Le président Michel Aoun s'apprête à se rendre en visite officielle au Koweït puis en Irak, poursuivant ainsi une tournée régionale qu'il avait entamée en Arabie saoudite, en janvier dernier, et complétée par une double visite en Égypte, un mois plus tard, puis en Jordanie et plus tard au Qatar.
Selon notre correspondant diplomatique Khalil Fleyhane, les contacts se sont récemment intensifiés entre Baabda et le Koweït afin de fixer la date de la visite, prévue en principe au début du mois de novembre, et d'établir l'ordre du jour des discussions qui devraient s'articuler autour de deux points principaux, outre les traditionnelles relations bilatérales : le dossier des réfugiés syriens et la délicate question de la cellule terroriste Abdelli démantelée en 2015 au Koweït, dans laquelle l'émirat voit l'œuvre du Hezbollah et de l'Iran.
Le chef de l'État, qui reprendra donc son bâton de pèlerin, s'était fait un point d'honneur au début de son mandat de replacer le Liban sur l'échiquier international et de renouer notamment avec les monarchies du Golfe après des rapports tendus avec le Liban, à cause de l'implication du Hezbollah dans la guerre en Syrie et d'une campagne virulente menée par la formation chiite contre les pays arabes, qu'elle accusait de soutenir et de financer les jihadistes.
Son programme de voyages prévoyait également une visite en Iran où il avait été officiellement invité par son homologue iranien, Hassan Rohani, en août dernier, à la faveur de la visite à Beyrouth du vice-ministre iranien des Affaires étrangères chargé des pays arabes et africains, Hussein Jaberi-Ansari. Alors qu'aucune date n'avait été fixée pour la visite, selon des informations officieuses, elle devait intervenir avant la fin de l'année.
Le président Michel Aoun a cependant renoncé pour l'heure à envisager une visite à Téhéran, pour des considérations diverses, liées principalement aux développements qui s'accélèrent dans la région et aux pressions américaines qui s'accentuent sur le Liban à cause du dossier du Hezbollah.
Une série d'événements consécutifs à la visite en Arabie montrent que la politique du grand écart pratiquée par le CPL fondé par le général Aoun, qui essaie de concilier son alliance avec le Hezbollah et les impératifs d'une politique internationale qui combat le terrorisme, au sens général du terme, dans le cadre duquel elle place aussi le Hezbollah et l'Iran, n'a pas été à l'avantage du Liban.
Si la visite de Michel Aoun à Riyad avait largement contribué à réchauffer les relations libano-saoudiennes, l'Arabie ayant promis de débloquer son aide militaire au Liban et de nommer un ambassadeur à Beyrouth, l'engagement militaire du Hezbollah en Syrie et l'alignement du CPL sur ce parti a eu pour effet de mettre une sourdine aux promesses saoudiennes. Il serait aussi utile de rappeler que le roi Salmane ben Abdel Aziz avait annulé une visite officielle prévue en mars dernier à Beyrouth, après des propos tenus par la président Aoun à la télévision égyptienne, selon lesquels les armes du Hezbollah « complétaient la force de l'armée et ne la contredisent pas ».
Le don de trois milliards de dollars promis par Riyad pour l'achat d'armes françaises reste ainsi gelé et le général Mohammad Chahrani, nommé chef de la mission diplomatique saoudienne à Beyrouth, n'a toujours pas été affecté à son poste. Parallèlement, l'Arabie saoudite n'a pas encore accepté les lettres d'accréditation de l'ambassadeur du Liban, Fawzi Kabbara (nommé le 20 juillet à Riyad), sachant que, passé le délai de trois mois à partir de la date de nomination, Beyrouth se verra obligé de désigner un nouveau diplomate.
Dans le même temps, le ministre saoudien pour les Affaires du Golfe, Thamer al-Sabhane, menait une campagne systématique contre le Hezbollah. Pas plus tard qu'hier d'ailleurs, il s'est de nouveau déchaîné contre le parti de Hassan Nasrallah, sur son compte Twitter, affirmant que « le parti terroriste et ses instigateurs ne doivent pas s'attendre à ce que leurs sales pratiques contre le royaume (wahhabite) et les États du Golfe restent impunis ». « Le royaume coupera la main de quiconque lui portera atteinte », a-t-il ajouté.
Parallèlement à leurs pressions économiques qui devraient se manifester par l'aggravation des sanctions contre le Hezbollah et les effets d'une telle mesure sur l'économie libanaise, les États-Unis ont multiplié les signes politiques de mécontentement à l'égard du Liban, allant jusqu'à dénoncer la présence d' « agents du Hezbollah » au sein du gouvernement. Se rendre en Iran à l'heure où le gouvernement et la Banque centrale s'efforcent de convaincre les autorités américaines d'atténuer les pressions sur le Liban et qui interviendrait à l'heure où le bras de fer entre Téhéran et Washington, autour du dossier du nucléaire, est à son apogée, relève du suicide, observe-t-on de sources ministérielles.
Les conséquences d'une telle visite seraient inimaginables pour le Liban, selon les mêmes sources qui estiment que Baabda est conscient de la difficulté de la situation dans laquelle le pays est placé et souhaite éviter toute action qui lui serait préjudiciable et qui pourrait, surtout, sonner la fin politique du mandat.
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commentaires (10)
Voilà la souveraineté du Liban écornée par ses maîtres, les USA et le Royaume salafiste, qui l'empêche d'avoir des relations diplomatiques normales avec tous ses voisins, rivaux et partenaires. Que dirait-on si l'Iran ou la Russie interdisait au président de se rendre en A.S. ? Mais évidemment que cela ne se produirait jamais car à la différence de ces pays l'Iran respecte la souveraineté du Liban, quoi qu'on dise. Cela, c'est un fait incontestable, que la présente triste épisode démontre.
Jean abou Fayez
12 h 28, le 15 octobre 2017