Certains responsables politiques – et moult électeurs – français se seraient-ils irrémédiablement engagés sur la voie de la « libanisation », en termes de pratiques et de ligne de conduite politiques? La question, aussi burlesque soit-elle en apparence, mérite réflexion au vu des attitudes qui ont suivi le premier tour de la présidentielle française. Le parallèle sur ce plan est non pas troublant, mais franchement préoccupant pour le sort de l'une des plus prestigieuses démocraties occidentales.
L'on a souvent reproché sévèrement aux leaders et partis libanais, notamment chrétiens, de se limiter parfois dans leur action à de petits calculs politiciens, et de ne pas savoir établir une distinction nette entre les considérations partisanes (voire personnelles) réductrices et les grands enjeux ayant une portée stratégique ou une dimension nationale existentielle. Force est de relever, malencontreusement, que des candidats à la présidence française ont adopté ces derniers jours des comportements « à la libanaise », dans le sens politicien du terme. Comment expliquer autrement qu'un Nicolas Dupont-Aignan, qui se targuait de porter l'étendard gaulliste, ait signé un document d'entente (les Libanais connaissent bien...) avec Marine le Pen, fruit d'une douteuse compromission politico-financière.
Ce revirement est d'autant plus stupéfiant qu'au cours des dernières semaines ses déclarations stigmatisant sévèrement le Front national ne se comptaient plus. Il allait même jusqu'à relever que « les Français ne sont pas idiots, ils ne veulent pas confier le pouvoir à la famille Le Pen », et il excluait en outre sur un ton indigné, il y a pas plus de trois semaines, la possibilité qu'il soit le Premier ministre de la candidate du Front national. Mais après tout, Matignon vaut bien une petite amnésie politique...
Il reste que les attitudes profondément irrationnelles ne sont pas l'apanage d'un seul camp. Sans s'engager sur la voie de la compromission indigne, le chef de file de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, a adopté une attitude peu compréhensible – pour le moins qu'on puisse dire – en refusant d'appeler explicitement à voter pour Emmanuel Macron afin de faire barrage concrètement à Marine Le Pen.
Comment peut-on défendre des valeurs de gauche, dans le sens le plus noble du terme, tout en prenant le risque, ne fut-ce que le plus petit risque, de favoriser une victoire de l'extrême droite, avec tout ce que cela implique comme conséquences aux antipodes du projet de société fondé sur des valeurs humanistes ? Un tel comportement contradictoire ne peut s'expliquer que par des calculs politiciens foncièrement réducteurs.
Face au véritable enjeu du scrutin du 7 mai, l'écrasante majorité – sinon la quasi-totalité – des ténors de la droite, du centre et de la gauche ont avalisé la candidature d'Emmanuel Macron, rejoints en cela par une soixantaine d'associations et d'ONG, par la conférence des présidents d'universités, la conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs, la conférence des grandes écoles et – pour la première fois – par les dirigeants des neuf principaux organismes publics de recherche scientifique, tels que le CNRS et l'Inserm.
Sous le titre Non !, l'ancien Premier ministre Alain Juppé, confirmant sa stature nationale d'homme d'État, est sans doute celui qui a le plus mis en exergue, sans détour ni louvoiements hypocrites, la gravité de cette bataille présidentielle. Un Non très clair au Front national, à l'abstention et au vote blanc. Dans un véritable cri d'alarme, sur son blog, le maire de Bordeaux affirme qu'une victoire de l'extrême droite représenterait un « désastre économique » pour la France, un « séisme géopolitique », une menace réelle pour la stabilité de l'Europe et la « sécurité collective ». En cas de succès de Marine Le Pen, « la France court au désastre », affirme sans détour Alain Juppé, qui souligne que le seul moyen de couper court à un tel désastre est non pas de s'abstenir de voter ou de déposer un bulletin blanc, mais de voter sans hésiter pour Emmanuel Macron. Cette position aussi tranchée adoptée par Alain Juppé donne la mesure de l'enjeu de cette présidentielle française pas comme les autres. Un enjeu qui, du fait d'une sorte d'effet papillon, aura un impact direct sur le Liban. Car du fait de sa spécificité pluraliste, le pays du Cèdre est lui aussi hautement concerné par ce bras de fer français entre un projet fondé sur les valeurs humanistes et une ligne de conduite qui se nourrit du climat de haine, du repli sur soi et du rejet de l'autre.
AVEC MACRON RIEN NE CHANGERA NI EN FRANCE NI AU LIBAN. CA SERA TOUJOURS LA MÊME BANDE QUI GOUVERNENT LA FRANCE. AVEC MARINE, IL Y AURA DE L'ESPOIR POUR LE LIBAN. MALGRÉ QU'ELLE DÉFAND AUJOURD'HUI BACHAR PAR IGNORANCE, ELLE NE DONNERA JAMAIS UNE CARTE BLANCHE À ISRAEL, COMME C'EST LE CAS MAINTENANT. LES LIBANAIS AURONT LE TEMPS NÉCESSAIRE AVEC ELLE POUR LA CONVAINCRE DU BON RÔLE À JOUER POUR LE BIEN DE TOUT LE MONDE DANS LE MOYEN ORIENT.
15 h 13, le 01 mai 2017