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Liban - Loi électorale

Plaidoyer aouniste pour la proposition dite « orthodoxe »

S'il est une certitude à retenir du débat autour de la réforme électorale, c'est celle de l'inimitié entre le président de la Chambre, Nabih Berry, et le ministre Gebran Bassil. Une inimitié qui « vire au personnel », selon les termes répandus dans les milieux politiques.

Mais ce n'est pas ici que bute l'entente sur une nouvelle loi électorale. À titre d'exemple, les remarques de Gebran Bassil sur la création du Sénat, transmises à M. Berry par le député des Forces libanaises Georges Adwan dimanche soir à Aïn el-Tiné, ont servi à saboter l'esprit de la proposition berryiste, sans toutefois remettre en cause l'accord sur le principe de la proportionnelle, l'autre volet de cette proposition.

Les tensions Bassil-Berry ne sont que le symptôme d'un problème dont l'origine reste liée aux velléités du tandem chrétien (Courant patriotique libre et Forces libanaises), couvertes par le courant du Futur, de monopoliser une majorité chrétienne au sein du Parlement. Des velléités auxquelles s'opposent le mouvement Amal, le Parti socialiste progressiste et plus subtilement le Hezbollah. Elles se sont manifestées dans la préqualification sur base confessionnelle suggérée par Gebran Bassil, ensuite dans la proposition des FL de revoir la répartition des sièges parlementaires chrétiens en fonction du poids démographique chrétien au niveau de chaque circonscription, et enfin dans l'exigence du vote préférentiel à caractère communautaire appliqué au caza.

 

(Lire aussi : Une nouvelle loi électorale en vue, mais à quel prix ?)

 

Les velléités chrétiennes se sont aussi exacerbées dans le débat autour du Sénat: parallèlement au fait de contester l'attribution à un druze de la présidence du Sénat (une contestation relayée discrètement par le Premier ministre), le tandem chrétien entend ne libérer les législatives du critère communautaire qu'après le premier mandat suivant la création du Sénat. Le président de la Chambre, lui, s'était attaché à accorder la présidence du Sénat à la communauté druze – en vertu de ce qui avait été verbalement transmis lors des pourparlers de Taëf sans que personne ne s'y oppose jusque-là. Il avait préconisé en outre de libérer la Chambre du critère communautaire dans le respect de la parité confessionnelle, dès qu'un Sénat serait créé.

En proposant le début d'une déconfessionnalisation du système, Nabih Berry a voulu rétorquer aux tentatives d'accaparer les votes chrétiens, c'est-à-dire de pousser à l'extrême la logique communautariste. En contrepartie, le tandem chrétien y a répondu en y incorporant cette même logique. Selon nos informations, l'origine de la mise en échec de ce projet de Sénat résiderait dans les craintes du duopole chrétien d'éventuels trocs de sièges entre le Sénat et le Parlement, qui limeraient le poids du tandem au sein de la Chambre.

L'ambition du tandem de « s'arroger le tiers de la Chambre », à en croire une source du Rassemblement démocratique, a sous-tendu la nouvelle tentative du chef de l'État hier de dédiaboliser la proposition de loi dite « orthodoxe ». « Toutes les communautés vivent ensemble et votent sur la base de critères confessionnels. Ainsi, la tenue d'élections sur la base de la loi orthodoxe par exemple représenterait les minorités au même titre que les majorités. C'est, en tout état de cause, la loi de 1960 qui est la plus injuste », a-t-il déclaré à Baabda devant une délégation de la Ligue des diplômés de journalisme.

 

(Lire aussi : Trente-quatre organisations manifestent en faveur de la proportionnelle)

 

Il a en parallèle fait le plaidoyer de la préqualification. « Je me demande pourquoi certains tentent de donner à ce projet un caractère communautaire... Où est le communautarisme dans ce projet ? La préqualification n'est pas une élection, mais une présélection, à l'instar du procédé adopté aux États-Unis, en France et en Iran. Nous ne sommes pas communautaristes, mais œuvrons à garantir les droits de toutes les composantes libanaises », a déclaré le président de la République. Pour lui, ces droits seraient « certes le mieux assurés par la proportionnelle » mais restent desservis par « la répartition démographique ». Cela vaudrait précisément pour les chrétiens, à ses yeux. « Leur répartition démographique dans la plupart des cazas provoque un déséquilibre à leur détriment, même selon la proportionnelle. En revanche, selon la préqualification, les chrétiens bénéficieront d'une meilleur représentativité à l'intérieur de leur communauté, surtout que le paramètre de vote actuel est confessionnel ».

Sans renier le principe de la proportionnelle, le chef de l'État a laissé entendre que la préqualification pourrait servir de garantie à une mise en œuvre plus juste de la proportionnelle.
Ses propos font écho à un aspect du débat actuel: établir une proportionnelle « à deux tours » (l'autre référence à la préqualification). Le Hezbollah, autant que le courant du Futur, ne s'y opposerait pas, rapportent des milieux proches de l'un et de l'autre. Les concertations porteraient toutefois sur les conditions du passage au second tour: le parti chiite et le courant du Futur préconiseraient des conditions sur base d'un pourcentage de votes obtenus (le premier propose 10 %, le second 20 %).

 

(Lire aussi : La vacance parlementaire vue par Amal et le Hezbollah)

 

Le tandem chrétien défend pour sa part la sélection de deux candidats par siège pourvu, en fonction du nombre de voix obtenus dans leur circonscription. Cette question n'est pas récente et aurait déjà été source de tensions. Parce que la position défendue par le duopole chrétien à cet égard semble révéler une autre de leurs tactiques électorales: présenter des listes distinctes FL et CPL, de manière à éviter un éventuel panachage. C'est à ce manque de confiance entre les deux partis que font allusion aussi bien des milieux proches du courant du Futur que d'autres proches du Hezbollah. « Si le camp aouniste tient à la réforme électorale et souhaite éviter le vide et la loi de 1960, qu'il règle ses problèmes de confiance avec son allié chrétien », disent les premiers. « Ce n'est pas à cause du siège de Batroun que la réforme électorale doit être bloquée », estiment les seconds.

Mais entre le courant du Futur et le Hezbollah, ce n'est visiblement pas le premier qui prendra l'initiative d'interrompre ces errances. C'est pour afficher sa solidarité avec le chef de l'État que le Premier ministre Saad Hariri s'est rendu à Baabda hier. « Nous partageons le souci du président de trouver au plus vite une solution. Et il me semble que nous nous rapprochons de plus en plus d'une solution, à condition toutefois que tous les blocs mettent en avant l'intérêt national. Et c'est d'ailleurs dans l'intérêt du citoyen que nous œuvrons main dans la main avec le président », a-t-il déclaré, en laissant ouverte l'option d'une préqualification sur base de la proportionnelle et celle, pourtant mise en veilleuse, du Sénat...

 

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commentaires (5)

One man one vote , et chaque citoyen choisira le rite et la confession du politicien . Courage .

Antoine Sabbagha

19 h 21, le 16 mai 2017

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Commentaires (5)

  • One man one vote , et chaque citoyen choisira le rite et la confession du politicien . Courage .

    Antoine Sabbagha

    19 h 21, le 16 mai 2017

  • QU,EST-CE QUE C,EST LA JIRGA LOYA ? C,EST LE CONSENSUS ! QU,EST-CE QUE C,EST LE CONSENSUS ? C,EST LA JIRGA LOYA ! AUCUNE TRACE DE DEMOCRATIE DANS LES DEUX... PAS DE DEMOCRATIE JIRGA LOYANNE... PAS DE DEMOCRATIE CONSENSUELLE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 59, le 16 mai 2017

  • Savez-vous pourquoi Gébran Bassil déploie tant de zèle et d'empressement pour tripatouiller une loi électorale qui lui assurerait d'accaparer les votes chrétiens précisément l'électorat maronite ? Boutros Harb a fait mordre la poussière deux fois à Gébran Bassil en 2006 et 2009. Pourtant l'écrivain français Jules Romains (1885-1972) avait dit : "Un homme d'action n'est pas déshonoré par une défaite." Mais Gébran Bassil ne le prend pas ainsi, il cherche désespérément une loi qui lui permettrait de gagner sa troisième tentative aux prochaines législatives et par delà le palais de Baabda en 2022. CQFD

    Un Libanais

    11 h 51, le 16 mai 2017

  • QU,ON LE VEUILLE OU NON LE PAYS EST UN PAYS OU VIVENT ENSEMBLE DES CONFESSIONS... QUOI DE PLUS NATUREL QUE LA LOI FERZLIOTE DITE ORTHODOXE OU CHAQUE COMMUNAUTE ENVOIE SES REPRESENTANTS AU PARLEMENT ! LES MARCHANDS DU TEMPLE SONT CEUX QUI REFUSENT LA REALITE ET QUI VEULENT LIVRER LE PAYS A UNE SEULE COMMUNAUTE PAR SUBTERFUGES AU DETRIMENT DE TOUTES LES AUTRES... TOUS LES PROJETS DE LOIS MIXTES OU PROPORTIONNELLES AVEC 10, 15 OU PLUS DE CIRCONSCRIPTIONS QUE SONT-ELLES SINON DES PROJETS LOIS TAILLEES POUR SERVIR LE CONFESSIONNALISME ? TREVE DE MENTIR AUX GENS ! LES LIBANAIS NE SONT NI NAIFS NI STUPIDES... ALLEZ AUX CANTONS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 31, le 16 mai 2017

  • Le projet de loi du Rassemblement Orthodoxe est une scélératesse ignoble. Un parlement n'est pas une Jirga Loya sectaire. Qu'on respecte la représentativité confessionnelle au niveau d'un Sénat. Penser à une telle loi signifie simplement vouloir maintenir la prise d'otage du citoyen libanais par les seigneurs des guerres civiles permanentes. En faisant le plaidoyer de cette loi scélérate, le CPL compromet sa propre image de marque.

    COURBAN Antoine

    07 h 13, le 16 mai 2017

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