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Liban - Droits du travail

Les enseignants du privé probablement écartés de l’échelle des salaires

Le Parlement serait en passe d'adopter une loi, dans le dos des salariés de l'école privée, juste après le congé de l'Adha.

Les enseignants ont manifesté pour leurs droits, durant de nombreuses années. Photo DR

En invitant les écoles privées et les enseignants au dialogue, le chef de l'État a semblé renvoyer dos à dos les deux protagonistes. L'initiative de Michel Aoun suscite ainsi nombre d'interrogations. Que veut dire le président par dialogue, alors que l'échelle des salaires, applicable aux enseignants du privé au même titre que ceux du public, a été publiée le 21 août au Journal officiel ? Est-il aujourd'hui question de revoir à la baisse les droits des enseignants de l'école privée après la menace de la Fédération des écoles privées, menée par le secrétaire général des écoles catholiques, le père Boutros Azar, d'augmenter les scolarités d'environ 27 % ?

Deux tendances se dessinent. D'une part, une volonté de l'État de décortiquer les finances des écoles privées, afin de tenter de contrôler la hausse annoncée des scolarités. D'autre part, l'idée de séparer les secteurs privé et public sur le plan de la législation fait son chemin au Parlement. Il se pourrait même qu'une loi revêtue du caractère de double urgence soit adoptée dans ce sens dès la prochaine séance parlementaire, après le congé de l'Adha. Dans ce cas, les administrations des écoles privées ne seraient plus contraintes d'appliquer à leurs enseignants la grille des salaires.

 

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Passer en revue les comptes des écoles privées
Interrogé sur les propos du chef de l'État, le ministre de l'Éducation Marwan Hamadé explique à L'Orient-Le Jour qu'il s'agirait « d'enclencher un dialogue entre les syndicats d'enseignants et les écoles privées », pour parvenir à un accord sur les modalités relatives à l'arrêt d'un contrat notamment, ou autres... Sur la question, il n'en dira pas plus, sauf qu'aux dernières élections syndicales, « Nehmé Mahfoud a été écarté de la direction » du syndicat des enseignants des écoles privées, après 5 ans de lutte acharnée pour les droits de ses confrères. « Le nouveau président du syndicat, Rodolphe Abboud, est le candidat du CPL », ajoute-t-il, laissant entendre que ce dernier se pliera aux décisions de son parti. M. Hamadé explique de plus que son ministère n'a « aucun pouvoir décisionnel sur le secteur privé ». « Nous sommes juste des arbitres dans le dialogue entre les parents d'élèves et les administrations. » Évoquant le conflit qui oppose aujourd'hui les deux parties sur la hausse annoncée des scolarités consécutive à l'adoption de la grille des salaires, M. Hamadé explique que ces augmentations doivent au préalable « être acceptées par les associations de parents d'élèves ».

Mais en cas de conflit ouvert, le ministre a décidé de prendre les devants, en concertation avec le directeur général de l'Enseignement, Fady Yarak. « Nous avons l'intention de passer en revue les comptes des écoles privées durant les cinq dernières années. Car le dialogue doit se baser sur des chiffres, indique-t-il. Nous estimons que l'impact de l'échelle des salaires sur les grandes écoles privées ne doit pas dépasser les 8 %. Or ces écoles annoncent des augmentations de l'ordre de 28 à 29 %. Sur les petites écoles, il pourrait atteindre 15 à 18 % environ. » Le ministère de l'Éducation a certes le pouvoir de se pencher sur les comptes des établissements scolaires. Et s'il ne peut trancher, il peut du moins « recourir au tribunal d'arbitrage qui réclamera un audit ». Pour ce faire, le ministère de la Justice doit au préalable effectuer les nominations judiciaires nécessaires. « Nous allons faire les choses rapidement », promet M. Hamadé.

 

(Lire aussi : Le point sur l’entrée en vigueur des nouvelles taxes)

 

 

Vers une convention collective pour les enseignants du privé ?
Également contacté par L'OLJ, Rodolphe Abboud fait part de ses craintes que les enseignants du secteur privé ne soient « écartés de la grille des salaires ». Suite à l'appel des écoles privées et principalement des écoles catholiques pour une séparation de la législation entre les secteurs public et privé, il se dit « certain » que le Parlement est en passe « de voter une loi dans ce sens, dans le dos des enseignants, immédiatement après les fêtes de l'Adha ». « C'est dangereux », estime-t-il, affirmant multiplier les contacts auprès des représentants du secteur privé « pour trouver des solutions ». « Nous, enseignants de l'école privée, voulons l'échelle des salaires (non seulement l'augmentation, qui ne dépasse pas 200 000 LL mais aussi les six échelons). Et nous sommes prêts à tout pour empêcher la séparation des législations. » Il fait alors part d'une « réunion » qui se tiendra prochainement pour mettre en place « une stratégie de travail ». La question qui se pose aujourd'hui est la suivante, observe le syndicaliste : « Sachant qu'on ne peut forcer les enseignants à céder, qu'en sera-t-il des députés ? »

Il est à parier qu'au Parlement, la question est à l'étude, en sourdine, depuis un certain temps. C'est ce que confirme à L'OLJ un député qui tient à garder l'anonymat. « Il y a en effet une possibilité que le Parlement adopte une loi dissociant l'une de l'autre les législations de l'enseignement public et privé », affirme-t-il. « Une proposition de loi est en cours de préparation, ajoute-t-il. Elle circule même depuis un certain temps. Elle sera visiblement adoptée lors de la prochaine séance parlementaire, après la fête de l'Adha, dans la foulée des lois revêtant le caractère de double urgence. » Et d'observer que la tendance semble « en faveur de son approbation par la majorité des députés ». Mais qu'adviendra-t-il du droit des enseignants du secteur privé ? « Des conventions collectives ou des contrats collectifs devront protéger leurs droits », assure le parlementaire. « Ce sera le travail des syndicats. » Il soutient en revanche que la législation telle qu'elle est « revêt un caractère anticonstitutionnel et viole la liberté contractuelle, comme l'estiment les juristes ». « Outre le fait que le législateur ne peut intervenir dans la sphère des contrats privés, cette loi constitue une intervention aberrante en matière éducative. »

Il reste à savoir comment réagiront les enseignants de l'école privée qui ont mené la bataille, durant des années, pour leurs droits et ceux de l'ensemble des fonctionnaires du public.

 

 

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En invitant les écoles privées et les enseignants au dialogue, le chef de l'État a semblé renvoyer dos à dos les deux protagonistes. L'initiative de Michel Aoun suscite ainsi nombre d'interrogations. Que veut dire le président par dialogue, alors que l'échelle des salaires, applicable aux enseignants du privé au même titre que ceux du public, a été publiée le 21 août au Journal...

commentaires (1)

Père Boutros Azar ????????????????????

RIGA Pavla

08 h 41, le 26 août 2017

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Commentaires (1)

  • Père Boutros Azar ????????????????????

    RIGA Pavla

    08 h 41, le 26 août 2017

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