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Liban - Liban

Pas d’incinération de médicaments périmés par Holcim, décide le mohafez du Nord

Un écologiste craint que des médicaments ne soient actuellement incinérés dans la cimenterie ; celle-ci dément.

Le mohafez du Liban-Nord, le juge Ramzi Nohra, a publié hier une décision « de ne pas autoriser à la société Holcim Liban, pour le moment, d'employer ses usines pour incinérer des médicaments périmés et non propres à la consommation ». Cette décision, qui porte le numéro 11 588, « fait suite à une décision du ministre de l'Environnement n° 392/1 datée du 25 novembre 2014, qui renouvelle le permis environnemental accordé à la société Holcim et lui permet d'incinérer des médicaments périmés et non propres à la consommation dans la région de Chekka », lit-on dans le texte de la décision du mohafez. Celui-ci ajoute avoir omis de donner son approbation « en raison de plaintes successives des municipalités et des habitants au sujet de l'incinération de médicaments périmés et en vue de protéger la santé des citoyens ».
Le mohafez Nohra a précisé à la LBC que tant que l'incinération n'est pas effectuée dans une usine spécialisée, suivant des critères environnementaux très stricts, il refusait de mettre la santé des habitants en péril.

 

(Pour mémoire : Réunion à la municipalité de Chekka sur le traitement des émanations par Holcim)


Interrogé à ce sujet par L'Orient-Le Jour, Pierre Abi Chahine, président du Conseil de protection de l'environnement à Chekka, assure avoir lui-même milité pour l'interruption de cette procédure. « Il faut souligner que la décision du ministre évoque la nécessité d'une approbation du mohafez avant le début de l'opération, précise-t-il. Cependant, nous pensons, en raison des odeurs qui se dégagent de l'usine, que la cimenterie Holcim a fait fi de ce détail et a commencé l'incinération des médicaments. » « Il y a un an, nous pensions avoir obtenu l'interdiction finale de l'incinération de médicaments, pourquoi une nouvelle autorisation a-t-elle été accordée ? » s'est-il demandé.
M. Abi Chahine ajoute que toute cette opération doit être placée sous un contrôle efficace de l'État comme de la société civile locale : quels types de médicaments sont introduits dans la cimenterie, quels filtres sont utilisés... ? « La décision du ministre interdit formellement l'incinération de médicaments du traitement contre le cancer dans les cimenteries, or un journaliste a constaté et photographié des caisses avec le mot » cancer « écrit dessus dans l'enceinte même de l'usine », a-t-il ajouté. Faisant référence à une étude effectuée à l'AUB (voir plus loin), il s'est dit convaincu que l'incinération de médicaments est à l'origine d'émissions dangereuses, telles que la dioxyne, une matière cancérigène. « De plus, les cendres qui en résultent finissent par atteindre les maisons », poursuit-il.

 

 (Lire aussi : Le plastique qui pollue la mer, un témoin invisible de notre mode de vie)

 

Une procédure très stricte, sinon...
Contacté par L'Orient-Le Jour, Jamil Bou Haroun, directeur de développement à Holcim, nie catégoriquement que des médicaments, de quelque type que ce soit, soient actuellement incinérés dans les fours de la cimenterie. « Les médicaments périmés se trouvent dans les dépôts du ministère de la Santé, nous n'y avons pas accès à moins que le ministère ne nous les envoie, assure-t-il. La société civile connaît notre transparence. »
Sur le permis lui-même, il précise : « Ce permis nous avait été donné en 2013 par les ministères de l'Environnement et de la Santé, et cela répondait à leur demande, sachant que nous avons besoin d'une approbation du mohafez pour procéder. Toutefois, dès 2013, l'opposition de la société civile et des municipalités à cette opération l'a empêché d'aboutir. En 2014, bien que le permis ait été renouvelé en novembre, nous avons omis de réclamer une autorisation au mohafez, étant convaincus que l'opposition de la société civile restait d'actualité. Le projet n'a aucune chance de se concrétiser dans l'immédiat. »
Mais alors pourquoi cette décision du mohafez hier ? « Je ne le sais pas, mais je crois qu'un article de presse publié le même jour l'a poussé à réagir », répond-il.


La société civile craint des émissions dangereuses du fait de l'incinération de médicaments et cite des études dans ce sens. Que répond-il à cela? « En ce qui nous concerne, seules cinq tonnes de médicaments ont été incinérées à Holcim en 2012 dans le cadre d'un protocole de traitement mis en place à la demande des ministères de l'Environnement et de la Santé, sous la supervision du bureau
APAVE, explique M. Bou Haroun. C'était un essai pilote, et il a permis de constater que les émissions analysées n'étaient pas nocives. »


Pour savoir si les émissions sont nocives ou pas dans un cas pareil, nous avons interrogé Najat Saliba, spécialiste en pollution de l'air et professeur de chimie à l'AUB, directrice du Centre de conservation de la nature de cette université, auteure d'un rapport qui a passé en revue les études mondiales sur le sujet. Elle explique que, bien que cette pratique existe effectivement dans le monde entier, elle ne doit pas être envisagée sans un solide système de contrôle des émissions et des cendres qui en résultent.
« Les médicaments contiennent de la chlorine, leur incinération dégage, par conséquent, de la dioxyne, explique-t-elle. Cette dioxyne peut se retrouver dans l'air par les émissions, ou dans les cendres qui pourraient polluer la mer ou le sol. Dans ce dernier cas, cette matière se retrouve soit dans la chaîne alimentaire par le biais des poissons que nous consommons, soit dans les produits agricoles. »
La dioxyne fait partie des matières organiques persistantes, reconnues très dangereuses car elles ne se décomposent dans la nature qu'au bout d'un temps très long, ajoute-t-elle. Pour la spécialiste, il faut prévoir des filtres spéciaux pour mieux piéger la dioxyne, ainsi qu'un processus complet pour le traitement des cendres, sous peine de causer une pollution très dangereuse.


Qu'adviendra-t-il donc des médicaments périmés au Liban après cette interdiction ? Contacté par la LBC, le ministre de la Santé Waël Bou Faour s'est dit favorable à leur exportation aux frais de l'importateur.

 


 

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