Les réfrigérateurs de la morgue de Mossoul, en Irak, sont presque saturés, remplis des dépouilles de victimes de la guerre contre l'organisation Etat islamique.
Les employés de la morgue doivent quotidiennement identifier les victimes, toujours plus vite, pour faire place à des nouveaux cadavres amenés par des habitants, chargés de nettoyer les rues de la ville après neuf mois de guerre.
La bataille de Mossoul est terminée, mais celles du nettoyage et des identifications ne font que commencer. "Beaucoup trop de sang a coulé", raconte une employée de la morgue, qui préfère rester anonyme. "Normalement, l'Irak a deux fleuves: le Tigre et l'Euphrate. Aujourd'hui il y en a un troisième, un fleuve de sang."
On ne connaîtra sans doute jamais le bilan total des victimes au cours de cette bataille. La morgue et les sauveteurs disent recevoir actuellement en moyenne 30 à 40 corps par jour. la plupart sont ceux de personnes tuées dans les bombardements visant à déloger les jihadistes.
"Il y a plus de victimes que ce nous attendions", constate le docteur Modhar al-Omary, directeur de la morgue, située dans la partie orientale de Mossoul. "Nous espérons que les flux vont se tarir, mais pour l'instant rien n'y fait."
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Retrouver les corps
La protection civile est chargée de retrouver les corps parmi les décombres. "Cette odeur, je n'en peux plus", soupire le lieutenant colonel Rabia.
La recherche des corps peut parfois être mortelle. La semaine dernière, une bombe ensevelie sous les ruines a explosé, tuant un membre de la protection civile qui tentait d'extraire un corps.
Leur misère ne s'arrête pas là : ils ne sont pas rémunérés depuis que le gouvernement a gelé les salaires des personnes travaillant dans les régions contrôlées par l'EI. "Si personne ne le fait, qui le fera ?", explique Ahmed Abdoulkader. Pourquoi travailler s'ils ne sont pas payés ? "Nous le faisons pour notre pays", rétorque-t-il.
Un corps non identifié est conservé pendant un certain temps à la morgue. Si personne ne le réclame, la dépouille est prise en photo avant d'être enterrée avec un numéro, afin d'être retrouvée facilement si un proche vient plus tard.
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Certificats de décès
Le statut des personnes tuées au cours des trois années de terreur de l'organisation Etat islamique reste ambigu. La plupart d'entre elles ont été enterrées de manière informelle. D'autres ont reçu des certificats de décès délivrés par l'EI, qui ne sont pas reconnus par les autorités irakiennes. Sans un certificat officiel, les proches des victimes n'ont pas droit à une indemnisation de l'Etat. Pour en obtenir une, le corps doit être exhumé pour qu'on puisse vérifier son identité.
Le frère de Yassin Adboullah est mort en février. Une voiture a explosé devant chez lui, dans les quartiers ouest. Il a été enterré dans la cour d'une école près de chez lui, car le chemin jusqu'au cimetière est trop risqué. L'école a rouvert aujourd'hui, mais Abdoullah n'a pas encore reçu une autorisation de la justice pour déterrer son frère. "Comment vais-je garantir les droits de mon frère et ceux de ses enfants ?", se demande-t-il.
Les autorités veulent vérifier que les victimes ne sont pas d'anciens jihadistes, à qui elles ne délivreront aucun certificat. Les cadavres des membres de l'EI sont mis de côté, afin qu'ils pourrissent au soleil, déclare Aymad Abdelhammad, un membre de la protection civile. "Il y a des animaux affamés dans les environs, ils peuvent les manger."
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