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Liban - Faune et flore

Les chauves-souris : le mal que Dracula leur fait...

Une chauves-souris vue de près pour examen par des experts. Photo Mounir Abi Saïd

Parler des chauves-souris, dont vingt espèces sont natives du Liban et de la région, comme d'animaux très bénéfiques à l'écosystème, est une véritable gageure tant ces mammifères font l'objet d'idées préconçues tout à fait fausses par ailleurs. Ces espèces, dont l'écrasante majorité se nourrissent d'insectes, sont en effet plus bénéfiques pour la nature et pour les cultures de l'homme que celui-ci ne voudra jamais reconnaître. Grand connaisseur de ces mammifères nocturnes, Mounir Abi Saïd, expert en gestion de la biodiversité, professeur à la faculté des sciences de l'Université libanaise (UL) et directeur du refuge d'animaux sauvages « Animal Encounter » à Aley, énumère les multiples menaces dont souffrent ces animaux du fait de l'incompréhension de l'homme, ce qui les met à la limite de l'extinction.

Noms scientifiques :
Il y a non moins de vingt espèces de chauves-souris au Liban, dont les plus communes sont :
– quatre espèces de rhinolophes, Rhinolophus
– la roussette d'Égypte, Rousettus aegyptiacus
– deux espèces de pipistrelles, dont la pipistrelle commune Pipistrellus pipistrellus
– deux espèces de minioptères, dont le minioptère de Schreibers, Miniopterus schreibersii.

Description :
Avant de décrire ces différentes espèces de chauves-souris dont le Liban est riche, il faut commencer par dire ce qu'elles ne sont pas. Contrairement aux croyances populaires, les chauves-souris ne s'accrochent pas aux cheveux : bien au contraire, équipées d'un système d'écholocation qui leur permet de se diriger la nuit, elles peuvent éviter facilement les têtes humaines. Si de très rares accidents ont été recensés, c'est parce que l'animal n'utilise parfois pas ce système au sortir des grottes la nuit. De plus, les chauves-souris ne sont pas aveugles : elles ont un système de vision comparable à celui des humains, c'est-à-dire qu'elles voient le jour et pas la nuit.
Peut-être que l'idée préconçue qui fait le plus de mal à ces mammifères veut qu'ils soient suceurs de sang, une croyance populaire exacerbée par le mythe de Dracula. Mounir Abi Saïd précise qu'il y a près de 1 200 espèces dans le monde, et que seules trois espèces vivant dans les forêts tropicales en Amérique du Sud sont habituées à sucer le sang... des animaux malades et non des humains. Ces animaux ne transmettent par ailleurs la rage que dans des cas minimes (1 % de la totalité des cas recensés)... bien moins que les chiens et les chats, pourtant si populaires.
Pas nécessaire donc d'avoir peur de ces animaux plus sympathiques qu'ils n'en ont l'air de prime abord : ce sont, après tout, les seuls mammifères sur terre pouvant voler, d'où leur dimension généralement très réduite (quelques grammes à peine pour les pipistrelles par exemple ; la roussette, qui est la plus grande, atteint les 200 grammes). Avec les hérissons, il s'agit aussi des seuls mammifères qui hibernent au Liban.

Mode de vie et d'alimentation :
Les chauves-souris que l'on trouve au Liban sont toutes insectivores, à part la roussette d'Égypte qui est frugivore (se nourrit de fruits). Ces mammifères sont nocturnes, ils sont actifs généralement deux heures en début de nuit puis deux autres heures vers l'aube.
Par rapport à sa taille réduite et son poids minime, la chauve-souris a une longévité importante, pouvant atteindre les trente ans. Son système de reproduction est assez lent, avec une moyenne d'un petit par an, d'où le fait que ces espèces ne peuvent se régénérer facilement en cas de baisse importante de la population. Certaines espèces, comme les roussettes, vivent en groupe, alors que d'autres chassent individuellement, comme les pipistrelles.

Lieu de prédilection :
C'est surtout dans les grottes que vivent les chauves-souris, même si certaines préfèrent les arbres et d'autres les maisons abandonnées. À titre d'exemple, les rhinolophes se divisent entre les grottes et les maisons abandonnées, les pipistrelles ont une préférence pour les rochers poreux, et les roussettes pour les caves ouvertes.

Impact positif en milieu naturel :
Si les chauves-souris sortent la nuit, c'est tout au bénéfice de l'homme, qui devrait mettre ses superstitions de côté pour mieux apprécier leur action. En effet, contrairement aux espèces d'oiseaux qui, pour la plupart, chassent les insectes de jour, la chauve-souris se nourrit des insectes nocturnes qui, sans sa présence, auraient proliféré et nui aux cultures. Chasser la nuit permet par ailleurs à ces animaux d'éviter la concurrence des oiseaux. Le nombre d'insectes dévorés par chaque chauve-souris la nuit est conséquent, allant jusqu'à 3 000 par individu !
Même les chauves-souris frugivores ne sont pas considérées comme des nuisances, étant donné qu'elles ne mangent pas le fruit sur place, ne laissant pas de traces de son passage, mais qu'elles l'emmènent pour le consommer au loin, jetant les graines à terre, ce qui contribue au reboisement.

Menaces et dangers :
Les chauves-souris, surtout habituées aux grottes, sont particulièrement touchées par la destruction d'habitats (urbanisation et carrières sauvages, notamment), ou par leur pollution par les eaux usées par exemple. À titre d'exemple, la destruction d'une grotte à Berkayel a fait disparaître d'un coup une colonie de près de 7 000 chauves-souris, qui trouveraient difficilement un autre gîte et pourraient mourir en route, insiste l'expert.
Évidemment, leur mauvaise réputation les rend vulnérables aux actions violentes de la part des humains : il est parfois arrivé que des individus les enferment et les incendient dans des grottes par exemple. Les pesticides qu'elles ingurgitent en même temps que leur nourriture leur portent également préjudice. Même l'écotourisme non étudié et non réglementé peut leur poser problème : quand des amateurs (et non des spéléologues, par exemple) se promènent dans des grottes, notamment l'hiver, ils peuvent les réveiller et les déranger, compromettant leur survie durant la saison froide.

Moyens de protection :
Selon Mounir Abi Saïd, la préservation de ces espèces, cruciales pour notre écosystème, est devenue urgente, alors que les experts constatent une baisse substantielle de leur nombre au Liban. Cette préservation passe en premier lieu par des campagnes de sensibilisation pour balayer les idées préconçues. D'où le fait que le refuge qu'il dirige à Aley, « Animal Encounter », organise chaque année une « nuit de la chauve-souris », pour familiariser le grand public avec ces animaux incompris. Cette année, la « nuit de la chauve-souris » aura lieu les 5 et 6 août*.
Il faut aussi, pour mieux les protéger, préserver leurs habitats, ce qui passe par une réglementation de l'urbanisation et, surtout, des carrières.

* Pour y participer, appeler Mounir ou Diana Abi Saïd aux : 03-667354/5

 

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