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Économie - Liban

Grille des salaires : zoom sur les retombées de la suspension des taxes

L'effet suspensif du recours sur l'exécution de la loi n° 45 va avoir des conséquences contrastées, en fonction des mesures fiscales concernées.

La quasi-totalité des nouvelles mesures fiscales entrées en vigueur ne sont donc plus opposables aux contribuables jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel tranche. Photo ANI

Le Conseil constitutionnel (CC) a décidé hier de suspendre la loi n° 45 concernant l'adoption d'une série de mesures fiscales pour financer le relèvement de la grille des salaires des fonctionnaires, dans l'attente de la décision finale autour du recours en invalidation déposé la veille par neuf députés. Cette suspension vise plus précisément la mise en œuvre des nouvelles mesures fiscales qui étaient immédiatement applicables, suite à leur publication au Journal officiel le 21 août. La loi contenant la nouvelle grille des salaires (n° 46) n'est pas concernée.

Le Conseil constitutionnel, qui s'était réuni plus tôt dans la matinée, a fixé au 15 septembre la date de la publication de son rapport, qui doit être rédigé par l'un de ses membres, sur le recours. « Le Conseil bénéficie d'un mois pour rendre son verdict. La loi sera effective passé ce délai (si les juges ne réagissent pas, NDLR) », souligne l'avocat fiscaliste Karim Daher. Une fois rendue, la décision du CC est irrévocable et ne peut être rediscutée. Néanmoins, plusieurs observateurs craignent une répétition du scénario de 2013 se réitérer. Une dizaine de députés avaient déposé un recours en invalidation auprès du CC contre la loi de prorogation du mandat des parlementaires. Mais une partie des juges siégeant au CC et proches de certains partis politiques ne s'étaient pas présentés aux réunions du Conseil afin d'empêcher que le quorum ne soit atteint, bloquant ainsi toute possibilité pour cette instance de statuer avant l'écoulement du délai légal.

 

(Lire aussi : Samy Gemayel « fier » de la « révolution des institutions contre la jungle »)

 

Gel des taxes sur les cartes prépayées
Il reste qu'aujourd'hui, avec la décision du CC de suspendre la loi n° 45, la quasi-totalité des nouvelles mesures fiscales de la loi ne sont donc plus opposables aux contribuables, et ce jusqu'à ce que le Conseil tranche. Une situation qui va être source de difficultés, surtout si le CC décide, à l'issue de son examen, d'annuler tout ou partie des dispositions de la loi n° 45. « Dans ce cas-là, certains contribuables auront donc payé des taxes supplémentaires de façon indue. Ce sera au Parlement de réagir en votant une loi qui régularise cette situation, soit en considérant que toutes les sommes concernées sont acquises pour le Trésor, soit, situation beaucoup moins probable, en mettant en place un mécanisme qui légitime les prélèvements effectués a posteriori », expose une source proche du dossier.

Ce sera par exemple le cas pour l'augmentation de 2 500 livres libanaises (1,7 dollar) sur les reçus de téléphonie mobile que les opérateurs locaux ont commencé cette semaine à répercuter sur les recharges prépayées. Si le ministre des Télécoms, Jamal Jarrah, a bien appelé hier à geler cette hausse, ceux qui ont déjà payé leur recharge à un prix majoré de 1,7 dollar auront peu de chance de récupérer cette somme. Ce sera également le cas pour la majeure partie des taxes entrées en vigueur dès leur publication au Journal officiel ou dans les jours qui ont suivi, comme la hausse des prix des timbres fiscaux ; l'augmentation des frais grevant plusieurs documents officiels ; ou encore l'avance de 2 % sur la taxe grevant des contrats de vente de biens immobiliers à régler auprès du notaire dans les deux semaines suivant la signature de l'acte, entre autres.

 

(Pour mémoire : Retour sur les taxes qui doivent financer la grille des salaires)

 

Vacances de l'Adha
La suspension de la loi n° 45 va en outre être source d'importantes complications pour les compagnies aériennes, qui ont déjà rencontré les pires difficultés lors de la mise en œuvre des nouvelles taxes sur les billets d'avion au départ de l'Aéroport international de Beyrouth pour des destinations à plus de 1 250 km. Selon le Journal officiel, celles-ci sont fixées à 40 dollars (contre 33 précédemment) sur les billets en classe économie ; 73 dollars (au lieu de 46,5) pour les billets en classe affaires ; 100 dollars (au lieu de 66) pour les premières classes ; et 265 dollars pour les vols en jet privé. « En principe, ces taxes ne devraient plus s'appliquer sur les billets émis à partir d'hier. Le problème, c'est qu'elles ont été répertoriées dans les systèmes de réservation de vols peu après l'entrée en vigueur du texte et sont donc automatiquement incluses sur les prix des billets commercialisés depuis », explique le président du syndicat des agences de voyages, Jean Abboud. « Il n'est pas certain que la suspension des taxes puisse être immédiatement intégrée dans les systèmes de réservation, surtout que cette décision est survenue à la veille des vacances de l'Adha. Il y a donc un risque que des voyageurs qui achètent leur billet dans les prochains jours doivent malgré tout payer la taxe », déplore-t-il.

Les effets de la suspension seront en revanche plus limités dans certains cas. S'agissant, par exemple, des nouvelles taxes devant s'appliquer sur le prix de vente des alcools importés (15 % pour la bière, 25 % pour les spiritueux et 35 % pour les vins et le champagne), la décision du Conseil constitutionnel n'impacte que les importateurs dont les marchandises ont été expédiées après la date d'entrée en vigueur des taxes. « C'est ce que prévoit la réglementation douanière au Liban », assure l'importateur d'alcool Michel Abi Ramia. « Une cargaison de spiritueux expédiée par exemple le 20 août depuis un pays tiers sera taxée selon l'ancien barème qui prévoit une taxe fixe sur le litre, qui varie en fonction du type d'alcool importé », précise-t-il.

Enfin, la décision du Conseil constitutionnel ne changera pratiquement rien pour une partie des mesures prévues par la loi n° 45, comme le relèvement de la TVA d'un point (à 11 %) dont l'entrée en vigueur est prévue pour octobre par le texte ; les taxes sur le tabac (0,16 dollar sur le paquet de cigarettes et 0,33 dollar sur les boîtes de cigares), qui sont appliquées depuis mars par la Régie libanaise des tabacs et qui ne devraient pas être modifiées quel que soit le verdict du CC, selon le ministère des Finances ; ou encore les mesures qui ne s'appliqueront qu'à partir de l'année prochaine sur les revenus des contribuables tels que rapportés dans leurs déclarations annuelles de revenus pour 2017, selon Me Daher. Il en est de même pour la taxe de 15 % sur les plus-values immobilières que doivent payer les particuliers et qui est exigible dans les deux mois suivant la transaction, ou les amendes prévues pour les propriétaires de biens-fonds maritimes illégaux, la loi accordant à ces derniers un délai de trois mois pour régulariser leur dossier.

 

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commentaires (1)

SI DES BOYCOTTAGES SE REPETERAIENT AU CC LA JUSTICE DANS CE PAYS SERAIT TRIBUTAIRE DES CAPRICES DE TOUT CHACUN... ADIEU L,ETAT !

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 53, le 01 septembre 2017

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Commentaires (1)

  • SI DES BOYCOTTAGES SE REPETERAIENT AU CC LA JUSTICE DANS CE PAYS SERAIT TRIBUTAIRE DES CAPRICES DE TOUT CHACUN... ADIEU L,ETAT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 53, le 01 septembre 2017

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