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Des bilans et des trous

Toute victoire militaire, aussi claire soit-elle, a forcément un goût doux-amer. À l'intense soulagement de l'avoir emporté sur l'ennemi vient se mêler en effet la tristesse au décompte des sacrifices consentis à cette fin.

Telle est bien l'ambiance qui prévaut au Liban, au lendemain de cette aube qui a prêté son beau nom à l'opération lancée contre les bandes de l'État islamique. Minimales pourtant étaient, fort heureusement, les pertes humaines subies durant les combats par l'armée, et l'état-major de Yarzé mérite d'en être remercié. Terrible, dévastateur aura été, en revanche, l'impact qu'a eu la révélation d'une hécatombe que l'on pressentait : tragédie depuis longtemps prévisible, attendue, quasiment annoncée même, bien qu'à demi-mot, à savoir l'exécution par les terroristes des neuf soldats qu'ils détenaient en otages depuis trois ans.

Ainsi, tout un chacun aura spontanément partagé la douleur, l'indignation et la colère des familles de ces malheureux, au moment où se sont effondrées leurs folles espérances. Par tous les temps, ces pères et mères, frères et épouses campaient stoïquement sous une tente dans le centre-ville de Beyrouth : manière empreinte de dignité de marteler à la face des responsables un pathétique ne les oubliez pas. On venait épisodiquement les conforter, devant les caméras, en évoquant les fantomatiques médiations déployées, par le Qatar notamment, auprès des ravisseurs. Mais c'est à peu près tout. Car ces trois années durant, il n'a apparemment jamais été sérieusement question de donner l'assaut aux ravisseurs.

Le propos de ces lignes n'est évidemment pas de dénigrer les résultats d'une campagne qui a débarrassé le territoire national des terroristes de Daech. Mais sauver le soldat Ryan, cela n'arrive-t-il donc qu'au cinéma ? Ne sont-elles pas naturelles, légitimes, justifiées, l'indignation et la colère que suscite, auprès d'une large partie de l'opinion, le sauf-conduit délivré aux égorgeurs de militaires afin qu'ils regagnent leurs bases syriennes ? Et l'État libanais, premier concerné pourtant, ne fait-il pas fâcheusement figure de partenaire silencieux dans l'accord triangulaire d'évacuation négocié par le Hezbollah avec les terroristes et le régime de Damas ?

Les profanes que nous sommes ne sont pas seuls à (se) poser toutes ces questions. Dès les premiers jours de l'offensive – et il est revenu à la charge hier encore –, c'est l'ancien chef de l'unité des commandos qui déplorait sur les écrans de télévision la longue et funeste période d'inaction qui a suivi la capture, en 2014, d'une trentaine de militaires à Ersal, dont seize avait été libérés l'année suivante. Cependant, la surprise, absolument énorme, aura été de voir Hassan Nasrallah faire irruption dans la controverse pour dénoncer ce qu'il considère être la coupable inconsistance du pouvoir libanais de l'époque, gouvernement et Parlement confondus ; le leader du Hezbollah voudrait-il susciter un échange de blâmes entre politiques et militaires, qu'il ne s'y prendrait pas autrement. Et comme à plaisir, il a pris soin de préciser qu'il n'attendait aucune adhésion de l'État pour instituer une fête de libération de la Békaa : encore une...

Face à tant d'impériale éloquence, le mutisme des institutions peut-il encore être de mise?

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Toute victoire militaire, aussi claire soit-elle, a forcément un goût doux-amer. À l'intense soulagement de l'avoir emporté sur l'ennemi vient se mêler en effet la tristesse au décompte des sacrifices consentis à cette fin.
Telle est bien l'ambiance qui prévaut au Liban, au lendemain de cette aube qui a prêté son beau nom à l'opération lancée contre les bandes de l'État islamique....