Cela fait des années, au Liban, que le sujet des médicaments périmés, qui s'amoncellent en quantités énormes dans les dépôts des importateurs, demeure sans solution. Le sujet a été soulevé à de nombreuses reprises ces dernières années, notamment en 2015 avec des tests effectués dans les fours des cimenteries à Chekka, afin de les détruire. Ces tests avaient suscité l'indignation générale de la part des personnes résidant aux alentours des cimenteries, et le projet avait tourné court. La solution finalement adoptée est donc celle de transporter ces médicaments périmés vers Chypre, pour un traitement dans une usine spécialisée.
Pour ce faire, un protocole d'entente a été signé jeudi au ministère de la Santé, entre le ministre Ghassan Hasbani, le syndicat des importateurs de médicaments représenté par son président Armand Pharès, la société chypriote Advance Management Waste Medical Ltd, représentée par son directeur général George Fantaros, et la société libanaise « Solution », représentée par son directeur général Abboud Zahr. Ce protocole, signé en présence du directeur général du ministère de la Santé, Walid Ammar, et de l'attaché commercial de l'ambassade de Chypre, vise « à définir un cadre pour le traitement des médicaments périmés ou inutilisables au Liban par leur transport à Chypre, vers une usine fonctionnant selon les normes environnementales internationales », selon le communiqué officiel.
Les médicaments périmés ou inutilisables peuvent provenir de diverses sources, même des domiciles de particuliers. Interrogé par L'OLJ sur les médicaments ciblés par cette nouvelle procédure, Abboud Zahr, dont la compagnie se chargera du transport de ces produits à Chypre, affirme que « dans une première étape, il s'agira des médicaments amoncelés dans les dépôts des importateurs et qui proviennent, en partie, des pharmacies, puisque celles-ci rendent aux commerçants les produits périmés ». Il assure qu'il n'y a pas de chiffres précis concernant le volume de ces médicaments, mais qu'il doit y en avoir au moins une centaine de tonnes en stock. Toutefois, précise-t-il, « cet accord avec Chypre ne porte pas que sur les stocks présents actuellement au Liban, il sera opérationnel pour une durée illimitée en vue de traiter les médicaments périmés à mesure qu'ils seront rendus aux commerçants ».
Aucun système n'a été prévu pour que les particuliers soucieux de l'environnement puissent retourner quelque part les médicaments périmés en vue de leur transport à Chypre. « Il faut savoir cependant que les médicaments périmés, même s'ils sont jetés dans les poubelles normales à la maison, ne représentent pas à eux seuls un danger considérable, contrairement aux dizaines de tonnes qui résultent du commerce, fait remarquer M. Zahr. Ceux-là sont un réel désastre potentiel de pollution de l'air, de l'eau et du sol. »
(Pour mémoire : Le jour où les médicaments périmés cesseront d’être jetés dans la nature...)
Une solution coûteuse, sous haute surveillance
Le transport des médicaments à Chypre est, certes, extrêmement coûteux. Selon Abboud Zahr, ce sont les importateurs qui en assument le prix, et non l'État libanais. Le traitement d'une tonne de médicaments par cette voie coûte quelque 2 500 euros, mais le prix baisse à mesure que le tonnage augmente.
Cette option n'est-elle cependant pas risquée ? Quelles en sont les garanties ? Pour ce qui est des précautions de transport, Abboud Zahr précise que celui-ci « se fait conformément aux dispositions de la convention de Bâle (sur le contrôle des transport de déchets dangereux), signée par le Liban ». « Chaque cargaison de médicaments doit impérativement obtenir l'aval des ministères de l'Environnement libanais et chypriote, ajoute-t-il. Ils s'enquièrent de la nature des médicaments, de leur tonnage... Nous attendons leur assentiment pour procéder au transport. Par ailleurs, le ministère de l'Environnement a exigé que nous lui fournissions une garantie bancaire et des polices d'assurance couvrant le Liban, Chypre et le trajet en mer, en cas d'éventuel accident. »
Interrogé sur le début de la mise en œuvre de ce protocole d'entente, Abboud Zahr explique que le transport de médicaments périmés vers Chypre, à la demande des importateurs, a déjà commencé, et qu'une quarantaine de tonnes ont déjà été traitées. « Ce protocole d'entente revêt cependant une grande importance pour nous, dit-il. Nous tenions à ce que le ministère de la Santé sache qui nous sommes et qui est l'entreprise chypriote. Il nous apporte, par son implication dans cette collaboration, une garantie morale significative. »
Pour sa part, en marge de la signature du protocole d'entente jeudi, le ministre de la Santé Ghassan Hasbani a insisté sur le danger environnemental et sanitaire de ces déchets toxiques et non contaminants, dont les médicaments périmés font partie. Il a rappelé que les lois libanaises n'ont pas encore réparti les déchets médicaux en catégories, d'où le fait que dans la perspective de leur exportation, il faudra en effectuer la catégorisation et les emballer de manière appropriée, afin de rester conforme aux dispositions de la convention de Bâle. M. Hasbani a précisé que le ministère « fera tout ce qui est en son pouvoir afin de superviser et de contrôler l'application de ce protocole d'entente », soulignant que « toutes les institutions travaillant dans ce domaine en seront informées ».
De son côté, Armand Pharès a souligné les difficultés rencontrées par les importateurs, faisant référence aux tentatives passées avortées de trouver une solution au stockage de médicaments dans les dépôts, jusqu'à cette dernière proposition.
Pour mémoire
Pas d’incinération de médicaments périmés par Holcim, décide le mohafez du Nord
commentaires (3)
(Suite) ...et lorsque la question du pourquoi on ne le fait pas pour le public en général fut posée, la réponse des géants pharmaceutiques fut simple: ça va coûter trop cher, ça fera baisser de beaucoup nos marges de bénéfice et on ne pourra plus développer de nouveaux produits qui coûteront de plus en plus cher! Le seul hic de l’histore, c’est des milliards d’individus dans les pays du tiers-monde qui ont à peine accès aux traitements de base et imaginez ce que ces centaines de milliards de $ de produits encore actifs et incinérés, pourraient faire comme différence...Si la volonté existe. Morale de l’histore: qui s’en fout, chacun pour soi et Dieu pour tous!
Saliba Nouhad
19 h 50, le 25 novembre 2017