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Liban - Tribune

Pour éviter le pire

Revoilà le spectre d'un vide parlementaire...

L'éventuelle prorogation du mandat du Parlement étant une catastrophe démocratique, qui plus est absolument illégitime et anticonstitutionnelle, il est indispensable d'analyser les délais qui nous séparent de la fin du mandat de la Chambre des députés, ainsi que les différentes éventualités qui s'ouvrent aux acteurs politiques, et ce indépendamment de toute considération.

Selon l'article 44 de la loi électorale actuelle, la convocation du collège électoral doit avoir lieu 90 jours au moins avant la date des élections législatives. Comme le mandat de la Chambre se termine le 21 juin de cette année, cela veut dire que le dernier délai pour ladite convocation était le 21 mars dernier, celle-ci n'ayant d'ailleurs pas eu lieu.

En outre, selon l'article 32 de la Constitution, la session parlementaire ordinaire actuelle a débuté le 21 de ce mois de mars et se terminera le 31 mai. La seconde session ordinaire ne sera ouverte que le premier mardi qui suivra le 15 octobre et se terminera à la fin du mois de décembre.

Par conséquent, la Chambre ne peut se réunir immédiatement après le 31 mai que si une session extraordinaire est ouverte car, selon l'article 31 de la Constitution, toute réunion de la Chambre en dehors des sessions légales est considérée comme nulle et non avenue. Cependant, une session extraordinaire ne peut être ouverte que si le président de la République le souhaite, en accord avec le président du Conseil, par voie de décret qui en déterminera la date d'ouverture, la date de clôture et le programme qui devra y être débattu.

 

(Lire aussi : Entre discours identitaire et constituante, le sort du Liban est en jeu)

 

Par ailleurs, le président de la République ne peut être forcé d'ouvrir une session extraordinaire, sauf si, selon l'article 33 de la Constitution, une majorité absolue des membres composant la Chambre lui en fait la demande, donc 65 députés ou plus. Nous en déduisons que la Chambre aurait, au premier abord, un délai qui s'étend jusqu'au 31 mai pour exercer ses prérogatives et pouvoir légiférer car, passé ce délai, le président de la République pourrait ne pas convoquer la Chambre à une session extraordinaire, comme il se pourrait qu'il ne se trouve pas 65 députés ou plus pour l'exiger ou, si le nombre est assuré, que le chef de l'État ne s'y conforme pas et ne signe pas le décret d'ouverture, même si cela constituerait une atteinte flagrante à l'article 33 de la Constitution.

Toutefois, ce délai du 31 mai pourrait être considérablement réduit dans le cas de figure suivant : si le bureau de la Chambre et son président estiment que le Parlement ne sera pas en mesure de voter une nouvelle loi électorale, ces derniers voudront recourir à une nouvelle loi de prorogation du mandat des députés, ce qui serait anticonstitutionnel, évidemment, mais malheureusement usuel quant aux pratiques de notre classe politique. Sauf qu'à partir du moment où le bureau de la Chambre et son président vont inscrire la proposition de prorogation à l'ordre du jour de la réunion du Parlement, le président de la République, qui a déjà annoncé son refus de toute prorogation, risquerait d'exercer les prérogatives qui lui sont octroyées par l'article 59 de la Constitution, qui lui permettent d'ajourner jusqu'à un mois maximum, au cours d'une même session, toute tenue d'une réunion de la Chambre.

 

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Donc, si nous prenons en considération ces deux éléments, la non-ouverture d'une session extraordinaire et le risque d'ajournement d'un mois de la réunion de la Chambre, nous pouvons en déduire que si une nouvelle loi électorale n'est pas votée incessamment par le Parlement (ce dernier devant attribuer à la loi un caractère d'urgence, afin que le délai de promulgation par le président de la République soit réduit de 30 à 5 jours, selon l'article 56 de la Constitution), une proposition de loi sur la prorogation du mandat de la Chambre serait inscrite à l'ordre du jour avant le 30 avril, nécessairement, pour éviter qu'un éventuel ajournement ne puisse définitivement l'écarter.

Va-t-on laisser, dès lors, notre pays amputé de son institution-mère, car c'est bien la Chambre qui représente les citoyens, lesquels, eux, sont la source de tous les pouvoirs? Va-t-on laisser le pays sans une nouvelle loi électorale qui permettrait le renouvellement et la légitimation de ses parlementaires ?

Si le désordre et la nonchalance de la classe politique poussent le pays dans la direction dangereuse de l'absence de Parlement, il ne nous restera plus qu'à espérer que le gouvernement – si la vacance devient un fait – aura recours aux prérogatives déclenchées par cette absence et qui l'habiliteront à remplir le vide législatif et à légiférer par voie de décrets-lois en vue d'instaurer, dans les plus brefs délais, à partir du 21 juin (fin du mandat de la Chambre), un nouveau code électoral qui fera éviter au pays l'inéluctable chronique d'une mort (ô combien) annoncée.

*Salah HONEIN est ancien député.

 

 

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commentaires (3)

"Il ne nous restera plus qu'à espérer que le gouvernement remplira le vide législatif et légiférera par voie de décrets-lois en vue d'instaurer à partir du 21 juin un nouveau code électoral qui fera éviter au pays l'inéluctable chronique d'une mort (ô combien) annoncée." ! Cette date du 21 juin est trop proche, étant donné que cette "classe?" politique attend l'issue du conflit en Syrie pour Oser ne fut-ce que broncher.... Et donc cette "chronique d'une mort (ô combien) annoncée", sera bien plus que simplement "annoncée" ! Yâ hassértéééh !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

10 h 06, le 25 mars 2017

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Commentaires (3)

  • "Il ne nous restera plus qu'à espérer que le gouvernement remplira le vide législatif et légiférera par voie de décrets-lois en vue d'instaurer à partir du 21 juin un nouveau code électoral qui fera éviter au pays l'inéluctable chronique d'une mort (ô combien) annoncée." ! Cette date du 21 juin est trop proche, étant donné que cette "classe?" politique attend l'issue du conflit en Syrie pour Oser ne fut-ce que broncher.... Et donc cette "chronique d'une mort (ô combien) annoncée", sera bien plus que simplement "annoncée" ! Yâ hassértéééh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 06, le 25 mars 2017

  • "Car peut-on dire qu'un Michel Moussa, un Atef Majdalani, un Fouad el-Saad ou un Émile Rahmé sont moins représentatifs de leurs (différentes) communautés chrétiennes que des blocs politiques respectifs auxquels ils appartiennent (Amal, Futur, Rencontre démocratique ou Hezbollah) ? Ce pourrait être eux, au contraire, les vrais députés « libanais » qui défendent, d'un même tenant, leur identité confessionnelle et leur appartenance politique, qui n'est pas nécessairement « chrétienne »." ! En effet, la majorité des chrétiens ne vote pas pour ces députés chrétiens dans ces circonscriptions-là, et ils ne sont élus que grâce aux voix sunnites dans le cas de l'un, aux voix druzes dans le cas de l'autre et aux voix chïïtes dans le cas des deux autres.... Donc on peut dire, tout à fait Raisonnablement n’est-ce pas, "qu'ils sont bien moins représentatifs de leurs (différentes) communautés chrétiennes que des blocs politiques respectifs auxquels ils appartiennent (Amal-chïïte, Futur-sunnite, Rencontre démocratique-druze ou héZébbb-chïïte." ! D'où…. Le hic !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 36, le 25 mars 2017

  • N'y a-t-il pas moyen de solliciter également l'avis d'un autre constitutionnaliste que M. Honein? Il a été en effet député puis candidat malheureux à un second mandat et peut-être nourrit-il toujours des ambitions politiques, du reste légitimes. Comment, dans ce contexte, peut-il être juge et partie en toute objectivité? Si l'OLJ pouvait publier un autre avis juridique sur la situation parlementaire, ses lecteurs en seraient mieux informés.

    Marionet

    08 h 43, le 25 mars 2017

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