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L’aboutissement des aventures guerrières

«Vouloir, c'est pouvoir », souligne le dicton populaire. Pour la seconde fois après la bataille de Nahr el-Bared, en 2007 – sans compter l'épisode de Abra, au Sud, avec le groupuscule de cheikh Ahmad Assir –, l'armée apporte la preuve qu'elle peut très bien affronter, seule, les défis et dangers, aussi complexes soient-ils, auxquels fait face le pays. Le principal obstacle qui se dresse sur la voie de la Grande Muette réside non pas dans ses capacités, sa détermination ou même son arsenal, mais dans le torpillage de son rôle qui viendrait de l'intérieur. Ce fut le cas dans les années 70 lorsqu'elle fut empêchée, sous la pression de parties locales, de réagir aux débordements des organisations palestiniennes. Ce fut le cas aussi lors de l'occupation syrienne lorsque Damas entravait de manière systématique l'émergence d'une armée capable d'imposer l'autorité du pouvoir central.
Dans le contexte présent, le cas de figure paraît plus pernicieux. Nous nous trouvons face à une tentative d'ancrer la troupe au projet politique – transnational, de surcroît – d'un parti théocratique qui s'inscrit dans une stratégie d'hégémonie régionale. Les forces régulières sont en effet entraînées aujourd'hui dans un combat qui est la conséquence directe de l'implication massive du Hezbollah dans la guerre en Syrie pour sauver le régime Assad et asseoir l'influence de la République islamique iranienne. C'est cette implication du parti chiite dans une bataille qui ne concerne en rien le Liban qui a constitué un aimant attracteur à l'implantation des jihadistes sunnites dans le jurd de la frontière avec la Syrie. Et aujourd'hui, c'est l'armée qui est appelée à réparer les dégâts.
Comble du cynisme, le parti pro-iranien tente de nier à cette même armée, et d'une manière générale à l'État central, le monopole de la violence légitime en prônant avec acharnement le triptyque « armée-peuple-résistance ». Un triptyque qui constitue tout un programme, en ce sens qu'il ôte dangereusement à la légalité constitutionnelle la décision stratégique de guerre et de paix.
L'enjeu sur ce plan dépasse largement les impératifs du respect de l'autorité étatique. Il se situe plutôt au niveau de la place particulière que devrait occuper le Liban dans cette partie du monde. Car depuis pratiquement la fin des années 60, le pays est entraîné, sous l'effet du jeu politique de certaines factions locales, dans des conflits régionaux successifs qui le dépassent et sur lesquels il n'a aucune prise. Les combats qui se déroulent aujourd'hui dans le jurd de Ersal, de Qaa et de Ras-Baalbeck constituent l'aboutissement de la dernière en date de ces tentatives d'hypothéquer la décision du pouvoir central libanais.
Dans les années 60, la Ligue arabe avait reconnu au Liban un rôle de « pays de soutien » dans le conflit arabo-israélien, par opposition aux « pays de confrontation » qu'étaient l'Égypte, la Syrie et la Jordanie. Depuis, un bon nombre de pays arabes – y compris les Palestiniens – ont conclu des accords de paix avec Israël, ou sont de collusion avec l'État hébreu, ou collaborent d'une façon ou d'une autre en coulisses avec lui. Depuis le début des années 70, le Liban est pratiquement, dans les faits, le seul pays de confrontation avec Israël. Aujourd'hui, après un demi-siècle de sacrifices et d'épreuves meurtrières pour des causes étrangères dont il n'a cure, le Libanais est indéniablement en droit d'accorder désormais sa priorité au développement global, à l'essor économique, au bien-être social, à la reconstruction de ses infrastructures, à la sauvegarde du vivre-ensemble, au lieu d'être impliqué dans la « libération » de Sanaa, Alep, Idleb et Homs – pour ne citer que quelques exemples – ou, pire encore, de s'immiscer dans des luttes de pouvoir et des actions de déstabilisation au Koweït, à Bahreïn ou aux Émirats, et, auparavant, en Égypte, en Bulgarie et à Chypre, entre autres.
L'expérience passée des nombreuses années de guerre qu'a subies le Liban a apporté la preuve du caractère stérile des alliances extérieures, par essence éphémères et tributaires d'un quelconque bouleversement de conjoncture régionale. Au lieu de poursuivre encore plus les aventures guerrières douteuses aux horizons nébuleux, ne serait-il pas temps de tenter l'option d'une neutralité positive et constructive (en conformité avec la déclaration de Baabda) afin de pouvoir repenser profondément la nature des rapports entre les diverses composantes du tissu social libanais ? Cette paix civile restaurée permettrait alors de gérer sur des bases équilibrées et durables le pluralisme libanais, déjà suffisamment fragilisé par l'ouragan qui s'est abattu sur la région.

«Vouloir, c'est pouvoir », souligne le dicton populaire. Pour la seconde fois après la bataille de Nahr el-Bared, en 2007 – sans compter l'épisode de Abra, au Sud, avec le groupuscule de cheikh Ahmad Assir –, l'armée apporte la preuve qu'elle peut très bien affronter, seule, les défis et dangers, aussi complexes soient-ils, auxquels fait face le pays. Le principal obstacle...

commentaires (6)

Merci, Monsieur Michel Touma, d'être 100% libanais, de penser 100% libanais ! Merci aussi de rappeler bien clairement tous les faits qui ont failli détruire notre patrie ! Irène Saïd

Irene Said

17 h 24, le 22 août 2017

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • Merci, Monsieur Michel Touma, d'être 100% libanais, de penser 100% libanais ! Merci aussi de rappeler bien clairement tous les faits qui ont failli détruire notre patrie ! Irène Saïd

    Irene Said

    17 h 24, le 22 août 2017

  • Merci Mr de dire les choses telles quelles !! Je l'ai aussi tjrs dit

    Bery tus

    14 h 59, le 22 août 2017

  • Le triptyque en carton pâte n'existe plus, il est comme le V de Yasser Arafat, il n'existe plus, il a disparu avec lui.

    Un Libanais

    11 h 34, le 22 août 2017

  • Effarant ce qu'on lit. A croire que la mémoire défectueuse peut aider à sauver des erreurs et des contre vérités dites aussi effrontément. On dirait que le parti qu'on accuse de tous les maux, tout simplement parce qu'il a sauvé le sud Liban des envahisseurs commet le crime ultime de ne pas capituler face à lui. Effarant. A oublier au plus vite.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 34, le 22 août 2017

  • SUPERBEMENT DIT ! LES AVENTURIERS ET LEURS AVENTURES GUERRIERES DICTEES ET TELEGUIDEES PAR L,ETRANGER ET POUR SON COMPTE SONT LES MAUX DONT SOUFFRENT LE LIBAN ET LES LIBANAIS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 40, le 22 août 2017

  • Merci Monsieur Touma de dire les choses aussi clairement et aussi simplement

    COURBAN Antoine

    09 h 20, le 22 août 2017

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