jours par un communiqué de la "Campagne pour le boycott des soutiens d'Israël au Liban", qui protestait contre la diffusion du film car il traite d'un "voyageur israélien" et l'une de ses productrices est israélienne.
"Nous avons expliqué au distributeur du film que sa diffusion pouvait provoquer des troubles. Il semble que le distributeur ait décidé de le retirer des salles", a confié la source sécuritaire à l'OLJ.
"Risque sécuritaire"
Contactée par l'OLJ, une source au sein d'Empire Cinemas, la compagnie responsable de la distribution du film Jungle dans les salles libanaises, donne une version différentes des faits. "Le film est d'abord entré au Liban normalement. Après examen, la commission (chargée de la censure des films cinématographiques diffusables) nous a demandé de censurer certains passages du film, chose que nous avons acceptée", explique cette source. "Nous avons ensuite été surpris par la Sûreté générale qui nous a expliqué que la diffusion du film constituerait un risque sécuritaire pour les salles de cinémas et qu'elle souhaitait le retrait du film. Nous avons alors réclamé à la SG un document officiel qui décrète l'interdiction du film, ce que nous n'avons pas obtenu", regrette la source. Elle affirme que "des agents de la SG ont été envoyés dans les salles de cinémas où le film était diffusé, afin d'intimer aux salles d'arrêter cette diffusion". "Ils ont même envoyé des agents au Cascada Mall à Zahlé dans la Békaa! Vous imaginez?".
Cette source déplore un manque à gagner considérable qui se chiffre "entre 10 et 15.000 dollars, sans parler des frais de publicités qui ont déjà été réservées". "Qui va nous rembourser ces montants?", lance la source.
Les ressortissants libanais n'ont pas le droit de se rendre en Israël, les produits israéliens sont interdits au Liban, et les productions artistiques perçues comme donnant une image positive de l'Etat Hébreu provoquent toujours de houleux débats.
L'ONG libanaise March a dénoncé dimanche, dans un entretien à l'OLJ, "une incohérence" au niveau de la censure au Liban, rappelant qu'au cours des trois dernières années, plus de cinq films réalisés ou produits par Spielberg ont été projetés au Liban, au nombre desquels Transformers: The Last Knight, Bridge of Spies et Jurassic World.
En juin 2017, le pays du Cèdre avait interdit la diffusion du film américain Wonder Woman, incarné par l'actrice israélienne Gal Gadot. Plus récemment, en septembre, le réalisateur franco-libanais Ziad Doueiri avait eu des démêlés avec la justice pour des scènes de son film L'Attentat tournées en Israël avec des acteurs israéliens.
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commentaires (12)
Juste une precision...j'ai deja achete JUNGLE ...en dvd pour une livre libanaise...d'ailleur le film est excellent...
Houri Ziad
08 h 11, le 16 janvier 2018