Teasing, rumeurs, menaces, mises en garde... Après plusieurs jours de tensions extrêmes, Donald Trump a finalement opté pour le scénario le plus redouté par la communauté internationale. Le président américain a reconnu hier Jérusalem comme la capitale d'Israël et a annoncé avoir d'ores et déjà demandé au département d'État de commencer le transfert de l'ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem. « Il est temps d'officiellement reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël », a-t-il lancé lors d'une brève allocution depuis la Maison-Blanche au cours de laquelle il a insisté sur sa volonté de simplement reconnaître « une réalité ».
Selon le 45e président américain, ses prédécesseurs « n'ont pas fait ce qu'ils avaient dit », peut-être, selon lui, par « manque de courage », se plaçant ainsi comme le seul d'entre eux à ne pas se défiler de ses obligations. Il a tenu une promesse de campagne qui lui tient visiblement à cœur, celle de « reconnaître Jérusalem comme la capitale indivisible d'Israël » s'il est élu à la présidence américaine. Ce qu'il n'a pas manqué de marteler à plusieurs reprises lors de son discours hier soir, se positionnant comme l'homme qui agit, contrairement à ses prédécesseurs. Défendant une décision qui aurait dû être prise « depuis longtemps », le milliardaire américain rompt ainsi, indirectement, avec le rôle traditionnel de médiateur des États-Unis dans le conflit. Les réactions des deux principaux protagonistes n'ont pas tardé à fuser. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a salué hier comme un « jour historique » la reconnaissance par le président américain de Jérusalem comme capitale de l'État d'Israël. Déplorant la décision de M. Trump, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a quant à lui déclaré Jérusalem « capitale éternelle de l'État de Palestine ».
(Commentaire : Tous ceux qui disent désormais merci à Trump...)
Donald Trump prétend s'inscrire dans la voie « juste ». Une voie qui, selon lui, n'enterre absolument pas le processus de paix, malgré les analyses générales de la situation, extrêmement pessimistes. « Les États-Unis restent déterminés à aider à faciliter un accord de paix acceptable pour les deux parties », a-t-il déclaré. « J'ai l'intention de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour aider à sceller un tel accord », a-t-il ajouté. Le président américain est, depuis le début de son mandat, toujours apparu déterminé à parvenir à une solution censée apporter « la prospérité et la paix à tout le monde dans cette zone », selon les propres mots de son gendre et conseiller Jared Kushner, acteur-clef des manœuvres diplomatiques américaines sur le dossier en question. Dans un apparent souci d'apaiser les Palestiniens, la Maison-Blanche s'est dit prête à soutenir « une solution à deux États », à condition qu'il y ait des négociations bilatérales préalables entre les Israéliens et les Palestiniens, avant toute négociation internationale, une condition qu'appelle de ses vœux l'État hébreu.
(Lire aussi : Les principaux extraits de l'annonce de Trump sur Jérusalem)
Rupture spectaculaire
Cela fait 22 ans que le Jerusalem Embassy Act, appelant les États-Unis à déménager l'ambassade de Tel-Aviv, voté au Congrès en 1995, attend d'être légalisé. Car cette décision établit clairement une rupture spectaculaire avec des décennies de diplomatie américaine des précédents présidents. Ces derniers ont en effet tous, par le biais d'une clause, repoussé son application pour six mois en vertu « d'intérêts de sécurité nationale ». Donald Trump avait dû lui aussi repousser une première fois le transfert en juin dernier, notamment à cause des mises en garde internationales sur le caractère extrêmement sensible d'une telle action. Il a à nouveau signé le texte, pour des raisons logistiques, car le transfert de l'ambassade pourrait prendre plusieurs années : il faut trouver un emplacement et construire le bâtiment, avec les implications sécuritaires que cela suppose, ont fait savoir des responsables américains.
La décision de Donald Trump l'isole un peu plus encore du reste de la communauté internationale. Celle-ci n'a en effet jamais reconnu la souveraineté israélienne sur Jérusalem et considère Jérusalem-Est comme territoire occupé, donc non conforme au droit international. C'est pourquoi toutes les ambassades étrangères sont aujourd'hui installées à Tel-Aviv. Faisant fi des appels pressants de la part des dirigeants de la région, des dirigeants européens et jusqu'au pape François, qui n'a pas caché son « inquiétude », Donald Trump a pris une décision historique qui, même s'il s'en défend, risque de compromettre à jamais le processus de paix israélo-palestinien. « Il s'agit d'une décision d'un apprenti sorcier, d'un enfant roi qui joue avec des allumettes, à une époque où les tensions n'ont jamais été aussi fortes. Donald Trump ne semble avoir aucune conscience du poids des symboles et de la gravité de l'histoire. C'est un inconscient des réalités géopolitiques qui a été à l'encontre de l'avis de ses diplomates les plus chevronnés, y compris les plus proches d'Israël », estime Karim Émile Bitar, directeur de recherche à l'IRIS et spécialiste du Moyen-Orient.
Même si les discussions sont suspendues depuis 2014, Donald Trump a toujours laissé entendre qu'il pourrait bel et bien parvenir à un « accord ultime ». Cela fait plusieurs mois déjà que l'administration américaine affirme préparer un plan de paix, qui tarde cependant à pointer son nez. « Israël est une nation souveraine, avec le droit – comme toutes autres nations souveraines – de définir sa propre capitale. Reconnaître ce fait est une condition nécessaire pour parvenir à la paix », a également mentionné le président américain dans son discours d'hier. Au-delà de la reconnaissance de facto, ce dernier établit une reconnaissance de jure. Et il est bien décidé à mettre un coup d'accélérateur malgré les réactions unanimes de la communauté internationale. Le secrétaire d'État américain Rex Tillerson a déclaré lancer « immédiatement » les préparatifs pour déménager l'ambassade, tout en renforçant la sécurité pour protéger la sécurité des Américains au Proche-Orient. Le locataire de la Maison-Blanche a par ailleurs annoncé que Mike Pence, son vice-président, se rendrait très prochainement dans la région.
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