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Liban - Interview

Emmanuelle Lamoureux à « L’OLJ » : La politique féministe est au cœur de la diplomatie canadienne

L'ambassade du Canada célébrera, le 4 novembre prochain, les 150 ans du Canada au Forum de Beyrouth. Au programme, un événement festif, mais aussi de multiples stands d'information pour tous ceux qui sont intéressés par le Canada.

Parmi les objectifs majeurs d’Emmanuelle Lamoureux, nouvelle ambassadrice du Canada au Liban, le développement des relations bilatérales politiques, commerciales, culturelles et artistiques. Photo A.-M. H.

Une femme de terrain, de communication aussi, de journalisme même pour une courte période. Jeune, la quarantaine à peine. Optimiste. Affable. Rieuse. Mais surtout engagée jusqu'au bout des ongles dans la poursuite de la stratégie de son pays pour répondre aux crises en Syrie, en Irak et dans les pays avoisinants, et pour la lutte contre le terrorisme. Emmanuelle Lamoureux est la nouvelle ambassadrice du Canada à Beyrouth, depuis le 5 septembre dernier. « Ambassadrice », confirme-t-elle, même si ce terme était longtemps réservé aux épouses d'ambassadeur. « Je le reprends à mon actif. Pourquoi ne pas féminiser ? » lance-t-elle avec humour.

 

Rencontrer ces femmes qui font bouger les choses
Mme Lamoureux annonce déjà la couleur. Son intérêt personnel pour la cause féministe, certes. « Sauf que dans le code du Canada, c'est une politique », révèle-t-elle, faisant part de la politique étrangère féministe d'Ottawa d'aide au développement. « Nous sommes convaincus que pour se développer, pour arriver à un certain degré de croissance économique, pour arriver à une paix durable, un pays ou une société doit engager des femmes, soutient-elle. Et pour que des femmes puissent arriver à cet idéal de société, elles doivent être libres. Libres de leur corps, de leurs décisions, de décider comment profiter des opportunités économiques qui s'offrent à elles. » Ce discours n'a rien de nouveau pour la diplomate, mère de famille, venue au Liban avec son époux également dans la diplomatie et ses trois enfants. « Ce qui est nouveau par contre, c'est que cette politique féministe du Canada est désormais au cœur de la politique étrangère du gouvernement d'aide au développement », affirme-t-elle.

Sur le terrain, cela se traduit déjà par des visites de projets, des rencontres avec des femmes, des associations, parmi lesquelles Dar el-Amal qui vient en aide aux femmes marginalisées. « Je veux rencontrer ces femmes qui font bouger les choses au Liban. J'ai déjà demandé à mon équipe d'identifier des leaders femmes au sein de la société libanaise, leaders économiques, politiques, associatives... Nous allons les soutenir du mieux que nous pouvons », assure-t-elle, convaincue de la nécessité de procéder de manière graduelle et de continuer à aller de l'avant en dépit des difficultés.

Emmanuelle Lamoureux a hâte d'aller dans les régions, de se promener dans le Sud ou ailleurs, de rencontrer des gens pour mieux comprendre la société libanaise. Forte d'une « excellente » première impression, mais aussi d'expériences précédentes « attachantes » et « complexes » – universitaire en Équateur, professionnelle en Irak, familiale en Tunisie, liée aux enjeux sécuritaires en Afghanistan (où elle n'était pas physiquement présente) –, elle se dit frappée par l'intensité des relations interpersonnelles entre le Liban et le Canada. Chose qui lui donne l'impression qu'il y a des Canadiens à tous les coins de rue, « même dans les lieux les plus reculés du Chouf ». La même chose est vraie au Canada, où elle constate combien les Libanais sont visibles, actifs et bien implantés, combien ils contribuent à la société canadienne, dans tous les domaines. Qu'il s'agisse des 165 000 Libano-Canadiens (estimations de 2016), plus large groupe ethnique arabe au Canada, ou des Canadiens d'origine libanaise, deux à trois fois plus nombreux, qui ont immigré au Canada dès la fin du XIXe siècle.

 

(Lire aussi : Bussma, un centre d'aide aux jeunes d'Iqlim el-Kharroub en difficulté)

 

Élections législatives et enjeux de la campagne
Juste avant sa nomination à Beyrouth à son premier poste d'ambassadrice, Mme Lamoureux était directrice des relations avec les pays du Golfe, l'Irak et l'Iran. C'est dans ce contexte qu'elle a eu ses premiers contacts avec le Liban. « Mon équipe a développé la stratégie du Moyen-Orient que le Canada a annoncée l'an dernier. Une stratégie qui prévoit un investissement de 2 milliards de dollars sur trois ans (de 2016 à 2019) pour répondre aux crises en Irak, en Syrie et dans les pays avoisinants », explique-t-elle. « La majeure partie de la contribution canadienne au pays du Cèdre s'inscrit dans le cadre de cette stratégie. » Et ce dans les domaines liés à la diplomatie, au développement, à l'humanitaire, à la sécurité et la stabilisation (renforcement des capacités de l'armée libanaise, coopération en matière de contre-terrorisme). L'ambassade canadienne a aussi « pris du coffre, vu le nombre élevé de réfugiés syriens au Liban ». Plus de 80 personnes y travaillent actuellement, Canadiens ou locaux.

Également parmi les objectifs majeurs de la diplomate, le développement des relations bilatérales, politiques, commerciales, culturelles et artistiques. « Nous nous intéressons de près aux prochaines élections législatives, aux enjeux de la campagne, aux plateformes des différents partis politiques. » « Nombre d'électeurs se trouvent au Canada », fait aussi remarquer Emmanuelle Lamoureux. Il n'est certes pas question pour l'ambassadrice de s'immiscer dans les débats politiques nationaux. « Mais quand le Canada a des points de vue sur certains enjeux, il saura le faire connaître en privé par les canaux appropriés », assure-t-elle.

La question des réfugiés syriens ou irakiens (ou autres) fait aussi partie du processus. Après avoir accueilli 20 000 réfugiés irakiens, dont des groupes minoritaires persécutés comme les yazidis, « le Canada a déjà reçu près de 50 000 réfugiés syriens, dont 20 000 environ du Liban ». La phase de traitement rapide des demandes de réfugiés syriens est aujourd'hui terminée. Il y a moins d'urgence. « Mais les engagements annuels vont continuer. »

Concernant les préoccupations libanaises liées au retour des réfugiés syriens, Mme Lamoureux souligne qu'après un mois et demi de présence au Liban, elle « écoute et apprend ». Elle tentera d'avoir le point de vue du gouvernement libanais. « Je n'ai malheureusement pas de solution à proposer pour l'instant, j'estime en revanche qu'il faut trouver une voie du milieu entre les craintes de la population et du gouvernement libanais et la sécurité des réfugiés syriens qui ont fui des conditions terribles », soutient-elle.

 

La croissance pour tous
Quant aux échanges commerciaux, axés sur les secteurs agroalimentaire, pharmaceutique et les pièces de véhicule, leur volume plafonne à 150 millions de dollars par an. « Il y a lieu de faire davantage dans d'autres secteurs de pointe, comme les télécoms », note la diplomate, estimant que « la gouvernance peut parfois bloquer ces relations commerciales ». Elle reconnaît certes l'intérêt à rétablir la connexion aérienne directe entre Montréal et Beyrouth. « Mais sur base d'une nouvelle analyse de la situation, la décision a été prise de ne pas aller de l'avant, pour des raisons de sécurité nationale du Canada », explique-t-elle.
Mme Lamoureux regorge de nouvelles idées, elle ne manque pas d'évoquer le dossier « de la croissance inclusive, de l'environnement et du changement climatique » qui lui tient particulièrement à cœur. Autrement dit, de « la croissance qui bénéficie à tous, mais qui ne mine pas notre futur ». Car elle juge nécessaire de « faire bénéficier la population de la manière la moins polluante possible », dans le cadre du développement des énergies durables. « C'est le défi de tous les pays et du Liban en particulier, qui a un taux de chômage élevé, mais aussi un potentiel et des ressources remarquables », souligne-t-elle.

Chemin faisant, le Canada se prépare à célébrer son 150e anniversaire, le 4 novembre prochain, au Liban et dans le monde entier. Un événement qui va couronner une année de célébrations. « J'ai la chance d'être présente au Liban » pour cet anniversaire, constate Emmanuelle Lamoureux. Le 4 novembre prochain, le Forum de Beyrouth revêtira donc les couleurs canadiennes pour un événement public qui débutera à 16h30 par des activités et des jeux pour tous, enfants, jeunes et moins jeunes. Il se terminera aux alentours de 23 heures par un concert de musique donné par des groupes libanais qui interpréteront des succès canadiens. « Nous avons essayé de trouver le bon équilibre entre le côté festif et ludique d'une part et l'aspect information, pour les gens intéressés par le Canada. » Outre la projection de films et un buffet, des kiosques et des stands d'information seront donc à la disposition des candidats à l'émigration, des futurs étudiants et des investisseurs éventuels. « Venez nombreux le 4 novembre ! » lance l'ambassadrice, aux amis du Canada.

 

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