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Nos Lecteurs ont la Parole - par Maître Carol SABA

François est-il en passe de devenir un pape normal ?

13 mars 2013-13 mars 2017. Quatre ans déjà ! Le bilan de l'an I a été fait. Ceux des années II et III aussi. Là, nous sommes au bilan de la 4e année. Ce pape qui maîtrise les voies de la communication moderne continue certes à mobiliser les foules et à noircir la place Saint-Pierre de fidèles qui viennent, par milliers, l'écouter prier et s'interroger sur l'état du monde d'aujourd'hui, ses crises et injustices. Mais ce pape, populaire parmi les fidèles, fait face de plus en plus à une critique davantage virulente, une sorte de fronde interne qui commence à s'organiser et à gronder au sein de la curie romaine, une fronde qui n'hésite pas à le qualifier « d'homme solitaire et imprévisible ».
Certains prélats ultraconservateurs, comme c'est cas du cardinal américain Raymond Leo Burke, vont même jusqu'à espérer sa destitution. Les milieux conservateurs, qui le qualifient ouvertement de pontife libéral, montent de plus en plus ouvertement au créneau contre le pape François. Ils veulent le pousser à dire « ce qu'il pense vraiment sur des questions-clés, comme les couples du même sexe et les catholiques divorcés et remariés, en essayant de l'obliger à s'exprimer pour qu'il soit condamné par les conservateurs ou les progressistes en fonction de ce qu'il dira ». Céline Hoyeau, dans un article du quotidien français La Croix du 17 octobre dernier, titrait sur « ces catholiques que le pape François dérange ». Elle précisait dans son introduction que « dans l'Hexagone, c'est bien au sein du monde catholique que le pape François suscite le plus de réticences, même si elles sont surtout cantonnées aux réseaux sociaux ». De son côté, Cécile Chambraux du quotidien Le Monde, en évoquant dans un article « la campagne d'affichage sauvage qui à Rome accusait le pape François d'hypocrisie », ne manquait pas de préciser que « jusqu'ici, en grande partie souterrain, le mécontentement contre le pape François d'une partie des courants conservateurs de l'Église catholique prend, avec la campagne d'affichage romaine, la tournure d'une fronde publique ».
L'élection de François a d'évidence soulevé de grandes espérances.
Nombreux ont été ceux qui, en l'élisant pour sortir de la crise structurelle de la fin du pontificat de Benoît XVI, pensaient qu'ils votaient là pour un pape de « transition » qui, sans pour autant être sans odeur ni saveur, n'irait pas jusqu'au bout de ses idées. Celles-ci étaient jugées trop révolutionnaires par une certaine curie bien installée dans sa puissance et ses privilèges, habituée à ne pas partager le pouvoir, bien rodée aux intrigues des conservatismes de tout genre, ces « maladies spirituelles » que le pape n'a pas hésité à dénoncer, les yeux dans les yeux, devant les prélats de sa curie romaine, bien décidés à pérenniser le pouvoir ecclésial entre leurs propres mains. Il y a ceux aussi qui, comme le faisait par exemple Guy Baret, se demandaient si, « au-delà des louanges de simplicité, d'humilité, de franc-parler, d'ouverture aux plus modestes dont était investi le pape François », le plébiscite dont faisait l'objet François ne résultait en grande partie de son sens de la communication.
Guy Baret se posait la question, dans la couverture de son livre Pape François, le grand malentendu, publié en 2014, un an après l'élection du pape, aux Éditions du Moment, de savoir si le pape François, « au-delà du choc médiatique, (aillait être) le réformateur inspiré secouant les fondements multiséculaires du Vatican ». Pour ceux qui aiment ce pape de la « miséricorde », pour ceux qui ont apprécié dans son ethos ecclésial et dans sa parole, libre et libérée, l'homme d'une certaine révolution évangélique dont le monde trouble et crispé d'aujourd'hui a intimement besoin, se demandent eux aussi si le pontificat du pape François n'a pas besoin d'un second souffle. François est-il en passe de perdre la grande bataille de son pontificat, celle qui consiste à réformer l'Église et à la réveiller, en la recentrant sur sa véritable mission de véhicule de mission et de témoignage spirituels dans les eaux troubles d'un monde dominé par les peurs, les craintes, les angoisses et les crises identitaires ?
Ce pape François, appelé à la curie romaine des périphéries du monde, et qui est venu à la manière de Son Maître, comme nous le rappelle l'évangile de Luc, « jeter le feu sur la terre, et comme je voudrais qu'il soit déjà allumé », disait le Christ, est-il en passe de devenir un pape « normal », un pape qui s'inscrit dans la lignée tranquille des successeurs romains de Pierre qui attendent de passer le flambeau à un successeur qui poursuivra le chemin de l'Église ? François a été élu évêque de Rome et pape de l'Église catholique romaine à un moment crucial du vécu de cette Église, où s'accumulaient les crises de gouvernance et de communication, où la gestion ecclésiale a pris le dessus sur la mission de l'Église, où pointait de plus en plus, au grand jour, le déphasage entre un monde en pleine mutation et une Église marquée par des crises internes, des scandales de gouvernance et des pesanteurs pesantes.
La figure du pape argentin « providentiel », tant attendu pour donner à l'Église un souffle nouveau et la guider pour la faire passer, avec son charisme de passeur, d'une rive à une autre, est-elle en train de s'enliser dans les marécages du conflit traditionnel opposant au sein de l'Église le camp des réformateurs à celui des conservateurs ? Certes, depuis le premier jour de son pontificat, François a décidé d'affronter « les loups ». Il a même essayé, par la suite, de les « dompter », à la manière de son modèle et saint patron, saint François d'Assise, mais sans succès tangible pour le moment. Certes, François savait où il allait. Il savait que son chemin sera un chemin de Croix, semé d'embûches. Je l'ai souvent comparé à Cyrano de Bergerac. Comme lui, il a un esprit chevaleresque. Comme lui, il est toujours, sabre au clair, en train de batailler sans cesse, sans répit, mais toujours avec dignité, prose, courage et détermination, sur tous les fronts internes et externes de l'Église romaine. Comme lui, il ne cesse d'aller au combat, au front, au prix de sa vie.
Mais ce François-là est-il en passe de perdre la bataille contre les loups dont parlait Marco Politi dans son livre François parmi les loups ? La guerre éclair, furtive et assommante qu'a voulu lancer François contre les « loups » de la curie romaine, qui sont déjà dans la bergerie, s'enlise-t-elle en guerre de tranchées, coûteuse et dramatique, et qui, dans la science de la stratégie militaire, comme toutes les guerres de tranchées, se définit comme une guerre perdue, puisqu'elle fait perdre tout à tout le monde ? Quoi qu'il en soit, il nous reste à souhaiter à François, qui n'a pas dit encore son dernier mot, longue vie. En tout état de cause, entre l'Église missionnaire et prophétique et l'Église gestionnaire et conservatrice, le combat continue à faire rage et le dilemme reste entier à Rome. Et pas seulement, au sein de l'Église romaine...

Maître Carol SABA
Avocate au barreau de Paris

13 mars 2013-13 mars 2017. Quatre ans déjà ! Le bilan de l'an I a été fait. Ceux des années II et III aussi. Là, nous sommes au bilan de la 4e année. Ce pape qui maîtrise les voies de la communication moderne continue certes à mobiliser les foules et à noircir la place Saint-Pierre de fidèles qui viennent, par milliers, l'écouter prier et s'interroger sur l'état du monde...

commentaires (4)

Merci Maître Carole! Vous avez signalé dans votre excellent article l'importance de François qui aime qu'on l'apppelle l'évêque de Rome, en tant que Bon Pasteur! Ce qui signfie Pape de la communication, de la charité, de la miséricorde.. le Pape des pauvres! Dans la curie romaine Pape François affronte de "pauvres loups", et ceci fait qu'il saura gagner la bataille contre tous ces pervers que le "nouveau" Vatican est en train d'essayer de reconvertir à leur vraie vocation de missionnaires de l'Eglise. Puisse la Providence l'aider à y parvenir!! Il ne faut garder l'espérance et souhaiter à ce bon Pape santé et longue vie

Zaarour Beatriz

15 h 34, le 27 mars 2017

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Commentaires (4)

  • Merci Maître Carole! Vous avez signalé dans votre excellent article l'importance de François qui aime qu'on l'apppelle l'évêque de Rome, en tant que Bon Pasteur! Ce qui signfie Pape de la communication, de la charité, de la miséricorde.. le Pape des pauvres! Dans la curie romaine Pape François affronte de "pauvres loups", et ceci fait qu'il saura gagner la bataille contre tous ces pervers que le "nouveau" Vatican est en train d'essayer de reconvertir à leur vraie vocation de missionnaires de l'Eglise. Puisse la Providence l'aider à y parvenir!! Il ne faut garder l'espérance et souhaiter à ce bon Pape santé et longue vie

    Zaarour Beatriz

    15 h 34, le 27 mars 2017

  • SI ON LUI LAISSE L,OCCASION ET LE TEMPS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 23, le 27 mars 2017

  • Le pape Francois est unique en son genre...un Saint..que Dieu le garde et lui donne la sante

    Soeur Yvette

    09 h 13, le 26 mars 2017

  • Un pape normal ne rassemblerait pas un million de fideles lors de sa visite a Milan ou les discours qu'il y a tenu ne sont pas ceux d'un pape normal non plus ett surtout prions qu'il ne le devienne jamais...!

    RIGA Pavla

    19 h 38, le 25 mars 2017

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