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Liban - Table ronde

Ghassan Tuéni et la francophonie comme culture de dialogue

De gauche à droite : Marlène Kanaan, Issa Goraieb, Zahida Darwiche Jabbour, Farès Sassine et Karim Bitar. Photo Marwan Assaf

À travers leur hommage à Ghassan Tuéni, « le francophone défenseur de la culture du dialogue », cinq participants à une table ronde sur l'ancien directeur du Nahar ont mis à l'honneur une personnalité hors norme, aux multiples facettes liées par un même attachement aux valeurs de liberté et de démocratie. Organisée par la Commission nationale libanaise pour l'Unesco (CNLU), cette rencontre s'inscrit dans le cadre des événements marquant le mois de la francophonie.

Zahida Darwiche Jabbour, secrétaire générale de la CNLU, Issa Goraieb, éditorialiste à L'Orient-Le Jour, Farès Sassine, écrivain, Marlène Kanaan, professeure de philosophie et civilisation à l'université de Balamand, et Karim Bitar, professeur de relations internationales à l'Université Saint-Joseph (USJ), ont salué tour à tour et avec la même émotion le politicien, le journaliste, le diplomate, l'érudit et l'écrivain qui font de Ghassan Tuéni « l'homme pluriel ».

Une émotion contagieuse qui s'est emparée des nombreux présents, notamment deux anciennes Premières dames, Mona Hraoui et l'ancienne députée Nayla Moawad, ainsi que les députés Robert Ghanem et Ghassan Moukheiber, l'ancien ministre de l'Information Ramzi Jreige et le P. Georges Dimas, représentant le métropolite de Beyrouth, Mgr Élias Audi.

Dans une allocution d'ouverture, Mme Jabbour, modératrice de la table ronde, a parlé d'« un homme libre et digne, qui jouissait d'une ouverture d'esprit et qui, même dans les plus sombres années de guerre, n'a pas succombé aux passions partisanes ».

Description partagée par Issa Goraieb, pour qui le disparu « offrait un modèle vivant d'attachement aux idéaux de liberté et de démocratie », et par Marlène Kanaan, qui a salué l'action politique à travers laquelle Ghassan Tuéni « défendait la justice et menait des combats pour renforcer les libertés ». Elle retient surtout que ce grand humaniste « avait appris que le principe de la liberté souveraine implique qu'on ne peut rien imposer à autrui plus loin que le dialogue ».
L'enseignante de philosophie s'est par ailleurs attardée sur « son engagement dans la lutte contre la corruption ». Sur ce fléau, Karim Bitar a indiqué que « Ghassan Tuéni, alors jeune député de 24 ans, avait rédigé un fascicule, plaidant pour la notion de "redevabilité" (accountability), en vertu de laquelle chaque citoyen peut demander des comptes à ses dirigeants ».

 

« La langue la plus proche de son cœur était le français »
Farès Sassine s'est penché, pour sa part, sur le talent d'écrivain du grand disparu, mettant l'accent sur « une littérature reflétant son attachement à l'indépendance ». « À travers son Livre de l'indépendance, Ghassan Tuéni a mis à la disposition des Libanais des informations et des documents capitaux, dans un récit qui relate les premières années de l'indépendance avec un génie littéraire propre à lui », a-t-il ainsi indiqué.

M. Sassine cite également les œuvres dans lesquelles « il a regroupé ses plus importants éditoriaux, toutes ses interventions parlementaires, ses conférences et même ses poèmes d'écolier écrits en français », ainsi que « la collection Patrimoine, conçue comme une pléiade libanaise pour les auteurs francophones ». Et d'affirmer que « la langue la plus proche de son cœur était le français ».

Quant à Mme Kanaan, elle note à quel point Ghassan Tuéni « a contribué à l'enrichissement de la vie littéraire et culturelle, éditant des livres, invitant des auteurs illustres, organisant des débats et des expositions et présidant la jeune université de Balamand fondée en pleine guerre », soulignant en outre « son action à la tête de nombreuses associations qui œuvrent pour le développement de la culture ». « Une culture dont ce Libanais cosmopolite s'enrichissait en parcourant le monde, se sentant aussi à l'aise à New York qu'à Paris », renchérit M. Bitar.

 

(Lire aussi : Gebran Tuéni, un courage dont l’écho retentit encore...)

 

 

Issa Goraieb
Cette facette de francophone convaincu, Issa Goraieb la met en exergue en affirmant que Ghassan Tuéni a joué un rôle capital dans la préservation et le développement de la presse francophone libanaise. Il rappelle qu'en 1965, ce géant de la presse « a racheté le journal Le Jour, épaulé, au plan financier par les trois Pierre (Eddé, Pharaon, et Hélou), contrebalançant ainsi, au profit de l'opposition, l'influence de L'Orient, lequel prônait une ligne fidèle au président Fouad Chéhab ». Et M. Goraieb de relater ses souvenirs de journaliste en herbe auprès du nouveau PDG du journal. « Ghassan Tuéni était un exemple de rigueur et de courage, et de passion pour l'écriture », affirme-t-il, évoquant « les redoutables raids de nuit qu'il aimait opérer aux alentours de 3h du matin, pour s'assurer que tout allait normalement pour les étudiants que nous étions ». « Il était souvent accompagné de son frère Walid, qui nous a quittés tout récemment et qui veillait, lui, sur son enfant chéri, les rotatives », enchaîne-t-il.

Évoquant ensuite la fusion de L'Orient et de Le Jour qui a eu lieu en 1971, l'éditorialiste de L'Orient-Le Jour conseille à ceux qui veulent mieux connaître la genèse du quotidien de consulter l'ouvrage de Ghassan Tuéni Asrar al-mihna wa asrar oukhra (« Secrets professionnels et autres ») ou aussi l'ouvrage de Michel Touma, rédacteur en chef de L'OLJ, 100 ans ou presque, un journal, un pays, une région, des histoires.

 

« Non à la haine, non à la vengeance »
L'hommage au fascinant personnage qu'était Ghassan Tuéni n'aurait pas été complet si les intervenants n'avaient pas évoqué son côté « surhomme » qui lui a permis d'endurer l'épreuve de la mort de ses êtres le plus chers : sa fille Nayla, son épouse Nadia, son fils Makram, et encore son autre fils, Gebran, assassiné en 2005. Zahida Jabbour a notamment rappelé que « face à ce dernier drame, il a puisé la force de demeurer un homme de pardon, martelant haut et fort : non à la haine, non à la vengeance ».

En clôture de l'événement, un film de sept minutes a égrené les principales étapes de ce parcours de géant. On en retient notamment la fondation des éditions an-Nahar en 1967 et, sur le plan politique, son élection au poste de député à l'âge de 24 ans, sa désignation au poste de vice-président de la Chambre à l'âge de 27 ans, au poste de vice-Premier ministre à 44 ans, au poste d'ambassadeur auprès des Nations unies à 51 ans et sa réélection au Parlement à l'âge de 80 ans.

 

 

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HONNEUR A CE GEANT ! SI IL Y EN AVAIT D,AUTRES DE LA MEME STATURE LE LIBAN SE PORTERAIT MIEUX...

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 03, le 30 mars 2017

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Commentaires (1)

  • HONNEUR A CE GEANT ! SI IL Y EN AVAIT D,AUTRES DE LA MEME STATURE LE LIBAN SE PORTERAIT MIEUX...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 03, le 30 mars 2017

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