Un mois après leur adoption par le Parlement, les deux lois entérinant respectivement la nouvelle grille des salaires de la fonction publique, ainsi que les mesures prévues pour financer les 793 millions de dollars qu'elle doit coûter, ont été promulguées hier par le président de la République, Michel Aoun.
« Ces lois, adoptées les 18 et 19 juillet, ont été directement publiées au Journal officiel (JO) après avoir été contresignées par le président, ce qui marque leur entrée en vigueur », a indiqué à L'Orient-Le Jour l'avocat fiscaliste Karim Daher. « De fait, toutes les mesures fiscales prévues dans la loi sont déjà opposables en principe, sauf si le législateur a différé leur application, pour des raisons techniques, par exemple », résume-t-il.
TVA en octobre
« C'est par exemple le cas du relèvement d'un point de la TVA, de 10 à 11 %, dont l'application est expressément programmée par le texte au trimestre suivant l'entrée en vigueur de la loi, donc à partir du 1er octobre », explique Me Daher. La hausse de la taxe sur les intérêts bancaires – qui passe de 5 à 7 % – sera, elle, exigible à partir de septembre, selon lui. « D'autres mesures ne s'appliqueront concrètement qu'à partir de 2018 parce qu'elles s'appliqueront sur les revenus des contribuables tels que rapportés dans leurs déclarations annuelles de revenus pour 2017 », poursuit Me Daher. Ce sera par exemple le cas du relèvement de 2 points de l'impôt sur les bénéfices des sociétés de capitaux (à 17 %) ; de l'imposition de 10 % sur la réévaluation des actifs des sociétés ; ou de l'annulation de l'exemption dont bénéficiaient certaines sociétés cotées à la Bourse de Beyrouth qui verront leurs revenus taxés à 10 % (au lieu de 5 %). « En revanche, la taxation de 15 % sur les plus-values immobilières réalisées par les particuliers – et d'autres catégories jusqu'ici exemptées comme les hôpitaux – sera exigible dans les deux mois suivant la réalisation de la transaction », expose Me Daher. Il précise en outre que les sociétés continueront d'inclure ces plus-values dans leurs prochaines déclarations annuelles.
(Pour mémoire : Les écoles catholiques exhortent Aoun à réviser l'échelle des salaires avant publication)
La majorité des autres mesures fiscales prévues par la loi sont en principe immédiatement applicables. C'est le cas de la hausse des timbres fiscaux ; de l'augmentation des frais grevant plusieurs documents officiels – extraits d'actes judiciaires, relevés de compte bancaire, etc. ; et des nouveaux frais grevant certains actes notariés – contrats de travail, copies certifiées conformes, etc. Sont également concernés : la taxe de 4 dollars sur la tonne de ciment produite ; la hausse des taxes sur les billets d'avion en classe affaires, en première classe, et en jet privé pour les vols vers des destinations à plus de 1 250 km de Beyrouth ; l'avance de 2 % sur la taxe grevant des contrats de vente de biens immobiliers à régler auprès du notaire dans les deux semaines suivant la signature de l'acte ; une taxation forfaitaire des conteneurs importés ; la taxe de 20 % sur les gains des loteries à partir d'un certain montant (6,6 dollars) ; et celle de 3,3 dollars que doivent régler les ressortissants étrangers entrant sur le territoire par voie terrestre.
Caractère de double urgence
Concernant les amendes prévues pour sanctionner l'occupation illégale de biens-fonds maritimes et qui sont calculées notamment en fonction de leur superficie, les propriétaires ont trois mois pour demander la régularisation de leur situation, qui doit se faire par décret. Les nouvelles taxes forfaitaires sur le prix de vente des paquets de cigarettes (0,16 dollar) et les boîtes de cigares (0,33 dollar) ont, quant à elles, été répercutées à partir de mars par la Régie libanaise des tabacs et tombacs.
Enfin, trois mesures adoptées pourraient être modifiées dès cette semaine par le Parlement, par le biais d'une loi revêtant le caractère de double urgence – une procédure applicable dans le cas où le texte que le législateur souhaite modifié serait déjà publié au JO. Ainsi, le nouveau mode de calcul des taxes sur l'alcool importé – passé d'une taxe forfaitaire au litre à un pourcentage sur le prix de vente final différent en fonction de la catégorie de boisson – pourrait être annulé ou modifié pour ne pas être en contradiction avec les traités commerciaux qui engagent le Liban. Les députés pourraient également rétablir les possibilités de déductions accordées aux professions libérales, voire aux banques, des mesures qui avaient provoqué une levée de boucliers des représentants de ces filières. Selon plusieurs sources concordantes, ce scénario a commencé à être envisagé par la présidence à l'issue de la réunion, le 14 août, entre M. Aoun et différents acteurs socio-économiques inquiets de l'adoption de nouvelles mesures fiscales dans un contexte économique qu'ils jugent défavorable. Si en revanche le Parlement déjoue les pronostics, la nouvelle taxe sur l'alcool s'appliquera directement, tandis que les suppressions de déduction devront être respectées par les contribuables lorsqu'ils déclareront leurs revenus.
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13 h 35, le 22 août 2017