« L'année prochaine à Jérusalem. » Ce célèbre vœu plein d'espérance de la diaspora juive éparpillée aux quatre coins du monde est aujourd'hui une épée de Damoclès au-dessus d'une région qui risque rien moins que l'explosion si le président américain Donald Trump décide de reconnaître Jérusalem comme la capitale de l'État hébreu et d'y transférer l'ambassade des États-Unis, actuellement à Tel-Aviv. (NDLR : Une reconnaissance officialisée mercredi 6 décembre)
Une telle reconnaissance et/ou un tel transfert de l'ambassade américaine pose un double problème : Jérusalem est d'abord au cœur des trois religions monothéistes, à savoir le judaïsme, le christianisme et l'islam. Toute modification unilatérale du statut de la Ville sainte menace d'ouvrir la boîte de pandore, en mettant en colère les fidèles d'une de ces religions. Une situation qui risque d'entraîner des conséquences incontrôlables.
Jérusalem est aussi au cœur du conflit israélo-palestinien : les juifs considèrent la ville – une et indivisible – comme leur capitale historique. Et les Palestiniens revendiquent Jérusalem-Est comme la capitale de leur futur État.
Aujourd'hui, la communauté internationale ne reconnaît pas la souveraineté israélienne sur Jérusalem et considère Jérusalem-Est – annexée par Israël – comme territoire occupé. De ce fait, toutes les ambassades étrangères sont établies à Tel-Aviv, la capitale reconnue de l'État hébreu. C'est jusqu'ici aussi le cas des États-Unis, qui, sous toutes les administrations, démocrates et républicaines, ont considéré Jérusalem comme un « corpus separatum ».
Il est vrai que les Américains ont été les premiers à reconnaître Israël (de facto), le 14 mai 1948, le jour même de sa création. Mais Washington n'a jamais reconnu « de jure » que Jérusalem faisait partie de l'État d'Israël. Les États-Unis avaient voté pour le plan de partage des Nations unies de la Palestine en novembre 1947 qui prévoyait un régime international spécial pour Jérusalem devant être administrée par l'ONU.
Dans la même logique, les États-Unis se sont opposés plus tard à ce qu'Israël déplace sa capitale de Tel-Aviv à Jérusalem-Ouest après la déclaration de Jérusalem comme capitale par l'État hébreu en 1949. Et enfin, Washington n'a jamais reconnu l'annexion de Jérusalem-Est par Israël après la guerre de 1967.
(Pour mémoire : Ambassade américaine: Israël espère que Trump va mettre fin à une "situation absurde")
« Jerusalem Embassy Act »
Il est arrivé depuis les années quatre-vingt-dix que des candidats à la présidentielle américaine se prononcent d'une façon ou d'une autre pour un transfert des locaux diplomatiques de leur pays à Jérusalem. Ce fut le cas de Bill Clinton, de George W. Bush et de Donald Trump. Mais les deux premiers se sont rétractés une fois arrivés à la Maison-Blanche. Dans les deux cas, la prudence l'avait emporté, en dépit du fait que les États-Unis sont les alliés indéfectibles de l'État hébreu, qu'ils le soutiennent financièrement, militairement et diplomatiquement. Israël a d'ailleurs bénéficié d'une impunité quasi totale à l'ONU, grâce notamment aux nombreux veto utilisés par Washington au Conseil de sécurité.
Les liens tissés entre les deux pays depuis la création d'Israël, notamment durant la période de la guerre froide, puis avec la guerre contre le terrorisme, mais aussi les différentes guerres du Golfe, n'ont ainsi jamais altéré le choix des présidents américains concernant Jérusalem.
En 1995, le Congrès américain a adopté le « Jerusalem Embassy Act » appelant l'administration à déménager l'ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à « la ville de Jérusalem (qui) est depuis 1950 la capitale de l'État d'Israël », selon le texte. En principe, la loi votée au Congrès est contraignante pour le gouvernement américain. Mais une clause permet aux présidents de repousser son application pour six mois en vertu « d'intérêts de sécurité nationale ».
Les administrations successives ont maintenu la même politique selon laquelle l'avenir de Jérusalem ne ferait pas l'objet d'actions unilatérales susceptibles de porter préjudice à des négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens, telles que le transfert de l'ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem. Les présidents Clinton, Bush et Obama ont ainsi méthodiquement actionné la clause tous les six mois.
Le candidat Trump s'était engagé, pendant sa campagne, à reconnaître Jérusalem « comme la capitale indivisible de l'État d'Israël ». Élu à la Maison-Blanche, il a suivi l'exemple de ses prédécesseurs en juin dernier en bloquant une première fois le transfert de l'ambassade. C'est lundi que la clause aurait pu être de nouveau actionnée. Elle ne l'a pas été, et hier, le président Trump a informé Mahmoud Abbas et le roi de Jordanie de son « intention » de déplacer l'ambassade américaine à Jérusalem. Il s'exprimera officiellement sur le sujet aujourd'hui.
S'il validait ce transfert aujourd'hui, Donald Trump chamboulerait toute la politique américaine sur ce sujet depuis près de 70 ans.
Dans le contexte interne, ce revirement va donc bien au-delà de l'obsession du président américain de détruire l'héritage de son prédécesseur, Barack Obama. Des observateurs estiment que M. Trump est tombé sous l'influence de son gendre Jared Kushner et aussi de David Friedman, l'ambassadeur qu'il a nommé en Israël et qui est un fervent partisan du déménagement de l'ambassade. On peut en revanche se demander pourquoi Donald Trump, dont le profil est étranger aux courants évangélistes traditionnellement proches d'Israël et fervents partisans de « l'alliance biblique » entre les deux pays, se laisserait convaincre par une telle initiative.
En tout état de cause, la décision de Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël ou de vouloir y transférer son ambassade pourrait entraîner des brouilles majeures avec les alliés des États-Unis au Proche-Orient, sans oublier les violences qui peuvent en découler.
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On peut toujours trouver un argument se basant sur l'histoire même arrangée, une spécialité des intellectuels hébreux de N.Y., voici un argument plus ou moins ésotérique: Jérusalem fut le siège de l’empire romain en orient, Israël étant une émanation de l’empire américain ; donc son siège en orient sera donc Jérusalem.
17 h 49, le 06 décembre 2017