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À La Une - Diplomatie

Trump et l'Arabie saoudite, un soutien total mais risqué

Le département d'Etat américain ne trouve rien à redire à la démission surprise de Saad Hariri. Ce coup de théâtre recèle "un vrai risque d'une nouvelle guerre au Liban", met en garde une chercheuse.

 

Le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane et le président américain Donald Trump, à la Maison-Blanche, le 14 mars 2017. AFP/Nicholas Kamm

Dans la nouvelle crise qui menace d'embraser le Moyen-Orient, les Etats-Unis ont choisi leur camp. Mais leur soutien plus qu'appuyé à l'Arabie saoudite face à l'Iran, l'ennemi commun, est aussi très risqué.

"J'ai entière confiance dans le roi Salmane et le prince héritier d'Arabie saoudite, ils savent exactement ce qu'ils font", a tweeté lundi Donald Trump en réaction à la purge sans précédent menée samedi contre des princes, ministres ou hommes d'affaires au nom de la lutte anticorruption. "Certains de ceux qu'ils traitent durement +saignent+ leur pays depuis des années!", a justifié le président américain.

Interrogé sur les éventuels dérapages du coup de filet lancé par le prince héritier Mohammad ben Salmane, décidé à asseoir son pouvoir, le département d'Etat américain a simplement "encouragé" Riyad à "poursuivre" les suspects "de manière équitable et transparente".

 

(Lire aussi : Trump-Salmane : un coup de fil et deux tweets)

 

L'Arabie saoudite est un vieil allié des Etats-Unis. C'est là, dans le royaume sunnite où il a été reçu avec faste en mai pour son premier déplacement présidentiel à l'étranger, que Donald Trump a appelé à "isoler" l'Iran chiite pour contrecarrer son influence grandissante au Moyen-Orient.

Il a aussi dans un premier temps soutenu le blocus imposé en juin par les Saoudiens au Qatar, malgré les tentatives de médiation de sa propre diplomatie. Mais l'alliance avec une monarchie absolue régie jusqu'ici par le wahhabisme, version rigoriste de l'islam qui a nourri nombre de jihadistes, était aussi justifiée par la "stabilité" qu'elle incarnait.

Or les dernières décisions de "MBS", le prince héritier de 32 ans, risquent au contraire d'"alimenter l'instabilité politique", prévient Barbara Slavin, du groupe de réflexion Atlantic Council. Même si son programme "Vision 2030" de modernisation de l'économie et de libéralisation de la société est "louable", dit-elle à l'AFP, la volonté de "revanche des branches de la famille royale prises pour cible" plane désormais sur Riyad.

Le vieux roi de 81 ans et son ambitieux fils "ont rompu avec la politique consensuelle traditionnelle", et "le résultat risque d'être un royaume beaucoup moins stable avec des politiques des plus en plus impulsives et imprévisibles", abonde le chercheur Bruce Riedel dans un article de la Brookings Institution.

 

(Lire aussi : Qui sont les hommes visés par la purge en Arabie ?)

 

"Séisme"
Comme l'a résumé Lori Plotkin Boghardt du Washington Institute lors d'une conférence cette semaine, "le séisme du week-end n'est probablement pas terminé".

D'autant que sur la scène régionale, l'heure est également à l'escalade des tensions. Et, là aussi, les Etats-Unis se tiennent aux côtés de l'Arabie saoudite.

Le département d'Etat américain ne trouve ainsi rien à redire à la démission surprise du Premier ministre libanais Saad Hariri, considérée par de nombreux observateurs comme dictée par Riyad, d'où il l'a annoncée en dénonçant la "mainmise" sur le Liban du Hezbollah, membre de son gouvernement mais proche allié de Téhéran. Ce coup de théâtre recèle "un vrai risque d'une nouvelle guerre au Liban", met en garde Barbara Slavin.

 

(Lire aussi : Walid Pharès : La démission de Hariri est « en phase » avec les objectifs des États-Unis)

 

Depuis ce week-end, le ton entre l'Iran et l'Arabie saoudite est encore monté d'un cran. Au cœur de la nouvelle dispute, le sort du Liban mais surtout du Yémen, en proie à un conflit où les deux poids lourds soutiennent des camps opposés et qui a provoqué une grave crise humanitaire. Le prince héritier saoudien a accusé l'Iran d'"agression militaire directe" après le tir samedi d'un missile vers l'aéroport de Riyad par les rebelles houthis du Yémen, soutenus par Téhéran. L'ambassadrice américaine à l'ONU Nikki Haley a aussi mis en cause le régime iranien. Réponse mercredi, en forme de mise en garde: s'ils jouent avec le feu, le Saoudiens vont se "casser les dents" contre la "puissance" iranienne.

"La fixation de +MBS+ sur l'Iran, sa guerre désastreuse au Yémen, sa vendetta contre le Qatar et cette purge extraordinaire" sont "des choix extrêmement risqués qui pourraient se retourner contre lui", estime Mme Slavin, qui juge "très inquiétant" le "soutien inconditionnel de Trump".

Quelles sont les motivations de ce soutien? Outre la cause commune contre Téhéran, "il a été flatté" par l'accueil reçu à Riyad, écoute son gendre et conseiller Jared Kushner qui a forgé des liens étroits avec Mohammed ben Salmane et "espère des contrats lucratifs pour les entreprises américaines", analyse cette chercheuse, au moment où le président américain courtise les Saoudiens pour qu'ils choisissent Wall Street pour l'introduction en Bourse du géant pétrolier Aramco.

"L'administration Trump a lié les Etats-Unis à l'impétueux jeune prince héritier", relève aussi Bruce Riedel, "et semble ne pas être consciente des dangers", qui "augmentent pourtant de jour en jour".

 

 

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