Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole - Marco AYOUB

Apologie du système fiscal libanais

Photo Bigstock

L'Orient-Le Jour titrait en première page (samedi 18 mars) « ...Une fiscalité inique », joignant ainsi le sentiment populaire dominant. Il est étonnant qu'une analyse réaliste et rationnelle s'exprime tellement peu à ce sujet. Ce manque ne fait qu'encourager une démagogie dangereuse qui se nourrit de populisme et de slogans erronés. L'affirmation répétée d'une idée n'en fait pas une vérité.
Notre système fiscal est, ce qu'on appelle, cédulaire (les taxes sont perçues indépendamment sur différentes activités à des taux différents) et se définit ainsi par opposition à l'impôt sur le revenu général de la personne. Il est aussi basé en bonne partie sur les taxes indirectes. Ceci le rend plus efficace, plus facile à percevoir, moins douloureux à payer, plus encourageant pour l'entrepreneur et l'entrée de capitaux (combien importante en ce moment), plus compatible à notre culture, donc mieux applicable.
Le grand débat est sur son équité. Le grand slogan, en général comme en ce moment, affirme que les taxes indirectes sont socialement injustes, visant les classes à revenus bas et moyens, et que seul l'impôt direct sur la personne serait équitable. Or une analyse un peu plus précise montre le contraire :
– Les taux douaniers visent clairement les produits de luxe et exonèrent les produits de nécessité courante.
– La TVA, de par ce qu'elle cible et évite, est très clairement biaisée vers la consommation des classes aisées : un ménage qui vit à
5 000 dollars par mois paie non pas 5 fois plus de TVA qu'un ménage qui vit à 1 000 dollars par mois, mais probablement 20 fois ou plus. Ceci est vérifiable en comparant le « panier de la ménagère » dans les deux cas.
– La taxe sur les timbres, formalités notariales, d'enregistrements de toutes sortes ne vise que ceux qui en font usage, clairement peu les bas revenus.
– Les taxes d'électricité, d'eau, de circulation, d'habitation sont fortement progressives et extrêmement basses sur les petits montants.
– Comment prétendre que la taxe sur les intérêts bancaires (5 % et bientôt 7 %) n'est pas socialement équitable ?
- Même logique pour la taxe à venir (15 %) sur les plus-values immobilières.
(Nous devons par ailleurs applaudir à cette nouvelle taxe, due depuis longtemps et conçue intelligemment, qui va inciter à des enregistrements fonciers plus corrects et tenant compte de l'inflation).
Sans prétendre être exhaustif, il est clair que ces taxes indirectes sont éminemment équitables. Notons au passage que les impôts directs sur le revenu ne sont pas particulièrement bas au Liban (15 % – bientôt 17 % – sur les profits ajoutés de 10 % à la distribution).
Notons aussi la difficulté à appliquer cet impôt avant de changer la culture et la probité des deux contreparties, le contribuable comme l'inspecteur fiscal qui l'approche. Ceci n'est pas pour demain.
La grogne populaire et la démagogie autour de l'iniquité des taxes indirectes se nourrissent bien plus du ras-le-bol de la gabegie publique et du manque de confiance dans les classes dirigeantes, que de la pression fiscale effective elle-même. Elles sont portées surtout par le manque de services publics (payer deux fois l'électricité et l'eau, manque d'écoles et de transports publics efficients, etc.). Dans l'inconscient populaire, il y a amalgame entre paiements de services publics et taxes indirectes.
Le Liban a la chance d'avoir un système fiscal simple, compréhensible, facilement applicable, incitant à l'esprit d'entreprise, et même... équitable (d'après la logique de cette note). Si ce n'était le financement de l'Électricité du Liban et du service de la dette, il serait même nettement excédentaire. Tout justifie le mécontentement populaire, mais il est urgent de dénoncer des contre-vérités démagogiques dangereuses. Les laisser courir nous mènerait à des dérives néfastes à l'avantage de personne, toutes classes confondues.
Le Liban a perdu beaucoup de ses avantages comparatifs et compétitifs pour ne pas préserver le peu qui lui reste.

Marco AYOUB

L'Orient-Le Jour titrait en première page (samedi 18 mars) « ...Une fiscalité inique », joignant ainsi le sentiment populaire dominant. Il est étonnant qu'une analyse réaliste et rationnelle s'exprime tellement peu à ce sujet. Ce manque ne fait qu'encourager une démagogie dangereuse qui se nourrit de populisme et de slogans erronés. L'affirmation répétée d'une idée n'en...

commentaires (2)

LA OU PEUT-ETRE CA CLOCHE LE PLUS C,EST SUR LA PERCEPTION DES IMPOTS QUI DEVRAIT APPLIQUER LES TAXES A LA REGLE... LOIN DE LA PLAIE DES BAKSHISHS !!!!!!!!

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 49, le 24 mars 2017

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • LA OU PEUT-ETRE CA CLOCHE LE PLUS C,EST SUR LA PERCEPTION DES IMPOTS QUI DEVRAIT APPLIQUER LES TAXES A LA REGLE... LOIN DE LA PLAIE DES BAKSHISHS !!!!!!!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 49, le 24 mars 2017

  • Bien dit : enfin quelqu'un nous offre une analyse claire du système fiscal libanais, analyse cohérente et convaincante. Le ras-le-bol vient aussi de l'absence de communication officielle : pourquoi les ministres concernés (com et finances) ne s'entourent-ils pas de spin doctors ou à tout le moins de plumes comme le signataire de cet article pour exposer leur politique, désamorcer les rumeurs, expliquer les enjeux ? Une communication claire pourrait aussi neutraliser le lobbyisme corporatiste des banques et autres commerçants et empêcher les récupérations politiques. Et bien sûr, j'attends avec impatience que le ministre anti-corruption présente sa feuille de route : quels vont être les instruments de lutte contre la gabegie ? Va-t-il mettre sur pied une équipe d'inspecteurs ? Des clients mystères? Comment demander des comptes aux hommes au pouvoir ? Comment purger l'administration de tous ces ronds-de-cuir inutiles et cupides? Bref, y a du boulot et je n'en vois même pas le début d'un début. Alors oui, je comprends que les jeunes battent le pavé. Mais pendant qu'ils crient leurs slogans, on continue à se gaver dans les palais de la république.

    Marionet

    10 h 05, le 24 mars 2017

Retour en haut