La philo pour tous

Qui a dit que philosopher est du ressort des seuls philosophes ? Beaucoup d'entre nous se prennent à réfléchir sur la raison et le sens profond de la vie, développant leurs pensées autour de sujets de l'existence liés à Dieu, à l'univers, à la société et à l'homme. Ils tentent d'apporter des réponses à leur questionnement par l'analyse, le raisonnement et la logique, enrichissant ainsi leurs idées. Épris de réflexion, ils aiment aussi la partager avec d'autres. C'est ce que font Philippe Souhaid, orthodontiste, Roger Abi Nassif, ingénieur, Nabil Okais et Georges Haddad, neurochirurgiens. Avec Jad Hatem, philosophe, qu'ils considèrent un peu comme leur mentor, ils s'adonnent à des échanges intellectuels dans le cadre très convivial d'un club de philo.
L'idée a essaimé lorsqu'il y a une douzaine d'années, Nabil Okais, engoué pour cette discipline, se voit encouragé à entamer des études de philosophie à l'Université Saint-Joseph (USJ) par le responsable du département, Jad Hatem, avec qui il décide, sur la même lancée, de créer un cercle auquel se joindraient des amis amateurs. MM.Souhaid, Haddad et Abi Nassif, anciens camarades de classe de M. Hatem, s'inscrivent présent, et depuis, tous les cinq se réunissent deux fois par mois, chez l'un ou chez l'autre, pour refaire le monde.

Dans leur élan, les membres du cercle, baptisé Alcinoé, (Esprit fort, en grec), publient chaque année, depuis 2010, une revue éponyme, fruit de leurs débats sur des thèmes déterminés. « Celui choisi il y a deux ans porte le nom de "La liberté, le courage", et le sujet discuté l'an dernier est intitulé "Deviens qui tu es", tandis que nous nous penchons actuellement sur "La sagesse, thérapie de l'âme" », indique Nabil Okais. Pour lui, c'est d'ailleurs « tout le domaine de la pensée qui est une thérapie de l'âme », au moyen de laquelle, dit-il, « on sort des angoisses du monde réel ». Relevant dans ce cadre que sa profession le confronte constamment à « la réalité de la maladie », il considère que « ces soirées de réflexion procurent une véritable détente ».
« C'est autour d'un bon repas, arrosé d'un bon vin, que les échanges prennent place », ajoute Philippe Souhaid, jugeant ceux-ci « bien plus intéressants que les débats politiques ou les bavardages prévalant dans les dîners mondains ». Pour lui, ce loisir – ou plutôt ce hobby – est un vrai enchantement, grâce auquel il peut « examiner de nombreux aspects de la vie que l'orthodontie ne donne pas l'occasion d'approfondir ».
Mais comment les thèmes à débattre sont-ils choisis ? « À la fin de chaque réunion, un sujet pour la séance d'après est soumis par qui veut, ce sujet devant relever de la thématique de l'année », indique Nabil Okais, spécifiant, par ailleurs, que « les membres du groupe préparent leur participation aux discussions en faisant des lectures et des recherches ».

Alcinoé à Abdelli
La passion est telle que se retrouver près de vingt-cinq fois par an pour confronter leurs points de vue ne paraît pas suffisant à ces mordus de la philo. D'où des séminaires semestriels organisés dans le domaine vinicole de Nabil Okais, à Abdelli (caza de Batroun), auxquels sont conviés « les amis d'Alcinoé », initiés et novices. « J'ai acquis ces terres avec l'idée d'en faire un espace ouvert de rencontres et d'événements », indique M. Okais, heureux de constater que ses hôtes « sont souvent de sensibilités différentes, mais ont tous en commun l'ouverture de pensée et la curiosité d'esprit ».

À la question de savoir si les opinions des uns et des autres changent après les rencontres et discussions, Philippe Souhaid répond par l'affirmative. « Si chacun a un sens de la vie qui lui est propre, écouter les autres aboutit parfois à modifier la manière de penser », observe-t-il, précisant qu'« Alcinoé accueille des personnalités venant de divers horizons – philosophes, artistes, mormons, religieux de toutes communautés... – qui, en partageant des idées et croyances différentes, contribuent à faire dépasser les préjugés ».

Développer la réflexion personnelle, acquérir une pensée structurée et la partager, s'ouvrir à celle des autres sont les démarches auxquelles se livrent avec délice ces philosophes amateurs, en quête d'authenticité et de bien-être. Eux-mêmes tiennent à préciser que malgré le sérieux des idées débattues, l'atmosphère n'est jamais austère. Comment pourrait-elle l'être, surtout lorsque l'on sait que les séminaires qui se tiennent dans le paysage bucolique des Terrasses de Abdelli sont émaillés de marches à pied, de séances de yoga, d'auditions musicales, ou encore de projection de films ? « Si le cœur vous en dit, devenez les amis d'Alcinoé et vous serez les bienvenus! », dixit le propriétaire des lieux.

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