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Lifestyle - La mode

Milia M. perdue et retrouvée

À l'occasion de la Beirut Design Week, la créatrice Milia M. revenait dans sa ville natale avec une exposition conceptuelle où le vêtement répondait positivement à la question posée par le thème sur la nécessité du design.

« Mother and Child », à l’exposition Objeu de Milia M. et Leila Pazooki. Photo DR

Il y a quelques mois, c'est avec un serrement au cœur qu'on avait assisté à la fermeture, à Saifi Village, de la boutique Milia M. qui véhiculait les créations avant-gardistes et fusionnelles de Milia Maroun, l'une des initiatrices, dans les années 90, de la nouvelle couture libanaise. Mais la styliste conceptuelle n'est jamais loin de son pays natal, et sa nature nomade la ramène toujours aux sources où elle a laissé ses traces. À l'occasion de la Beirut Design Week, elle donnait à voir, à l'angle d'une rue piétonne du centre-ville, dans un bel espace vierge, murs blancs et sol de sable ocre, une installation fascinante intitulée Objeu, réalisée en collaboration avec son amie Leila Pazooki.

Un partenariat heureux
Née à Téhéran et formée à l'Académie nationale des beaux-arts de sa ville, Leila Pazooki, qui a poursuivi ses études à Berlin, est une artiste visuelle qui s'exprime à travers plusieurs médias, notamment la vidéo, la photo, la peinture et la broderie. Les limites au sens large sont pour elle un infini sujet d'exploration, qu'il s'agisse des frontières entre le tabou et le toléré, l'artiste et le sujet, l'Orient et l'Occident, l'art et le design. Les deux créatrices se sont rencontrées à Londres à la faveur de l'amitié qui s'est nouée à la maternelle entre leurs filles respectives. Ce sont d'ailleurs les deux fillettes qui ont inspiré à leurs mères cette collaboration sur le thème de la Permanence de l'objet avec la collection Objeu.

Cinq volets pour illustrer les angoisses de l'enfance
En réponse à la thématique de la Beirut Design Week Le design est-il une nécessité ? Milia M. et Leila Pazooki proposaient sous le titre Objeu emprunté à Francis Ponge une installation en cinq volets qui justifiait la présence de l'objet comme médiateur bénéfique des angoisses enfantines. Le premier volet est intitulé Mother and Child : sur un fil à linge, bercés par le vent, de magnifiques chemises et pulls déclinant plusieurs tonalités de blanc et diverses formes de coupes et de cols vont par deux, l'une de leurs manches prolongeant la manche d'une chemise jumelle de taille enfant. De ravissants ciseaux de couture sont attachés à la chemise junior laissant à l'enfant la décision et le pouvoir de couper ou non le cordon symbolique qui l'attache ainsi à sa mère.

 

(Pour mémoire : De Milia Maroun à Milia M., histoire d'un voyage sur la planète mode)

 

Flottement, détachement, disparition, réapparition
Dans un coin de la salle, trois kimabayas, reproductions miniatures du vêtement phare créé par Milia M, flottent dans le vide grâce à un puissant dispositif magnétique. On a beau connaître la raison scientifique qui suspend ces Floating objects aux cordes du vent, on n'en est pas moins fasciné par cette lévitation qui reproduit en quelque sorte le flottement du fœtus dans le corps de sa mère. Les kimabayas de Milia M., désormais édités en pièces uniques, sont actuellement en tournée et participent à des expositions prestigieuses à travers le monde.

Plus loin, une collection de petites vareuses et ensembles de lin et de coton blanc sur lesquels sont brodés d'authentiques dessins d'enfants : l'un d'eux reproduit une page d'écriture de la lettre A tracée par la fille de Milia. D'autres immortalisent à l'identique les premiers gribouillages de ses petits camarades. Le titre de cette collection, Khatt-Line, renvoie non seulement à l'une des activités les plus jouissives de l'enfance mais aussi à la ligne de vie et son tracé aléatoire.

Peekaboo est une tente obscure dans laquelle séjourne un nounours en toile blanche sur lequel sont projetées des images terrifiantes de l'enfance : loups, fantômes et autres cauchemars. Le nounours les absorbe dans sa matière rassurante et les « extrait » en quelque sorte de l'imaginaire de l'enfant pour lui permettre de s'endormir. Le jeu de la bobine ou jeu du Fort-Da est de la même veine freudienne. Cette installation kinésique inspirée de la théorie du même nom décrite par le père de la psychanalyse résout l'angoisse enfantine de la perte de la mère en l'illustrant à travers un immense tricot qui se détricote et dont le fil se dévide sur une bobine géante, preuve que rien ne disparaît totalement.

Preuve aussi que Milia M. n'a pas disparu de la scène libanaise. Elle nous fait simplement son « Fort-da ».

 

 

Pour mémoire

Nouveau chapitre pour Milia M.

Il y a quelques mois, c'est avec un serrement au cœur qu'on avait assisté à la fermeture, à Saifi Village, de la boutique Milia M. qui véhiculait les créations avant-gardistes et fusionnelles de Milia Maroun, l'une des initiatrices, dans les années 90, de la nouvelle couture libanaise. Mais la styliste conceptuelle n'est jamais loin de son pays natal, et sa nature nomade la ramène...

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