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Liban - Environnement

Le jour où les médicaments périmés cesseront d’être jetés dans la nature...

Un ingénieur industriel et un chercheur ont présenté hier à l'AUB leur vision « made in Lebanon » d'un futur traitement écologique des cachets ayant dépassé la date limite. Les premières expériences se sont révélées prometteuses, selon eux.

Ziad Abichaker présentant au public un spécimen de son « Ecoboard », qu’il propose d’utiliser pour y incorporer les cachets médicaux périmés à l’avenir. Photo fournie par l’AUB

Pour combattre un banal mal de tête, on ouvre son armoire à pharmacie à la maison, on en sort un médicament et on se rend compte que la boîte de cachets est périmée. On jette négligemment la boîte à la poubelle, et les cachets se retrouvent à la décharge. Les principes actifs et les éléments toxiques des médicaments se trouvent ainsi lâchés dans la nature.
C'est par cet exemple que Ziad Abichaker, ingénieur et cofondateur de l'entreprise Cedar Environmental, a lancé hier sa présentation d'une nouvelle technique pour le traitement des cachets médicaux, à l'Institut Issam Farès de l'AUB. Avec Walid Saad, ingénieur au programme de génie chimique de l'université, ils mènent depuis deux ans des expériences pour mettre au point une technique innovante qui consiste à « immobiliser » efficacement les cachets dans des panneaux écologiques recyclés à partir du plastique.
Les médicaments périmés représentent un problème significatif au Liban, étant produits autant par les usagers que par les institutions médicales diverses, les milliers de pharmacies... sans compter les inconsommés résultant des tonnes de médicaments sous forme de dons reçus régulièrement par le gouvernement.


Jusque-là, aucune solution n'a été trouvée pour leur élimination sûre au Liban. Des expériences d'incinération ont été menées sur quelques tonnes de médicaments dans les fours de la cimenterie Holcim il y a quelques années, mais la tentative s'est heurtée à un refus de la population et de la société civile des environs, qui craignent les émanations toxiques. Une des solutions envisagées, pratiquée par de rares exportateurs actuellement, est de renvoyer ces médicaments au pays d'origine pour une élimination dans les normes. Une solution chère et difficile à appliquer. En attendant, les médicaments périmés sont stockés dans des dépôts, sachant que la place commence à manquer.
Face à ce sombre constat qui a été exposé au cours de la conférence, Ziad Abichaker a présenté son idée qui consiste à neutraliser ces médicaments en les incorporant dans des panneaux manufacturés par son entreprise. « Nous avons développé une technique appelée " Ecoboard ", une fabrication de panneaux recyclés à partir de matières inertes (NDLR : déchets qui ne produisent ni liquide ni gaz), principalement du plastique (à 80 % de polyéthylène) », a-t-il expliqué, faisant circuler un spécimen dans le public. « Un seul panneau pesant de 20 à 25 kilos contient plus de 3 900 sacs de supermarché », a-t-il ajouté. Ces panneaux sont fabriqués sans additifs, suivant une technique visant à mélanger astucieusement les matières plastiques. « Ils ont une durée de vie comparable à celle des matières plastiques qui les composent, c'est-à-dire dans une marge de 500 ans », a-t-il expliqué, ajoutant qu'ils sont résistants à l'eau, la moisissure, la rouille, aux grandes variations de température, et qu'ils supportent une très grande pression sans se casser.


L'idée est donc « d'immobiliser » les cachets de médicaments dans des « Ecoboards » qui seraient ultérieurement fabriqués avec les mêmes techniques que les panneaux actuels. Et c'est là qu'est intervenue la science, avec les expériences menées à l'AUB par l'équipe de Walid Saad. Les expériences ont été menées sur des panneaux dans lesquels on a incorporé des cachets contenant une certaine molécule et qui ont été plongés dans l'eau durant dix jours, sous des températures variables. Dans le cas des cachets enrobés, aucune trace de fuite n'a été constatée dans l'eau, a précisé Walid Saad. L'expérience a été renouvelée avec des panneaux dans lesquels les cachets avaient été intégrés sous forme de poudre. Certaines traces en ont été décelées dans l'eau, libérées par moyen de diffusion.
Ces résultats qualifiés de « très prometteurs » par Ziad Abichaker permettent, selon lui, d'envisager une manière sûre d'intégrer des cachets bien enrobés dans ce type de panneau excessivement solide et résistant, sans risquer les fuites. Pour plus de sécurité, il a expliqué que la technique future consisterait à prévoir plusieurs isolations : le cachet lui-même est protégé par du plastique, une couche d'aluminium serait ajoutée pour constituer une barrière quasi infranchissable aux molécules, et une dernière couche de plastique viendrait recouvrir l'aluminium. Ce mélange obtenu sera ensuite intégré dans le panneau. Il a estimé qu'un panneau de 1,25 mètre par 2,5 mètres, de 16 millimètres d'épaisseur, pourrait ainsi contenir jusqu'à 500 cachets périmés.


Que faire de ces panneaux? Il existe plusieurs scénarios possibles, a souligné Ziad Abichaker. Un premier scénario consisterait à produire ces panneaux pour stocker plus efficacement ces cachets : selon ses calculs, un dépôt de mille mètres carrés permettrait ainsi de stocker 560 millions de cachets. « Mais ce n'est pas du tout le scénario que nous espérons, il faut pouvoir utiliser ce produit de manière utile », a-t-il dit. Le deuxième scénario, de loin préférable selon lui, serait de produire des panneaux qui serviraient à créer des murs végétaux. « Dans les panneaux produits, nous connaissons l'emplacement exact des cachets intégrés, a-t-il expliqué. Il suffira de perforer les panneaux là où il n'y a pas de cachets. Le produit fini sera accroché sur des parois pour y être planté. » Dans un troisième scénario, selon l'ingénieur, on pourrait faire de ces panneaux des bennes à recyclage, utilisées dans le cadre d'un projet qui devrait être lancé par son groupe l'année prochaine avec la bière Almaza, pour la collecte du verre coloré.


Répondant à des questions, Ziad Abichaker n'a pu avancer une estimation de coût pour cette opération, puisque celle-ci n'a pas encore été déterminée. À d'autres questions portant sur les médicaments liquides et les substances extrêmement toxiques (comme les traitements contre le cancer), les deux experts ont estimé que l'immobilisation des cachets est un premier pas sur une voie qui pourrait mener au traitement d'autres médicaments. Pour ce qui est des cachets contenant d'autres molécules que celles déjà testées, Walid Saad a précisé que des expériences peuvent être menées au fur et à mesure. Interrogé sur la prochaine étape à suivre, Ziad Abichaker a assuré qu'il s'agira « de poursuivre les tests et d'obtenir les permis légaux ». Il n'a pu dire quand un tel système pourrait être mis en place, mais a estimé qu'il pourrait l'être assez rapidement, l'usine de production et la technologie de base étant déjà existantes.

 

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