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Culture - Rencontre

Hady Beydoun, chasseur de grâce(s)

De l'art du tatouage à l'art tout court, un seul dénominateur commun, le rapport à l'œuvre et à son support. Hady Beydoun a définitivement l'art dans la peau

Photo D.R.

Artiste insoumis, Hady Beydoun est né dans le milieu, très peu conformiste, d'un père professeur en sciences politiques et d'une mère journaliste. Alors qu'il n'était encore qu'un adolescent de 14 ans, ses crayons de couleur tiraient déjà à l'arme blanche sur les tee-shirts, les murs, les jet skis et les skateboards. Il poursuit ses études à l'école Jesus and Mary et, encouragé par sa mère, obtient son diplôme en Graphic Design de l'AUB.

Ce n'est pas un hasard si ce jeune homme rebelle se tourne naturellement vers l'art – autrefois méprisé, interdit et destiné aux marginaux mais devenu aujourd'hui phénomène de société – du tatouage. « J'ai toujours aimé choquer, avoue-t-il. Le tatouage est un moyen de se différencier et d'offrir à une jeunesse en quête d'identité le choix de se démarquer à son tour. » À 40 ans aujourd'hui, l'artiste déploie ses capacités artistiques au-delà des pointes des aiguilles et convie le public à une visite artistique novatrice à la galerie Jacques Ouaiss*, où il dévoile son terrain de jeu, ludique et audacieux.

 

Dans la peau d'un rebelle
Hady Beydoun a toujours été dans la provocation, mais pour le vernissage de son exposition « Hard Candy », il fait une entorse à ses tendances révolutionnaires et se pare du classique pantalon et de la chemise noire. « Mais cela s'arrête là, dit-il en riant, rien dans ma vie n'est conventionnel. » L'art qu'il exhibe pourrait en effet amener le visiteur averti à y lire des symboles à ne pas évoquer dans les salons tristement bourgeois. Mais rien n'est laissé au hasard dans ces sculptures en résine peintes à l'air brush, où chaque proposition artistique relève d'une réflexion qui trouvera son chemin si le visiteur veut bien emprunter le sien. D'aucuns pourraient qualifier son art d'obscène, mais la dérision est un outil courageux et le travail provocateur de Hady Beydoun reflète la réalité d'un monde décadent qui, souvent, laisse les hommes indifférents et pousse l'artiste à se poser la question : « Prêtons-nous vraiment attention à la manière dont nous vivons dans ce monde ? Mon intervention tente d'apporter une réponse et de renvoyer la balle à la société elle-même. » L'artiste possède une sensibilité toute particulière qui lui permet de capter les choses visibles et invisibles. Même si cela se rapproche parfois de l'impertinence, il lance un grand nombre de messages directement liés à la vie moderne. Sa sensibilité à fleur de peau devient une fragilité qui trébuche sur une violence artistique humanisée.

 

L'homme qui aimait les femmes
Qui n'a pas foulé le sol de Russie sans rapporter dans ses bagages une « matriochka » ? Ces poupées de bois gigognes et multicolores, emboîtées les unes dans les autres, ont depuis plus d'un siècle reflété toutes les époques et continuent de le faire dans les boutiques de souvenirs avec leur charme intemporel, leurs silhouettes solides et leurs visages sereins. Elles sont le symbole identitaire du pays. Celles de Hady Beydoun ont une génitrice. Elle se prénomme Isabelle. « Je lui ai donné vie, dit-il, par un matin d'inspiration, griffonnée sur une feuille blanche entre deux taches de café. Je l'ai habillée, déshabillée, fardée, déconstruite et relookée à plus d'une reprise pour enfin la laisser prendre une forme tridimensionnelle et se multiplier à l'infini au gré des figures féminines que j'ai croisées sur mon chemin. » Inspirées de la femme orientale ou de l'européenne, elles sont plusieurs mais une seule au définitif, la femme d'aujourd'hui. Celle qui se bat pour ses idées, qui revendique sa sexualité, qui fait pleurer les hommes et rit de leurs faiblesses. Ces poupées renferment l'idée de la vérité qui se cacherait derrière des apparences trompeuses. Elles sont sa matriochka à lui. Hady Beydoun bouscule les idées classiques et confère à son œuvre une valeur du fait de son unicité. C'est avec un érotisme bravache et une ultrasexualisation du corps qu'il procède à une réification de la femme dans une optique ludique et hédoniste.

Ève avait-elle mangé toute la pomme après l'avoir croquée ? L'a-t-elle partagée avec le serpent ? Les femmes blanches rêvent-elles d'un enfant de couleur ? Les hommes aiment-ils vraiment les femmes repassées au bistouri ?
Les femmes qui fument une cigarette en minijupe sur un trottoir parisien sont-elles toutes des filles de joie ? L'artiste pose toutes ces questions avec humour et un regard teinté de tendresse, donnant aux rondeurs de ses femmes une dimension satirique, dotées d'une grâce et d'une légèreté qui défie les lois de la pesanteur et dont les déformations créent au final une véritable harmonie.
Hady Beydoun choisit ses couleurs, tire sa pointe, balance les préjugés, s'arme d'audace et à la fin de l'envoi... il touche.

* Galerie Jacques Ouaiss Jusqu' au samedi 17 juin.

 

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