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Moyen Orient et Monde - Commentaire

Balfour : Un siècle de dépossession

Deux hommes observent les colonies juives de Ma’aleh Adumim, en Cisjordanie, le 23 janvier 2017. Thomas Coex/AFP

Des collectivités « non juives ». Voilà les mots qu'avaient choisis lord Balfour, il y a aujourd'hui un siècle, pour qualifier les Arabes de Palestine. Bien que largement majoritaires et historiquement enracinés sur la terre trois fois sainte, ils n'étaient identifiés que par la négative par celui qui offrait leur territoire, que la Grande-Bretagne ne possédait pourtant pas, à un autre peuple. Les juifs ne représentaient à l'époque que 7 % de la population palestinienne, mais cela n'a pas empêché le diplomate britannique d'assurer à lord Walter Rothschild, haut représentant de la communauté juive britannique, que « Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif ». Et de donner ainsi une caution diplomatique à un projet qui était jusqu'alors considéré avec scepticisme dans toutes les grandes chancelleries.

La déclaration Balfour a posé les jalons du futur État israélien. Elle a donné de l'espoir au mouvement sioniste, tout en ignorant complètement l'avis des Arabes de Palestine. En cela, elle a constitué la matrice du futur conflit israélo-palestinien, notamment marqué par la dépossession pour les Palestiniens de leur propre histoire. De Balfour à aujourd'hui, c'est comme si les Palestiniens n'avaient jamais eu de rôle à jouer – à l'exception de quelques intermittences – dans la fabrication de leur propre histoire.

 

(Lire aussi : Balfour : dans les coulisses de l'histoire)

 

Ce sont les pogroms pratiqués en Europe de l'Est et en Russie qui ont incité Théodore Herzl, le fondateur du mouvement sioniste, à militer pour la création d'un État pour les juifs. C'est la promesse d'un diplomate britannique qui a donné une impulsion supplémentaire à l'émigration vers la terre promise en pleine Première Guerre mondiale. Ce sont les Français et les Britanniques qui ont orchestré le dépouillement de l'Empire ottoman et se sont ainsi partagé le Proche-Orient, y compris la Palestine. C'est l'horreur de l'Holocauste qui va accélérer l'émigration juive vers la Palestine durant la Seconde Guerre mondiale. Ce sont les Nations unies qui vont décider de la création de l'État israélien et du plan de partage du territoire. Ce sont les capitales arabes, Le Caire, Damas, Amman, qui vont s'approprier la cause palestinienne pendant trois décennies et affaiblir, du fait de leurs divisions et de leurs arrogances, un peu plus les Palestiniens à chacune de leurs défaites. Ce sont les Américains, alliés à Israël, qui vont être amenés, en tant que superpuissance, à jouer le rôle d'arbitre du conflit et poser les termes de la solution. Ce sont les Iraniens qui utilisent aujourd'hui la carte palestinienne à leur profit, en finançant les factions armées qui menacent l'État hébreu au nom de la cause. Même la fameuse solution à deux États, à laquelle l'Autorité palestinienne continue de s'accrocher malgré la mauvaise volonté israélienne, est une idée européenne à la base.

 

(Lire aussi : Les regrets d'un descendant de l'auteur de la Déclaration Balfour)

 

Si les Palestiniens ont une part de responsabilité dans cette mise à l'écart permanente de leur propre histoire – notamment du fait de leur division –, ils sont surtout victimes de la façon dont l'Europe, puis les États-Unis ont abordé la « situation » depuis la déclaration Balfour : avec un déséquilibre en faveur de l'État hébreu, intimement lié à leur sentiment de culpabilité vis-à-vis des populations juives.
Certes, les Européens de l'Ouest et les Américains (avant l'arrivée au pouvoir de l'administration Trump) se sont récemment activés pour relancer le processus de paix tout en affirmant à l'unisson qu'il n'y avait pas d'autre solution que la création d'un État palestinien, aux côtés de l'État israélien. Certes, ces derniers ont condamné à plusieurs reprises la colonisation israélienne des territoires palestiniens qui rend impossible la création d'un futur État.

 

(Lire aussi : En Cisjordanie, Banksy organise une "cérémonie d'excuses" pour la déclaration Balfour)

 

Mais ils n'ont toutefois jamais semblé prêts à mettre collectivement la pression sur l'État hébreu afin de l'amener à négocier avec les Palestiniens, dans un cadre multilatéral où il ne lui sera plus possible d'imposer toutes ses conditions, et afin de briser ainsi un statu quo qui ne fait que renforcer les positions israéliennes tout en rendant la situation de plus en plus pernicieuse.
Roderick Balfour, banquier de 68 ans et arrière-petit-neveu de lord Balfour, confiait hier à l'AFP qu'il regrettait la mise en œuvre « déséquilibrée » du texte de son aïeul au détriment des Palestiniens. Mais rien ne sert aujourd'hui de regretter. Il y a plutôt une urgence à agir pour réparer ce « déséquilibre ».

 

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