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Économie - Liban

Hydrocarbures offshore : les raisons du report de la remise des offres

Un consortium composé du français Total, de l'italien Eni et du russe Novatek s'apprête à déposer une offre. Un autre composé de l'indien ONGC Videsh, du turque TPAO, ainsi que de deux compagnies appartenant à des Libanais a demandé un délai supplémentaire pour pouvoir candidater.

Sur les 53 compagnies pétrolières préqualifiées, seules sept d’entre elles ont manifesté une volonté de candidater. Amir Cohen/Reuters

Annoncée jeudi, la décision du ministre de l'Énergie et de l'Eau, César Abi Khalil, de reporter du 15 septembre au 12 octobre la date de remise des offres pour l'attribution des licences d'exploration de cinq des dix blocs de la zone économique exclusive libanaise (ZEE) a soulevé plusieurs interrogations de la part de la société civile. Avant hier, M. Abi Khalil a simplement déclaré que la décision se basait sur une recommandation de l'Autorité de l'énergie (LPA, affiliée au ministère de l'Énergie), sans en communiquer les motivations.


Ce nouveau report s'ajoute à une longue liste d'ajournements successifs qui ont rythmé le processus d'appel d'offres depuis le lancement de la première phase de présélection des compagnies en 2013. Bloqué pendant quatre ans en raison d'une absence de consensus politique permettant l'adoption de deux décrets indispensables, l'appel d'offres a finalement été relancé en janvier dernier suite au vote de ces décrets par le gouvernement d'unité nationale de Saad Hariri. Le premier décret définit les coordonnées des dix blocs de concession prévus dans la ZEE du Liban et le second précise notamment les modalités du contrat-type d'exploration et de production devant lier l'État aux compagnies pétrolières.


En réaction aux interpellations de la société civile sur les réseaux sociaux, le président de la LPA, Wissam Chbat, a finalement publié hier sur son compte Twitter le courrier qu'il a adressé jeudi à M. Abi Khalil, explicitant les raisons de ce report. Le document invoque tout d'abord « les demandes formulées par de nombreuses compagnies préqualifiées de repousser le délai de dépôt des offres, afin qu'elles aient suffisamment de temps pour constituer des consortiums entre opérateurs et non-opérateurs, et pour compléter leurs offres techniques ».

 

« Une seule candidature sérieuse »
Mais, en réalité, ce report devrait aussi permettre à la LPA de recueillir davantage d'offres. Car sur les 53 compagnies pétrolières préqualifiées, seules sept ont manifesté une volonté de candidater. « Jusqu'à maintenant, nous n'avons qu'une seule candidature sérieuse. Il s'agit d'un consortium composé de deux opérateurs : la compagnie française Total et l'italienne Eni, et d'un non-opérateur : la russe Novatek », a confié à L'Orient-Le Jour une source proche du ministère de l'Énergie. « Un autre consortium mené par un seul opérateur, la compagnie indienne ONGC Videsh, a demandé un report de trois mois pour compléter son offre technique », a poursuivi la source précitée. ONGC Videsh compte s'associer à trois non-opérateurs : la compagnie turque Turkish Petroleum Corporation (TPAO) ; la libanaise CC Energy Limited ; et la compagnie britannique (appartenant à un investisseur libanais, NDLR) SOCO International. Par ailleurs, la compagnie indienne prévoit également de candidater à l'appel d'offres pour l'exploration et l'exploitation de 24 blocs au large des côtes israéliennes.


« Nous demandons aux autorités de publier officiellement des documents appuyant les arguments avancés pour justifier ce report. Nous devons savoir quelles sont les compagnies qui ont besoin de compléter leurs offres, et quel est l'état d'avancement de leurs candidatures. Sans ces informations, la société civile ne sera pas en mesure d'effectuer le contrôle du processus », s'est insurgé, auprès de L'Orient-Le Jour, la directrice exécutive de l'Initiative libanaise pour le pétrole et le gaz (LOGI), Diana Kaïssy.

 

(Lire aussi : Hydrocarbures offshore : comment améliorer la transparence ?)

 

Flou fiscal
Autre raison de ce report avancé par M. Chbat dans son courrier, « le vote du projet de loi sur les dispositions fiscales qui régiront le secteur du gaz et du pétrole offshore ». En effet, le projet de loi qui avait été adopté le 8 mars en Conseil des ministres est le premier point inscrit à l'ordre du jour des prochaines séances parlementaires prévues les 19 et 20 septembre. « Après la publication de la loi au Journal officiel, les compagnies devront se baser sur les nouvelles dispositions fiscales spécifiques au secteur dans l'élaboration de leurs offres », a poursuivi M. Chbat. « Si on avait permis aux compagnies de présenter leurs offres avant le vote de la loi fiscale, elles se seraient basées sur le régime fiscal général. Le gouvernement aurait dû par la suite négocier avec elles en vue d'appliquer la future loi (car une clause de stabilité est prévue dans le contrat-type, NDLR) », a expliqué la source proche du ministère de l'Énergie. Un risque que la LPA n'a pas souhaité prendre.


À noter, en outre, que si la loi fiscale spécifique au secteur n'est pas votée par la Chambre, des incertitudes subsistent aussi quant au régime fiscal général actuel. Une vingtaine de mesures fiscales votées le mois dernier au Parlement pour financer le relèvement de la grille des salaires, et déjà publiées au Journal officiel, sont suspendues depuis le 31 août par le Conseil constitutionnel (CC), qui étudie un recours en invalidation de la loi n° 45 prévoyant ces mesures. Il a jusqu'au 1er octobre pour rendre son verdict.


Aujourd'hui, les compagnies pétrolières doivent donc se préparer théoriquement à trois scénarios. À titre d'exemple, si le projet de loi sur les dispositions fiscales régissant le secteur des hydrocarbures offshore est voté, l'impôt sur les bénéfices des sociétés pétrolières sera de 20 %. Si ce projet de loi n'est pas voté, le régime fiscal général actuel prévoit un impôt de 15 % sur les bénéfices des sociétés de capitaux. Il sera en revanche relevé à 17 % si la loi n° 45 n'est pas invalidée par le CC.


« Il est judicieux de se demander si les compagnies jusque-là intéressées déposeront leurs offres après avoir réalisé des simulations prenant en compte les dispositions de la future loi fiscale régissant le secteur des hydrocarbures offshore », a prévenu la source au ministère de l'Énergie. « Ce projet de loi doit faire l'objet d'un débat public. La LPA doit aussi communiquer sur les raisons du retard du vote de cette loi et sur les dispositions qui sont en discussion », a de son côté insisté Mme Kaïssy.

 

 

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