La récente adoption de la loi sur le droit d'accès à l'information est un pas important en matière de lutte contre la corruption. Ce texte est également une victoire de la « culture du savoir » dans la mesure où il contribue à renforcer l'éveil et la sensibilisation aux questions des dépenses publiques à un moment où prévaut la culture du camouflage pratiqué à grande échelle pour voiler la réalité et se dérober au principe de la reddition de comptes devant l'opinion publique.
Il est important de rappeler que la campagne de lutte contre la corruption est inutile si l'on ne révèle pas toutes les vérités devant l'opinion publique afin de l'habiliter à remplir sa tâche de contrôle.
L'existence d'un lien intrinsèque entre le droit du citoyen à l'obtention des informations et documents publics sur le fonctionnement et les dépenses de l'administration, et l'obligation de la part de l'administration de rendre publiques ces informations est corollaire de la nécessité de définir les frontières entre ce qui relève du public, et doit par conséquent être révélé, et ce qui fait partie du domaine confidentiel, c'est-à-dire tout ce qui concerne la sécurité des personnes ou des métiers, et qui doit être protégé. À condition bien sûr que le principe de confidentialité ne soit pas utilisé comme un prétexte pour se dérober à la publication des informations auxquelles l'opinion publique a droit.
(Pour mémoire : L'adoption de la loi sur le droit d'accès à l'information, un début prometteur)
En dépit des difficultés et des défis à venir, nous espérons que cette loi ne sera pas un simple texte de plus à ajouter à la pléthore des lois inapplicables reléguées aux archives nationales, mais qu'elle préludera, au contraire, à une nouvelle phase prometteuse en termes d'assainissement de l'administration.
Nos craintes sont justifiées par le fait que les expériences passées n'ont pas été concluantes en matière d'application des lois d'autant que la pratique a montré une tendance chez les politiques à trouver, par tous les moyens, un prétexte et des entourloupes pour contourner ou violer la loi de manière que l'application de la loi devienne l'exception et l'exception la règle.
Par ailleurs, la loi sur le droit d'accès à l'information paru dans le Journal officiel le 16 février 2017, qui organise ce droit sacré prévu par la Constitution, la Charte des droits de l'homme et la Convention internationale des droits civiques et politiques, reste pour l'instant incomplète tant que les décrets d'application n'ont pas été adoptés. D'où notre souhait de les voir paraître le plus tôt possible. Cependant, il ne faudrait en aucun cas prétexter l'absence des décrets d'application pour reporter l'entrée en vigueur instantanée de la loi sur le droit d'accès à l'information.
En outre, toute administration qui se soustrait à l'obligation de publier les informations requises par la loi devra être poursuivie devant la justice. Autre prétexte inacceptable, celui de lier l'application de la loi à l'absence d'un fonctionnaire chargé de remettre les informations au demandeur ou encore à la création de la Commission de lutte contre la corruption, des mesures prévues dans le sillage de la loi.
(Pour mémoire : Droit d'accès à l'information : l'administration va-t-elle suivre ?)
C'est à cet égard que nous invitons le pouvoir législatif à renforcer son contrôle sur le pouvoir exécutif, désormais obligé par la loi de remettre à tout citoyen demandeur les informations concernant les activités de l'administration et les représentants de la société à suivre de près l'application de cette nouvelle loi et à réclamer l'obtention des informations, notes et documents officiels et administratifs intéressant directement le citoyen libanais qui peut désormais être informé et prendre connaissance des moindres détails des dépenses publiques.
Inutile de rappeler que c'est en définitive le peuple libanais qui, en payant taxes, impôts, ou par le biais des prêts contractés par l'État, finance de ses poches les dépenses faites par l'État qui deviennent souvent un fardeau pour les générations à venir.
Ce chantier de réforme et de lutte contre la corruption ne saurait être cependant complété en l'absence de la série de lois prévues pour la protection de tout citoyen qui viendrait à dénoncer la corruption, des textes qui sont anticipés dans le prolongement de l'adoption de la loi sur le droit d'accès à l'information qui envisage également la création de la Commission pour la lutte contre la corruption ainsi que l'amendement de la loi sur l'enrichissement illégal.
(Lire aussi : Nicolas Tuéni, le « kamikaze » de la lutte contre la corruption)
Tout aussi important et attendu est l'amendement de la loi à la réorganisation de la Cour des comptes et celle relative à l'Inspection centrale, ainsi que l'amendement des textes régissant les marchés publics et le fonctionnement de la Direction générale des adjudications.
Des textes qui devraient essentiellement garantir l'indépendance et le professionnalisme des institutions de contrôle et de rendre leur contrôle efficace dans le but d'assurer la bonne gestion de l'administration publique et de s'assurer que les objectifs prévus sont réalisés. Ils leur permettent en outre d'aller au-delà de la simple fonction de contrôle routinier et administratif pour demander aux différents administrations et ministères des comptes à rendre.
Enfin, l'un des textes de loi les plus importants que nous souhaiterions voir amendé est sans aucun doute celui qui concerne la fonction publique et permettant de réhabiliter le concept de service public en contribuant à l'intérêt de la nation et de la société dans son ensemble. Cette loi contribuera à donner au fonctionnaire public ses droits, tout en prévoyant des sanctions dès lors que ce dernier viendrait à faillir à ses devoirs, notamment la diffusion de l'information aux citoyens et au grand public.
Directeur général des adjudications auprès de l'Inspection centrale.
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