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Moyen Orient et Monde - Turquie

Pourquoi Erdogan tend la main aux réfugiés syriens

Ankara veut naturaliser près de 2 000 familles, après avoir nuancé sa position sur Bachar el-Assad.

Des réfugiés syriens dans la ville de Gaziantep, à la frontière turquo-syrienne, le 23 avril 2016. STR/AFP

Décision symbolique ou événement majeur ? Le flou demeure quant à l'ampleur des naturalisations de réfugiés syriens annoncées par les autorités turques. Les démarches pour naturaliser 2 000 familles présentes dans la région d'Istanbul ont été enclenchées, a annoncé la semaine dernière le gouverneur d'Istanbul, Vasip Sahin. En janvier, le président Recep Tayyip Erdogan avait annoncé que la nationalité turque pourrait être accordée à « une partie » des réfugiés, « après toutes les investigations nécessaires ». Il avait évoqué cette décision pour la première fois en juillet dernier, visant alors les « frères syriens qui le souhaitent ».

Une décision qui n'est pas sans risque dans un pays largement fragilisé par les attentats terroristes. Plus de trois millions de réfugiés, essentiellement syriens, sont actuellement présents en Turquie. Combien d'entre eux seraient concernés par une naturalisation ?

 

(Pour mémoire : L’incessant yo-yo de la diplomatie turque en Syrie)

 

« La nationalité pour les Syriens ne sera pas facile à accepter pour les Turcs. Si la plupart des Syriens bénéficient de la citoyenneté turque, cela changera considérablement la société, la politique et l'économie. Peut-être que nous verrons un parti politique syrien en Turquie », analyse Mustafa Edib Yilmaz, éditorialiste turc. Par ailleurs, les réfugiés originaires d'autres pays pourraient se sentir discriminés par une telle mesure.
Alors qu'un référendum constitutionnel renforçant les prérogatives présidentielles est prévu en Turquie le 16 avril, l'opposition a accusé le président turc de vouloir augmenter ses scores dans les urnes en créant des citoyens reconnaissants envers les autorités. Le sud-est de la Turquie, où les réfugiés sont présents en nombre, pourrait ainsi pencher politiquement en faveur du camp de M. Erdogan. Le vice-Premier ministre Veysi Kamak a toutefois précisé qu'aucune citoyenneté ne serait accordée avant le référendum.

Des naturalisations à plus petite échelle produiraient un effet essentiellement symbolique. Il s'agirait pour M. Erdogan de montrer qu'il tend la main au peuple syrien, alors même qu'il a révisé sa politique étrangère, témoignant moins d'hostilité qu'auparavant envers le président syrien Bachar el-Assad, après s'être réconcilié avec Moscou durant l'été 2016. Alors qu'il a longtemps appelé au changement du régime, Ankara a modéré sa position et parraine désormais les négociations de paix avec la Russie et l'Iran, principaux soutiens du régime syrien. Le chef de l'État turc n'en est pas à son coup d'essai en matière de soutien symbolique : sa photo avec Bana el-Abed, fillette de sept ans qui tweetait son quotidien à Alep durant l'offensive du régime, avait fait le tour du monde en juillet dernier. Elle contrastait avec le silence d'Ankara au même moment.

 

(Pour mémoire : Vif débat en Turquie sur des milliers de Syriens bientôt naturalisés)

 

Une efficacité contestable
Jusqu'à maintenant, le pouvoir turc avait refusé d'accorder le statut de réfugiés aux Syriens. Cette démarche lui permet de se montrer comme accueillant et prêt à soutenir les victimes d'un conflit meurtrier, alors qu'Européens et Américains y sont de moins en moins enclins. « Est-ce la meilleure façon de montrer sa solidarité avec le peuple syrien ? Je ne suis pas sûr. Le mieux serait d'assurer la protection des Syriens en Syrie », souligne Mustafa Edib Yilmaz. Si le quotidien progouvernemental Daily Sabah assure que la majorité des réfugiés souhaitent rester en Turquie, il est indéniable qu'une part non négligeable d'entre eux désire retrouver sa terre natale.

En outre, les Syriens particulièrement dans le besoin pourraient ne pas bénéficier de ces naturalisations, d'après les annonces officielles. « Je soutiens l'octroi de la citoyenneté aux Syriens qui sont bons à leur travail, tels les médecins », a ainsi annoncé le ministre de la santé Recep Akdag sur la chaîne NTV. L'avantage économique de l'intégration des Syriens à la communauté nationale est l'argument avancé sur la scène politique interne pour justifier ces naturalisations.

La société turque s'y montre quant à elle assez réticente. Le hashtag #ülkemdeSuriyeliistemiyoru (#JeneveuxpasdeSyriensdansmonpays, en turc) avait fait son apparition sur les réseaux sociaux après l'annonce d'Erdogan en juillet, alors que des affrontements entre locaux et réfugiés se produisent régulièrement dans le pays.

 

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