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Liban - CULTURE

L’Italie souhaite investir dans la préservation du patrimoine libanais

Dix entreprises transalpines ont effectué une tournée à Tyr et Baalbeck pour exposer leurs techniques de restauration des sites archéologiques.

Les démonstrations du mercredi à Baalbeck et jeudi à Tyr concernaient la sécurisation des sites archéologiques et le renforcement de leurs structures en profondeur (Photo Chloé Succar)

Massés devant l'entrée du site archéologique de Tyr, une trentaine d'architectes, archéologues et entrepreneurs spécialisés dans la restauration du patrimoine archéologique libanais suivent attentivement la démonstration de l'entreprise italienne Kairos. Sous une chaleur caniculaire, ses représentants sont venus présenter, jeudi après-midi, le Nano Ibix 3, un appareil électronique destiné à évaluer la température et l'humidité de la pierre avant de la travailler. « Cette technique n'existe pas au Liban », souffle en connaisseur Jean Yasmine, responsable de la rénovation du patrimoine pour le Conseil du développement et de la restructuration (CDR).

Kairos fait partie des dix entreprises italiennes venues la semaine dernière à Tyr et Baalbeck pour partager leurs techniques de rénovation des sites archéologiques avec les professionnels locaux du secteur. Ce déplacement était organisé par l'Agence italienne du commerce (Italian Trade Agency-ITA), l'office du ministère italien du Développement économique, en collaboration avec Assorestauro, l'association italienne pour l'architecture, l'art et la restauration urbaine. Le CDR y était également représenté du moment qu'il gère le projet CHUD (Cultural Heritage and Urban Development), une initiative du gouvernement libanais qui, avec le soutien de la Banque mondiale, de l'Agence française de développement et du Bureau de la coopération italienne, tend à protéger et à réhabiliter des sites archéologiques et des centres urbains historiques choisis, tels que Tripoli, Jbeil, Saïda, Baalbeck et Tyr. « L'objectif est avant tout celui de développer l'attractivité touristique du pays, affirme Jean Yasmine. Ainsi, le CDR fait la promotion de projets tels que celui-là et se veut créateur des conditions d'une collaboration future entre Libanais et Italiens. Le séminaire de 2016 a déjà porté ses fruits avec la restauration (technique de nettoyage au laser) du temple de Bacchus, à Baalbeck. »
« Le Liban manque de main-d'œuvre suffisamment formée aux nouvelles techniques de restauration », concède Francesca Zadro, directrice de l'ITA à Beyrouth. L'Italie est reconnue comme l'un des pays les plus performants en matière de rénovation patrimoniale. Venu spécialement de Beyrouth pour l'occasion, l'architecte Charles Hajj considère cette visite comme une aubaine : « Il est très intéressant de pouvoir se sensibiliser à ces nouvelles techniques », confie-t-il.

Les démonstrations du mercredi à Baalbeck et jeudi à Tyr concernaient la sécurisation des sites archéologiques et le renforcement de leurs structures en profondeur. Parmi les techniques et les matériaux présentés sur les deux sites : l'injection dans les joints de résine d'époxy à base de silicate, dont la qualité est plus pure, plus durable et qui sèche plus vite ; des produits à base de fibre de verre, etc. Des matériaux majoritairement importés par le Liban et un travail qui se veut avant tout celui du renforcement et de la stabilisation de structures préexistantes, plutôt qu'une reconstruction du bâti. « Une restauration douce », souligne Mme Zadro. L'intérêt pour les Libanais est que les Italiens travaillent dans des conditions climatiques similaires à celles du Liban et peuvent offrir des conseils plus adaptés.

 

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Proposer des solutions innovantes
À Tyr, les professionnels libanais ont aussi pu découvrir le biocida, un liquide destiné à lutter contre la prolifération du lichen, mais aussi le silicate d'éthyle, qui permet de consolider la roche. « Nous voulons sensibiliser à plusieurs niveaux de compétences », souligne Cecilia Zampa, directrice d'Assorestauro. « Nous rencontrons de gros problèmes de maintenance, soupire le directeur du site de Tyr, Ali Badaoui. Nous avons par exemple du mal à lutter contre l'humidité, mauvaise pour la pierre. » Les sites archéologiques attirent chaque année des millions de visiteurs. Leur mauvais entretien représente une menace financière d'envergure. « Il est impératif d'en prendre soin », insiste Jean Yasmine.

Les limites affichées par les professionnels libanais représentent une opportunité économique pour les entreprises italiennes. « Nous manquons de réseaux commerciaux ancrés au Moyen-Orient, souligne Francesca Zadro. C'est une chance pour nous. Mais attention, l'Italie n'est pas juste là pour vendre ses produits et repartir. Nous avons à cœur d'établir une collaboration sur le long terme. »

« Notre but, soutient Diego, ingénieur italien au sein de la société Kimia et partenaire d'Assorestauro, est de proposer aux ingénieurs, architectes et restaurateurs libanais des solutions innovantes selon trois mots d'ordre : durabilité, compatibilité, réversibilité. » Car les sociétés publiques et privées libanaises ont beau importer de nouveaux produits, elles continuent à faire face à un manque de formation des Libanais aux techniques adéquates. « Ce qu'il nous manque, ce sont des sous-traitants qualifiés qu'on espère trouver parmi les sociétés venues » la semaine dernière, confie Joseph Brakhya, architecte libano-australien.

Les deux camps ont tenu une réunion vendredi dans l'après-midi, à l'hôtel Riviera de Beyrouth, pour évoquer la signature de potentiels contrats. Non moins de 115 architectes, archéologues et entrepreneurs dans les travaux publics libanais ont rencontré, en tête à tête, les représentants italiens. Le matin, tous avaient assisté à la présentation de projets de rénovation qu'engageront bientôt l'Unicef (Fonds des Nations unies pour l'enfance), la DGA (Direction générale des antiquités) et l'Agence de développement et de coopération italiennes, en charge des projets bilatéraux menés avec le Liban. Le travail d'Assorestauro en partenariat avec la DGA est indispensable dans la mesure où toute entreprise de restauration architecturale nécessite l'accord de celle-ci. « La DGA a, en effet, un rôle de suivi logistique et technique de tous les projets touchant aux sites historiques et culturels du Liban », explique Khaled Rifaï, responsable de la restauration et de la conservation des monuments archéologiques et historiques du Liban à la DGA. C'est lui qui a accompagné la délégation à Baalbeck. « Prenez l'ancien siège du ministère de la Culture. Un projet de restauration de cette bâtisse a été validé par la DGA et vise à en transformer une partie en musée de l'artisanat, et une autre, confiée à la municipalité de Baalbeck, en librairie publique », précise-t-il.

La délégation italienne devrait revenir dès le mois de septembre pour juger de l'avancement des partenariats. Elle évoquera aussi le lancement d'une collaboration pédagogique. « Nous voulons envoyer des professeurs dans les universités libanaises qui possèdent les cursus spécialisés, indique Cecilia Zampa. Nous souhaitons aussi recevoir leurs étudiants. » Le Liban n'est pas la seule cible de l'association. Elle rêve déjà de travailler chez le voisin syrien, qui possède de nombreux sites archéologiques mondialement reconnus. « Ça serait un travail intéressant », lâche la chef d'entreprise italienne. Et énorme, dans un pays ravagé par la guerre depuis 2011.

 

 

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