Le 31 octobre, le président Michel Aoun aura bouclé sa première année à la tête de l'État. Le déroulement de l'élection houleuse au Parlement, avec le décompte à trois reprises des voix des députés, était un indice que ce mandat ne serait pas comme les autres, la personnalité même du nouveau président et son parcours hors normes étant porteurs d'espoir pour les uns, chargés de menaces pour les autres.
En cette journée mouvementée et si particulière, les uns ont senti que le rêve devenait enfin réalité, alors que d'autres cachaient mal leur mécontentement et leur appréhension. Mais tout le monde était d'accord pour estimer qu'une nouvelle page s'ouvrait pour le Liban. Aujourd'hui, un an après, l'humeur générale oscille entre la déception et la volonté de continuer à y croire. En un an, une nouvelle catégorie de Libanais est née, qu'on qualifie de « déçus du aounisme » et qui se répand en critiques sur « les promesses non tenues » et sur « le rendez-vous manqué avec le changement et la réforme ». Déchets, embouteillages, cherté de vie, crise économique et sociale, les dossiers s'accumulent, les revendications aussi, alimentant ainsi le malaise populaire, qui est aussi nourri par des parties politiques soucieuses de régler de vieux comptes avec le chef de l'État. Mais si ces critiques sont réelles et parfois fondées, elles ne dissimulent pas pour autant les points positifs qui ont été accomplis pendant l'année écoulée.
Il serait bon d'en rappeler quelques-uns à l'heure où de nombreux Libanais semblent se complaire dans un état de désenchantement.
L'élection présidentielle terminée, le nouveau locataire de Baabda s'est consacré à la formation du gouvernement. Les tractations ont pris moins de deux mois et le nouveau cabinet a vu le jour en décembre. À partir de là, la priorité du président était de commencer par le plus urgent qui touche le plus les citoyens, c'est-à-dire la situation militaire et sécuritaire. Il a donc commencé par les nominations militaires et sécuritaires avant de donner des instructions strictes pour que la plaie de la frontière syro-libanaise soit fermée définitivement. Le nouveau commandant en chef de l'armée et les nouveaux chefs sécuritaires ont eu besoin d'un peu de temps pour s'organiser, et la bataille a été menée au cours de l'été, en parallèle au démantèlement de nombreux réseaux terroristes et d'autant de cellules dormantes. En même temps, le cas du camp de Aïn el-Héloué est en voie de règlement par le biais de négociations avec les factions palestiniennes, simultanément à des mesures de sécurité renforcées autour du camp. Les Libanais ne s'en rendent pas vraiment compte, mais, dans un environnement aussi perturbé, la relative paix dont bénéficie leur pays est une bénédiction, qui n'est pas seulement divine, mais aussi le fruit des efforts des différents responsables militaires et sécuritaires, sur la base d'instructions présidentielles.
L'aspect sécuritaire et militaire réglé, le président a voulu rétablir l'équilibre dans les relations diplomatiques du Liban. Son concept de la politique de distanciation était d'établir des relations acceptables avec toutes les parties. Ayant été considéré comme proche de l'axe irano-russe en raison de l'alliance nouée avec le Hezbollah en février 2006, sa priorité était donc de rassurer l'Arabie. Sa première visite à l'étranger a donc été pour Riyad, suivie de trois autres pays arabes : la Jordanie, l'Égypte et le Qatar. Il s'est ensuite rendu à l'ONU puis en France, respectant ainsi la tradition des relations particulières entre Beyrouth et Paris. Il se rendra bientôt au Koweït et en Irak pour poursuivre sa tournée des pays arabes, montrant ainsi que la priorité est aux pays « frères ». Ce qui devrait aussi être de nature à rassurer ceux qui l'accusent de pencher vers l'Iran. Le président fait donc ce qu'il peut pour éviter un alignement du Liban sur un axe plutôt qu'un autre, dans une période particulièrement trouble et complexe. Son projet de créer au Liban un centre international de dialogue des cultures, des religions et des civilisations est aussi une manière de placer le pays au-dessus de la politique des axes régionaux et internationaux.
Sur le plan politique, le président a mis tout son poids dans la balance pour l'adoption d'une nouvelle loi électorale qui ouvre la voie au changement de la classe politique. Personne n'y croyait, et des rumeurs avaient même circulé sur un accord secret entre lui et le président du Conseil pour maintenir la loi de 1960. La réalité a démenti toutes ces rumeurs. La loi a peut-être beaucoup d'aspects négatifs, mais elle a le mérite de ne pas permettre des élections aux résultats connus d'avance. Et c'est là une grande première au Liban. Le bouillonnement politique actuel est d'ailleurs le résultat de l'angoisse qui étreint toutes les formations politiques relativement à l'issue des élections. Dans l'optique du président, le renouvellement de la classe politique par le biais d'élections législatives sur la base d'une loi différente de celles qui l'ont précédée est un moyen de lutter contre la corruption. Un autre moyen est l'adoption d'une loi sur le budget, qui consacre la relance des institutions.
Toutefois, en dépit de ces mesures logiques, le dossier de la corruption reste le plus important à régler. Michel Aoun a bien nommé un ministre d'État chargé de la Lutte contre la corruption, mais le travail accompli reste insuffisant. La corruption s'est institutionnalisée au Liban, où les pratiques miliciennes gangrènent désormais tous les secteurs de l'État. Mais il faut bien commencer quelque part. La démarche la plus logique était de procéder aux nominations judiciaires, car, sans un pouvoir judiciaire solide, on ne peut pas lutter efficacement contre la corruption. Ces nominations, ainsi que celles diplomatiques ont été réalisées, mais le pays étant entré en période de campagne électorale, il est désormais difficile de démêler le faux du vrai, l'attaque personnelle étant devenue un instrument électoral...
Pour certains, la déception est à la hauteur des attentes, mais un grand travail a quand même été accompli...
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commentaires (7)
Rien de profond n’a changer ... et le président seul NALLAIT JAMAIS POUVOIR FSIRE QUOI QUE SE SOIT SANS LES AUTRES ACTEURS POLITIQUES IL FAUT LE METTRE DANS LA TÊTE BASSIL NE SERA JAMAIS PRÉSIDENT DU LIBAN
Bery tus
17 h 03, le 30 octobre 2017