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Culture - Rencontre

« Sauvé des eaux, Modigliani a meublé ma vie »

De passage au Liban pour présenter son premier roman, « Le Tableau », Laurence Venturi*, banquière et scientifique de formation, extirpe d'une inondation domestique un Modigliani présumé faux et se découvre un nouveau talent, celui d'écrivaine.

Laurence Venturi : «  J’ai agrandi la famille grâce à monsieur Modigliani. » Photo Astrid di Crollalanza

Un Modigliani ! C'est par lui que l'histoire commence, il est le personnage principal du roman Le Tableau, de Laurence Venturi. Nous sommes en 2012 et la narratrice découvre dans sa cave inondée, après un dégât des eaux, une toile non authentifiée et qui, jusqu'à nouvel ordre, ne valait pas plus de 200 euros. Entraînée dans une aventure énigmatique, elle part à la quête de la vérité. Des péripéties rocambolesques se suivent et s'enchaînent, et viendront troubler son quotidien familial.

 

Laurence au pays de l'écriture
Il y a d'abord l'émerveillement face à la toile. Et puis l'ivresse de penser qu'elle tenait peut-être entre les mains quelques millions d'euros. Encore fallait-il le prouver. À la fois historique et personnel, le livre de Venturi, comme un roman gigogne, va révéler des secrets, dévoiler des vérités et réveiller en elle une impulsion rédemptrice, celle de l'écriture.

Laurence Venturi avoue n'avoir jamais pensé à l'écriture n'était-ce cette découverte et l'encouragement des proches pour partager son aventure. Grande lectrice, elle a quelquefois chatouillé la plume pour créer un monde imaginaire à ses enfants, en petites histoires qu'elle leur lisait pour accélérer le passage du marchand de sable. Après avoir jonglé avec les chiffres, elle abandonne un métier pour un autre, celui de s'occuper de ses cinq enfants. Son monde était fait de lave-linge à faire tourner, de frigo à remplir, de repas à préparer et d'activités sportives à assurer. Quand elle va croiser le turquoise du regard asymétrique de Beatrice Hastings, muse et amante de Modigliani, elle pressent que sa vie va basculer, mais ignore encore l'étendue des dégâts. Certes, le frigo va se vider, les enfants vont rater leurs cours, la machine à laver va s'impatienter, les querelles vont envahir son espace sacré, mais une nouvelle page dans sa vie va s'ouvrir, elle sera blanche, et Laurence Venturi, deux ans durant, va s'atteler à la remplir. Corrections après raturages, satisfaction après démotivations, tournée des éditeurs, et premières déceptions quand on lui annonce que son livre est juste bon pour un documentaire, Laurence Venturi ne baisse pas pour autant les bras. La journée, elle enquête, et le soir, elle écrit et rêve d'un éditeur.

 

Élémentaire... mon cher Amedeo
Laurence Venturi endosse le costume de l'enquêteur, établit un carnet de bord, note tous ses déplacements, visite les experts, appréhende les collectionneurs, affronte les entêtés, déjoue les hypocrisies du monde de l'art. Désormais, le vocabulaire de sa vie est riche en analyses et expertises, sa journée est passée aux rayons X, ses émotions au scanner UV, son ciel est blanc titane, ses repas sont à base de liants et de pigments, ses après-midi se passent entre fondations et laboratoires scientifiques. Elle se plonge dans l'histoire de Max Jacob, fréquente Sotheby's, refait le parcours de la vie de Modigliani, s'arrête à chaque tournant, étudie le moindre indice. Mais plus elle avance, plus ses pas s'engluent et lui tracent un trajet sans issue, dénoncent un système encrassé, une dictature insurmontable et un catalogue raisonné incontournable, le Ceroni.

Mais l'enquête ne va pas s'arrêter à la recherche de la traçabilité du tableau, elle l'entraînera dans les profondeurs où les secrets de famille seront violemment dépoussiérés : « Plus je tirais un fil, plus je découvrais une histoire. J'ai mis un peu le chaos dans ma vie de famille car l'écriture m'a isolée du reste du monde. Ma quête était d'abord à but lucratif mais transportée par le courant des révélations, je réalisais que Modigliani, plutôt que de meubler les murs de mon salon, avait meublé ma vie. »
Partie pour prouver l'authenticité de la toile, l'auteure remue les secrets de famille, remet en question toute sa généalogie et découvre le plaisir d'écrire : « Je n'ai peut-être pas réussi à vendre mon tableau, mais je l'ai sorti du placard, je lui ai redonné vie. Il est dans la presse, entre les mains des journalistes, et je suis au Liban pour le présenter. L'aventure n'est pas terminée, j'entame mon second roman et, de surcroît, j'ai agrandi la famille grâce à monsieur Modigliani. »

* « Le Tableau », roman de Laurence Venturi, aux éditions Albin Michel.

 

Pour mémoire

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