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Liban - Hommage

Ghassan Tuéni, une leçon de vie...

Le Liban commémore aujourd'hui la disparition, il y a cinq ans, du « doyen de la presse ».

Ghassan Tuéni n'était certainement pas un journaliste comme les autres, encore moins une personnalité politique typique de la vie publique libanaise. Décédé il y a cinq ans, jour pour jour, des suites d'une longue maladie, cet homme aux multiples facettes, pluridisciplinaire, pluridimensionnel, a laissé un trou béant derrière lui à tous les niveaux. Un vide sidéral qui se fait ressentir au quotidien.

Au plan journalistique, c'est l'icône de la presse libre, indépendante et souveraine, qui défendait les grandes causes du monde arabe, notamment la question palestinienne, qui manque cruellement au paysage politique et culturel libanais. Notre confrère an-Nahar, qu'il a dirigé pendant six longues décennies, incarnait ces valeurs, qui n'ont pas tardé à se transmettre au reste des quotidiens libanais. D'aucuns vont même jusqu'à faire valoir que c'est Ghassan Tuéni, alors étudiant en philosophie « contraint » de prendre la relève d'an-Nahar à 22 ans, qui a fait l'âge d'or de ce journal. Il est également de notoriété publique que c'est au 9e étage de l'immeuble de la Coopérative de presse, à la rue Hamra, où étaient situés les locaux d'an-Nahar et de L'Orient-Le Jour, que se tissaient certains volets de la politique du pays, à l'époque où l'action politique était « noble ».

Mais ce n'est pas uniquement cet aspect qui a permis à Ghassan Tuéni de faire l'âge d'or du quotidien. Il se distinguait aussi, et surtout, par son leadership et par l'innovation dont il faisait preuve. Lorsqu'il prit, par exemple, l'initiative de créer une page quotidienne baptisée « Environnement et patrimoine », ce fut une première dans la presse libanaise. Grâce à cette initiative, an-Nahar contribua ainsi à la préservation du riche héritage de Beyrouth et du Liban.
Il reste qu'il serait peu rigoureux de réduire Ghassan Tuéni à sa seule dimension journalistique, du fait que celle-ci allait de pair avec l'homme politique exceptionnel et le brillant diplomate qu'il était.

Somptuosité
Faut-il rappeler que c'est à 25 ans qu'il fit sa première entrée à l'hémicycle aux côtés de Kamal Joumblatt ?
Il était alors le plus jeune député du Liban, une jeunesse qui, du reste, n'abandonnera jamais cet esprit singulier, d'une élégance rare. Et ce malgré cet acharnement insupportable du destin contre lui. En 2006, à 80 ans, la somptuosité de Ghassan Tuéni sera de rester élégant jusqu'au bout, dans la plus terrible des tragédies.

L'assassinat à quelques mois d'intervalle de son fils spirituel, Samir Kassir, et du produit de sa chair et de son sang, Gebran Tuéni, ne réussira pas à entamer ce rayonnement intérieur d'une puissance incomparable. Avec une combativité sans pareille, Ghassan Tuéni fera même un come-back forcé dans l'arène politique pour reprendre le flambeau de son fils sous la coupole du Parlement.

Autre particularité exceptionnelle de Ghassan Tuéni, ce mélange de brillance, d'humanisme, de culture immense et de dévouement appliqué en tant que serviteur de la chose publique – un fait si rare aujourd'hui. Si bien que son parcours politique sera exceptionnel, notamment en tant que ministre de l'Éducation, sous le mandat de Sleiman Frangié, lorsqu'il se maintint à son poste 100 jours uniquement, avant de démissionner en raison d'un désaccord avec le chef de l'État. Ambitieux et convaincu de la justesse de la cause du Liban et des Arabes face à l'ennemi israélien, Ghassan Tuéni n'a pas manqué de donner à son combat un autre souffle, grâce à ses talents diplomatiques, notamment en tant qu'ambassadeur du Liban aux Nations unies, parmi les grands dans le monde de la politique internationale. Il sut, plus particulièrement, défendre avec brio la cause du Liban à la suite de l'invasion israélienne de 1978. La résolution 425 du Conseil de sécurité, à la base du retrait israélien du Liban-Sud, en 2000, en atteste.

Qui ne se souvient dans ce cadre de sa photo montrant les crimes de l'État hébreu à l'encontre des enfants du Liban, ainsi que son fameux cri « Laissez vivre mon peuple ! » Ils sont toujours gravés dans la mémoire de la génération de Libanais ayant survécu aux multiples attaques israéliennes contre le Liban.

Si le succès politique et professionnel était au rendez-vous du « doyen de la presse libanaise et arabe », l'on se souviendra aussi qu'il avait le courage de ses opinions. Aussi a-t-il payé un lourd tribut pour ses prises de position audacieuses et libres, et emprisonné à plusieurs reprises, dont notamment en 1949 à la suite de son fameux éditorial : « Nous voulons manger, nous avons faim ! ».

La foi face à la tragédie
Au plan personnel, le deuil et la tragédie ont marqué la vie familiale de Ghassan Tuéni.
Rares sont les personnalités de sa trempe qui ont côtoyé la mort autant que lui. Cet « héros de tragédie grecque », comme il était parfois qualifié, a perdu sa femme Nadia Hamadé, sa fille Nayla, son fils Makram ainsi que son fils Gebran. Mais il a su surmonter ces drames grâce à sa foi. Une foi si forte qu'au moment des obsèques de « Gaby » (Gebran), Ghassan Tuéni avait appelé à « enterrer la haine et la vengeance ». Encore une image emblématique, un testament légué à « son peuple », fait de sérénité et de lumière, dans un pays plongé dans les ténèbres de la tourmente.

Aussi, Ghassan Tuéni reste-t-il pour Marwan Hamadé, son beau-frère, pas moins qu'un champion de la liberté et une image d'un Liban étincelant, lumineux. Et l'émotion est la même chez Nabil Bou Mounsef, rédacteur en chef adjoint d'an-Nahar, qui évoque, ému, le souvenir d'un homme exceptionnel, d'un irremplaçable maître du journalisme et de la politique, à l'heure où le monde entier sombre dans la décadence...

Aucun hommage ne serait capable de saluer à sa juste mesure un esprit aussi singulier que celui de Ghassan Tuéni ; ne saurait avoir l'outrecuidance de vouloir réduire à quelques lignes seulement l'immense océan de culture et de maestria qu'il a été...
Ghassan Tuéni, une véritable leçon de vie pour tant de générations plus que jamais en manque de repères.

 

 

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Ghassan Tuéni n'était certainement pas un journaliste comme les autres, encore moins une personnalité politique typique de la vie publique libanaise. Décédé il y a cinq ans, jour pour jour, des suites d'une longue maladie, cet homme aux multiples facettes, pluridisciplinaire, pluridimensionnel, a laissé un trou béant derrière lui à tous les niveaux. Un vide sidéral qui se fait...

commentaires (2)

LES GRANDS EXISTENT TOUJOURS AU LIBAN MAIS ILS SONT SOUS LA COUPE DES DIVERS PANURGES QUE LES MOUTONS BELEURS SUIVENT AVEUGLEMENT TOUT EN SE PLAIGNANT TIMIDEMENT ET ELIRONT DE NOUVEAU... DONC LES GRANDS SONT HANDICAPES PAR LES PETITS/MOUTONS QUI NE SAVENT ET NE DECIDENT PAS DE RENIER LEURS PANURGES HERITIERS !

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 03, le 08 juin 2017

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Commentaires (2)

  • LES GRANDS EXISTENT TOUJOURS AU LIBAN MAIS ILS SONT SOUS LA COUPE DES DIVERS PANURGES QUE LES MOUTONS BELEURS SUIVENT AVEUGLEMENT TOUT EN SE PLAIGNANT TIMIDEMENT ET ELIRONT DE NOUVEAU... DONC LES GRANDS SONT HANDICAPES PAR LES PETITS/MOUTONS QUI NE SAVENT ET NE DECIDENT PAS DE RENIER LEURS PANURGES HERITIERS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 03, le 08 juin 2017

  • Un grand homme ,unique,doue,....de nos jours les grands se font rares,...n'existent plus...pauvre liban...

    Soeur Yvette

    14 h 59, le 08 juin 2017

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