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À La Une - Turquie

Reprise du procès de journalistes du quotidien anti-Erdogan Cumhuriyet

Au terme d'une première semaine de procès, fin juillet, un tribunal d'Istanbul avait décidé de remettre en liberté provisoire sept collaborateurs mais plusieurs piliers du journal sont toujours détenus.

L'édition du 11 septembre 2017 du quotidien turc Cumhuriyet. AFP / OZAN KOSE

Un tribunal turc devait se prononcer lundi sur le maintien en détention provisoire de cinq collaborateurs du journal d'opposition Cumhuriyet, jugés avec d'autres collègues lors d'un procès emblématique de l'érosion de la liberté de presse dans le pays.

Les cinq personnes, parmi lesquelles figurent plusieurs piliers du journal, comme son patron Akin Atalay, son rédacteur en chef Murat Sabuncu ainsi que le journaliste d'enquête Ahmet Sik et le chroniqueur Kadri Gürsel, ont comparu en état de détention provisoire lors d'une nouvelle audience du procès qui s'était ouvert fin juillet.
Un tribunal d'Istanbul avait alors décidé de remettre en liberté provisoire sept collaborateurs de Cumhuriyet arrêtés en octobre, dont le caricaturiste Musa Kart, mais exclu les cinq autres de cette mesure.

Lors de l'audience de lundi, le procureur a demandé leur maintien en détention, alors que les avocats de la défense ont réclamé leur remise en liberté durant le procès.

"Le traitement infligé à Kadri Gürsel, privé de sa liberté depuis 316 jours, est de la torture", a dénoncé l'un de ses avocats. "Dans ce procès, plus on creuse le dossier, plus de l'injustice en jaillit", a déclaré pour sa part le patron du journal. "Ce procès est une photographie la situation politique, sociale et judiciaire dans laquelle se trouve le pays". "Nous ne courberons jamais l'échine face aux pressions", a ajouté M. Atalay sur un ton de défi.

 

(Lire aussi : Pourquoi les États-Unis donnent-ils carte blanche à Erdogan ?)

 

Le rédacteur en chef Murat Sabuncu a pour sa part affirmé que "ce procès est malheureusement déjà entré dans les pages les plus sombres de l'histoire de la liberté de la presse".

Comme lors de son audience en juillet, le journaliste d'enquête Ahmet Sik a dressé un réquisitoire contre le parquet, qu'il a accusé de "récolter ses éléments d'accusation dans la presse proche du pouvoir".

Les accusés, tous vêtus d'une chemise blanche, ont été chaleureusement applaudis, et le président du tribunal, visiblement irrité, a menacé de faire sortir tout le monde du tribunal si cela se reproduisait.

Au total, 17 dirigeants, journalistes et autres employés actuels ou passés de Cumhuriyet, sont accusés d'avoir aidé diverses "organisations terroristes armées". Ils risquent jusqu'à 43 ans de prison.

Pour les défenseurs des droits de l'Homme, cette affaire traduit le déclin des libertés en Turquie depuis le putsch manqué du 15 juillet 2016, suivi de purges massives qui ont frappé les milieux critiques: élus prokurdes, médias et ONG.

 

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'La conscience tranquille'
"Je suis jugé pour mes activités de journaliste, et la seule chose que je demande aujourd'hui, c'est un procès équitable", a déclaré au juge M. Gürsel. "J'ai la conscience tranquille. Et s'il reste ne serait-ce qu'un tout petit peu de justice dans cette période où la justice est foulée aux pieds, je sais que je serai acquitté". Il a de nouveau catégoriquement rejeté les accusations de liens avec la mouvance du prédicateur exilé aux Etats-Unis Fethullah Gülen, désigné par Ankara comme le cerveau de la tentative de putsch. Ces accusations reposent sur la réception d'appels et de SMS de présumés gulénistes, laissés sans réponse.

Fondé en 1924, Cumhuriyet ("République"), l'un des doyens de la presse turque et auteur de plusieurs scoops qui ont irrité le président Recep Tayyip Erdogan, dénonce un procès visant à le réduire au silence. L'audience se tient à Silivri, près d'Istanbul, dans le deuxième sous-sol d'un tribunal adjacent à la prison de haute sécurité où sont écroués les journalistes.

"Ils sont jugés simplement parce qu'ils incarnent le journalisme digne de ce nom en Turquie et qu'ils ne diffusent pas la propagande du régime d'Erdogan", a affirmé à l'entrée du tribunal Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF).

Selon l'accusation, les collaborateurs de Cumhuriyet ont aidé trois "organisations terroristes" : les séparatistes kurdes du PKK, un groupuscule d'extrême gauche appelé DHKP-C et le mouvement de M. Gülen.

Parmi les accusés figure aussi Can Dündar, ex-rédacteur en chef de Cumhuriyet qui s'était attiré les foudres de M. Erdogan après avoir publié en 2015 un article affirmant qu'Ankara livrait des armes à des islamistes en Syrie. Exilé en Allemagne, il est jugé par contumace.

Selon le site P24, spécialisé dans la liberté de la presse, quelque 170 journalistes sont détenus en Turquie qui occupe la 155e place sur 180 au classement 2017 de la liberté de la presse établi par Reporters sans Frontières (RSF).

 

 

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