Rechercher
Rechercher

Liban - SIT-IN

Les familles des militaires otages de Daëch à bout de nerfs

Les protestataires se disent sérieusement prêts à l'escalade.

Les familles des détenus, hier, place Riad el-Solh. Photo Hassan Assal

Ils sont de nouveau dans la rue, mais, cette fois-ci, épuisés et amoindris par la maladie, la souffrance et la lassitude auxquelles est venu s'ajouter le dégoût.

Les parents et proches des neuf militaires libanais détenus depuis 2014 par l'État islamique (Daëch) sont retournés hier à la place Riad el-Solh pour lancer un nouveau cri de douleur et interpeller, une fois de plus, l'État. Le sort des soldats disparus reste, trois ans plus tard, aussi inconnu qu'aux premiers mois de leur disparition.

Abdel Rahim Diab, Hussein Mahmoud Ammar, Ibrahim Samir Mghayt, Khaled Mokbel Hassan, Mohammad Hussein Youssef, Seif Zebiane, Ali Hajj Hussein, Ali Zayd el-Masri et Moustapha Wehbé avaient été pris en otages par l'EI en août 2014 lors d'affrontements à Ersal (Békaa), non loin de la frontière avec la Syrie, entre l'armée libanaise et les jihadistes de l'EI et de Fateh el-Cham (ex-Front al-Nosra). Seize policiers et militaires avaient été pris en otages par al-Nosra avant d'être libérés en décembre 2015, suite à un échange avec l'État libanais. L'EI, lui, avait capturé 11 soldats à la base, avant d'en exécuter deux par décapitation : Ali Sayed, le 29 août 2014, et Abbas Medlej, le 6 septembre 2014.

Bloquant la rue menant à la place Riad el-Solh pendant quelques heures, les parents protestaient contre « l'indifférence dont l'État fait actuellement preuve », comme le souligne Hussein Youssef, porte-parole du groupe et père de Mohammad Hussein Youssef.

Contacté par L'OLJ, M. Youssef, un stoïcien réputé pour son calme légendaire et sa capacité d'endurance, craque : « Nous n'en pouvons plus. Nous en sommes malades », dit-il, en mentionnant en série l'état de sa femme « qui n'arrive plus à tenir sur ses jambes », le cas de la mère du soldat Ali Hajj Hussein, qui vient d'être « victime d'une embolie », et celle de Abdel Rahim Diab, « sur le point de perdre la vue tellement ses larmes ont coulé ». Celle-ci, explique Hussein Youssef, avait eu le choc de sa vie lorsqu'on l'a convoquée en décembre dernier pour effectuer un test ADN, après la découverte de plusieurs corps dans une grotte à Ersal. Les tests s'étaient avérés négatifs, mais sa vue a entre-temps lâché. « Nous voulons être fixés dans un sens comme dans un autre. Qu'ils soient morts ou vivants, nous devons en être informés », poursuit le porte-parole, la voie vacillante.

Ce qui le dérange le plus, c'est l'idée qu'il puisse y avoir le moindre soupçon dans les hautes sphères politiques et militaires sur le fait que les soldats enlevés aient pu prêter allégeance à l'État islamique et rejoindre le camp de ses combattants. Une raison qui pourrait expliquer, d'après lui, le « désintérêt » ou « le mutisme » des responsables politiques à ce sujet.

 

(Lire aussi : Le feu vert politique renforce l'efficacité de l'armée à Ersal)

 

« Détrompez-vous. C'est chose impossible. Nos soldats ne trahiront jamais leur uniforme militaire. Leur allégeance à la patrie est indéracinable », s'offusque le père de Mohammad en s'adressant aux officiels.
Depuis un certain temps, les familles des soldats affirment n'avoir plus obtenu la moindre nouvelle de la part du directeur de la Sûreté, le général Abbas Ibrahim, officiellement chargé par l'État de suivre ce dossier. Hussein Youssef, qui ne tarit pas d'éloges à l'égard de l'officier, arrive à peine à cacher aujourd'hui sa déception. « Il a tout de même le devoir de nous informer, quelle que soit la situation. Il sait très bien que nous sommes prêts à accueillir les mauvaises nouvelles, si tel est le cas », dit-il.

La dernière réponse que M. Youssef a obtenue de M. Ibrahim était assez « décevante ». « Il m'a dit qu'il n'avait rien de nouveau. Personnellement, je n'en suis pas convaincu. J'ai plutôt l'impression que certaines parties lui mettent des bâtons dans les roues et l'empêchent d'aller jusqu'au bout et de mener ce dossier à bon port », poursuit M. Youssef, en laissant éclater sa colère.

M. Youssef évoque les derniers contacts, il n'y a pas si longtemps, qu'il a personnellement eus avec les médiateurs en charge. Vers la fin du mois de ramadan, en juin dernier, un médiateur l'a mis en contact avec un jihadiste de l'EI, dans le cadre des négociations secrètes. « Il m'a fait comprendre qu'il y avait une possibilité d'échanger avec mon fils sur Skype. Vous vous rendez compte de l'émotion que j'ai ressentie à entendre ces propos ? Après cette rencontre, plus rien », poursuit-il.

À la question de savoir s'il n'y a pas une possibilité que ce témoin jihadiste soit en train de mentir, ou de les manipuler, il répond : « C'est possible. Cependant, on ne le saura jamais si l'on ne va pas jusqu'au bout. Lorsqu'on a une piste, on ne la lâche pas jusqu'à ce qu'on ait la preuve du contraire », dit-il dans une allusion à ce qu'il lui semble être une abdication des officiels.

Écorché vif, à bout de nerfs, révolté après des années d'attente, il résume le parcours fait depuis la disparition de son fils, 32 ans, qui venait à peine de se marier. « Nous avons épuisé tous les moyens possibles et imaginables. Nous avons fouillé les montagnes et les vallées, scruté toutes les grottes existantes dans la région », dit-il. « L'indifférence de l'État n'est plus acceptable. Après tout, la personne chargée du dossier est un homme d'État.

Il n'est pas normal qu'un État, avec ses services de renseignements, ses relations internes et externes, ses puissants liens avec le Qatar, ne puisse pas trouver un moyen pour nous informer du sort de nos fils. S'ils en sont incapables, qu'ils rendent le tablier et rentrent chez eux », conclut-il.

 

 

Pour mémoire
Nouveau médiateur « sérieux » auprès de Daech

Militaires otages : les prélèvements ADN sur des corps en Syrie sont négatifs

Le dossier des militaires enlevés et les relations libano-syriennes

Ils sont de nouveau dans la rue, mais, cette fois-ci, épuisés et amoindris par la maladie, la souffrance et la lassitude auxquelles est venu s'ajouter le dégoût.
Les parents et proches des neuf militaires libanais détenus depuis 2014 par l'État islamique (Daëch) sont retournés hier à la place Riad el-Solh pour lancer un nouveau cri de douleur et interpeller, une fois de plus, l'État....

commentaires (2)

Triste et poignante cette tragédie nationale! Une grève générale devrait être décretée par solidarité... Je m'incline devant la douleur des parents des militaires martyrs et des militaires dont le sort demeure inconnu.

Zaarour Beatriz

17 h 04, le 15 juillet 2017

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Triste et poignante cette tragédie nationale! Une grève générale devrait être décretée par solidarité... Je m'incline devant la douleur des parents des militaires martyrs et des militaires dont le sort demeure inconnu.

    Zaarour Beatriz

    17 h 04, le 15 juillet 2017

  • Nos magnifiques IRRESPONSABLES préfèrent s'occuper des réfugiés syriens...ça paye mieux dans les médias, et rapporte plus pour leurs poches... Irène Saïd

    Irene Said

    12 h 25, le 15 juillet 2017

Retour en haut